La Chine a fustigé, mardi, le spectaculaire programme de coopération dans les sous-marins nucléaires lancé la veille par les Etats-Unis, l'Australie et la Grande-Bretagne, mettant en garde contre une "voie erronée et dangereuse". Soucieux de tenir tête à la Chine dans le Pacifique, Washington, Londres et Canberra ont lancé lundi leur alliance baptisée AUKUS - annoncée voilà 18 mois au grand dam de Paris qui voyait ses propres sous-marins évincés - et vont s'associer pour construire une nouvelle génération de sous-marins nucléaires, après l'achat prévu par Canberra de plusieurs appareils. "La dernière déclaration commune des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de l'Australie montre que ces trois pays s'engagent de plus en plus sur une voie erronée et dangereuse, au profit de leurs seuls intérêts géopolitiques et au mépris total des préoccupations de la communauté internationale", a fustigé devant la presse un porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin. Pékin avait déjà appelé les trois pays, avant les annonces de lundi, "à abandonner la mentalité digne de la Guerre froide et les jeux à somme nulle". "Nous nous mettons dans la meilleure position qui soit pour faire face ensemble aux défis d'aujourd'hui et de demain", avait dit lundi le président américain Joe Biden, annonçant une coopération "sans précédent" depuis une base navale de San Diego, entouré des Premiers ministres australien Anthony Albanese et britannique Rishi Sunak. Selon lui, les Etats-Unis ne peuvent avoir "de meilleurs amis".
Garder « la zone indo-pacifique libre et ouverte »
Aucun des trois dirigeants rassemblés à San Diego n'a mentionné explicitement la Chine, mais Joe Biden y a fait implicitement référence, affirmant que l'alliance AUKUS devait assurer que "la zone indo-pacifique reste libre et ouverte". Une formule qui dans le jargon diplomatique américain désigne la volonté de contrer l'influence chinoise dans la région. M. Albanese a souligné que l'Australie fait là "le plus grand investissement" de défense de son histoire. Selon Canberra, ce projet pluridécennal, qui coûtera près de 40 milliards de dollars sur les dix premières années, générera environ 20.000 emplois. L'Australie est, après la Grande-Bretagne, le deuxième pays à avoir accès aux secrets nucléaires de la marine américaine, a insisté M. Albanese. Rishi Sunak a également vanté les efforts pour doper son budget de défense du Royaume-Uni qui s'engage dans "l'accord de défense multilatéral le plus important depuis des générations". Le programme de sous-marins d'attaque, qui a l'ambition de remodeler la présence militaire occidentale dans le Pacifique, se déclinera en trois phases, a détaillé la Maison Blanche. Et selon un principe "crucial", martelé par Joe Biden: "ces sous-marins seront à propulsion nucléaire, mais ne porteront pas d'armes nucléaires", pour respecter le principe de non-prolifération. L'objectif est de déployer, à partir de 2027 et sur un principe de rotation, quatre sous-marins américains et un sous-marin britannique sur la base australienne de Perth (Ouest). Dans un deuxième temps, sous réserve du feu vert du Congrès américain, l'Australie va acheter trois sous-marins américains à propulsion nucléaire de la classe Virginia, avec une option sur deux supplémentaires. Ils doivent être livrés à partir de 2030.
"Un risque grave de prolifération nucléaire"
La Chine et la Russie ont fustigé mardi le spectaculaire programme de coopération dans les sous-marins nucléaires lancé la veille par les Etats-Unis, l'Australie et la Grande-Bretagne. La Chine a dénoncé une "voie erronée et dangereuse", violant les objectifs du Traité de non-prolifération avec "un risque grave de prolifération nucléaire". La Russie a accusé les "Anglo-saxons" d'orchestrer "des années de confrontation" en Asie. Ce programme de sous-marins d'attaque veut remodeler la présence militaire occidentale dans le Pacifique, au moment où la Chine y affirme ses ambitions. "Ces trois pays s'engagent de plus en plus sur une voie erronée et dangereuse, au profit de leurs seuls intérêts géopolitiques et au mépris total des préoccupations de la communauté internationale", a fustigé devant la presse un porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin. Accusant les trois pays occidentaux d'inciter à une course aux armements, avec une alliance incarnant "une façon de penser typique de la Guerre froide", il a ajouté que la vente des sous-marins "constitue un risque grave de prolifération nucléaire et va à l'encontre des buts et objectifs du Traité de non-prolifération". "Le monde anglo-saxon bâtit des structures de bloc comme AUKUS, avançant l'infrastructure de l'Otan en Asie, et faisant sérieusement le pari de longues années de confrontation", a déclaré de son côté le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) doit veiller "à ce qu'aucun risque de prolifération n'émane du projet", a averti pour sa part son directeur général Rafael Grossi. Le Canada exclu de l'Alliance AUKUS L'exclusion du Canada de l'alliance militaire impliquant trois de ses plus proches alliés est symptomatique d'un problème plus vaste dans la façon dont le pays est perçu par ses amis, estiment des experts, alors que les Américains, les Britanniques et les Australiens vont de l'avant avec leur accord. Le gouvernement de Justin Trudeau a minimisé l'importance de ce partenariat «AUKUS» pour le Canada, affirmant qu'Ottawa n'était pas sur le marché des sous-marins à propulsion nucléaire. Mais certaines voix dans les milieux militaires au pays et à l'étranger soutiennent que le Canada devrait être de la partie. Un haut commandant des Forces armées canadiennes, le vice-amiral Bob Auchterlonie, s'inquiétait dans une récente entrevue avec La Presse Canadienne du fait que le Canada ne dispose pas de la même technologie de pointe que trois de ses plus proches alliés. L'exclusion du Canada est considérée comme une preuve supplémentaire que ses alliés ne croient pas qu'Ottawa souhaite sérieusement repousser les ambitions chinoises, malgré la récente publication d'une nouvelle «stratégie indo-pacifique» à la fin de l'année dernière. «Le Canada, lui, a publié sa Stratégie indopacifique. Mais je pense que le problème du Canada, en ce moment, c'est que même s'il a une stratégie, il n'a vraiment pas décidé ce qu'il veut accomplir dans la zone Indo-Pacifique».