La naissance en Septembre 2021 de l'alliance « Aukus », un « partenariat de sécurité » conclu entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie à l'effet de contrecarrer la « menace chinoise » dans la mer de Chine méridionale avait torpillé, dans son sillage, le méga-contrat de 56 milliards d'euros qui avait été signé, le 20 décembre 2016, entre Paris et Camberra au titre de l'achat de 12 sous-marins à propulsion nucléaire de fabrication française. Protestant avec force contre la « gravité exceptionnelle » de cet accord qui constitue un « comportement inacceptable entre alliés et partenaires » et qui affecte la vision que la France a de ses alliances, Paris qui craignait que les responsables américains, britanniques et australiens ne sous-estiment et n'interprètent mal sa colère qui n'a pas seulement trait à la perte d'un contrat – si gros soit-il – mais, surtout, à la manière avec laquelle la France a été exclue des pourparlers entre les trois pays, en était arrivé jusqu'à ordonner le rappel « pour consultation » de ses ambassadeurs aux Etats-Unis – un acte sans précédent vis-à-vis de cet allié historique – et en Australie, pays à l'origine de la crise. Ce méga-contrat relatif à la fourniture de 12 sous-marins conventionnels, dérivés des futurs sous-marins nucléaires français Barracuda, engageait les deux signataires pour les cinq années à venir avec un démarrage de la fabrication desdits sous-marins en 2022 pour une première mise à l'eau en 2030. Il était convenu, également, que ces engins allaient être construits à Adélaïde et l'industriel français « Naval Group » s'était engagé à ce que 60% de la valeur du contrat soit dépensée en Australie au titre de la création de près de 2.800 emplois. L'annulation de ce contrat ayant donc constitué un épisode douloureux dans les relations entre Paris et Camberra, huit mois de négociations ont été nécessaires avant que le fabricant français et les autorités australiennes ne parviennent, dans la nuit de vendredi à samedi 11 juin, à la conclusion d'un accord qui, de l'avis du nouveau Premier ministre travailliste australien, Anthony Albanese, est « juste et équitable » ; des mots qui ont été repris, le lendemain, par « Naval Group », dans le communiqué à travers lequel il a salué le travail de ses équipes – 350 salariés en Australie et 650 en France – durant les cinq années qui avaient précédé la « rupture ». Ainsi, pour mettre un terme à l'affaire des sous-marins français, il a été convenu qu'une compensation financière de 555 millions d'euros sera versée, par l'Australie, à l'industriel français « Naval Group » quand bien même, de l'avis du Premier ministre australien, l'échec du contrat des sous-marins français aura coûté 2,4 milliards de dollars aux contribuables australiens. Paris ayant « pris acte » de cet accord, celui-ci va lui « permettre de regarder vers l'avant (et) d'ouvrir une nouvelle page » dans ses relations avec Camberra, a déclaré, de Singapour, Sebastien Lecornu, le ministre français des armées, qui participait au 19ème dialogue de Shangri-La, un important forum sur la sécurité et la défense organisé par l'Institut International d'Etudes Stratégiques (IISS) qui s'est ouvert vendredi soir à l'hôtel « Shangri-La » de Singapour (d'où son nom) au titre de la défense et de la sécurité dans la zone Asie-Pacifique et qui réunit les représentants d'une cinquantaine de pays. En annonçant, dans un communiqué, que le Président français Emmanuel Macron et le Premier ministre australien Anthony Albanese ont eu un entretien téléphonique, ce jeudi, l'Elysée a déclaré que ces derniers « ont convenu de rebâtir une relation bilatérale fondée sur la confiance et le respect, pour surmonter ensemble les enjeux globaux, au premier rang desquels l'urgence climatique et les défis stratégiques en Indopacifique » Est-ce à dire que la fameuse « crise des sous-marins » qui avait empoisonné, pendant des mois, les relations entre Paris et Camberra n'est plus qu'un mauvais souvenir ? Attendons pour voir... Nabil EL BOUSAADI