Nabil El Bousaadi «Nous n'allons pas être masochistes et insister encore et encore sur nos problèmes, nous devons les surmonter et regarder vers l'avenir (...) Il y a eu un incident, il y a eu quelques malentendus, il y a eu un manque de communication, tout cela a été dit (...) Il est clair que la volonté de coopérer et de bâtir un partenariat plus équilibré est, pour les deux camps, la pierre angulaire de ce nouveau partenariat (...) C'est bon, c'est fini, allons de l'avant. Et commençons à travailler plus étroitement». C'est par ces termes que, ce vendredi, après avoir rencontré la veille le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, en visite à Washington, a affiché sa volonté de mettre un terme à la crise franco-américaine qui avait fait suite à la naissance de l'alliance «Aukus», ce nouveau «partenariat de sécurité» conclu entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie à l'effet de contrecarrer la «menace chinoise» dans la mer de Chine méridionale mais qui, dans son sillage, avait torpillé le méga contrat de 56 milliards d'euros souscrit, en 2016, entre Paris et Camberra au titre de l'achat de 12 sous-marins à propulsion nucléaire de fabrication française. Aussi, les autorités de l'Hexagone avaient-elles fermement condamné cet accord tripartite et l'avaient qualifié de «coup de poignard dans le dos» et de «rupture de confiance». Pour rappel, le 5 septembre dernier, pour montrer leur colère, les représentants français à Washington avaient décliné l'invitation à une réception organisée par la Maison Blanche à l'occasion de la célébration de l'anniversaire de la bataille de Chesapeake Bay, une bataille navale décisive de la guerre d'indépendance des Etats-Unis, qui s'était soldée en 1781 par une victoire de la flotte française sur la flotte britannique. En dénonçant, par ailleurs, une «décision unilatérale, brutale et imprévisible qui ressemble beaucoup à ce que faisait Monsieur Trump», le ministre français des Affaires étrangères avait déploré le choix de Washington d'«écarter un allié comme la France d'un partenariat structurant avec l'Australie» notamment à un moment où le monde fait «face à des défis sans précédent dans la région indo-pacifique»; ce qui, pour Jean-Yves Le Drian, «marque une absence de cohérence que la France ne peut que constater et regretter». Protestant avec force contre la «gravité exceptionnelle» de cet accord qui constitue un «comportement inacceptable entre alliés et partenaires» et qui affecte la vision que la France a de ses alliances, Paris qui craint fort qu'à Washington, les responsables australiens et britanniques ne sous-estiment et n'interprètent mal sa colère qui n'a pas seulement trait à la perte d'un contrat – si gros soit-il – mais, surtout, à la manière avec laquelle la France a été exclue des pourparlers entre les trois pays, en était arrivé jusqu'à ordonner le rappel «pour consultation» de ses ambassadeurs aux Etats-Unis et en Australie. En réponse à cela, un responsable de la Maison Blanche, soucieux d'arrondir les angles, avait déclaré que l'administration américaine qui regrette cette décision allait se rapprocher de la France pour tenter résoudre ce différend et Marise Payne, la ministre australienne des Affaires étrangères avait affirmé, de son côté, qu'elle comprenait la «déception» de Paris mais qu'elle espérait, néanmoins, que la France allait finir par comprendre «la valeur» que l'Australie accorde aux relations entre Paris et Camberra. Enfin, après cette entrevue avec le chef de la diplomatie américaine, Josep Borell a salué le prochain lancement d'un dialogue américano-européen sur la sécurité et la défense ainsi que la tenue, avant la fin de l'année, de «consultations de haut niveau» sur la posture à adopter face à la Chine en mer de chine méridionale. Est-ce à dire que la «crise des sous-marins» n'est plus qu'un mauvais souvenir?