Le président français Emmanuel Macron a retrouvé jeudi à Barcelone le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez pour un sommet « hautement symbolique », qui va porter la relation entre les deux pays au plus haut niveau, au moment où, à Paris, la mobilisation s'annonce massive contre sa réforme des retraites. M. Macron a été accueilli vers 10H00 GMT par M. Sanchez au Musée national d'art de Catalogne, où les deux dirigeants devaient avoir un tête-à-tête avant de signer en grande pompe un « traité d'amitié et de coopération ». Un texte qui prévoit, dans le détail, un renforcement de la relation bilatérale sur les questions migratoires, de défense, d'énergie ou de jeunesse. Hasard du calendrier, le chef de l'Etat français sera toute la journée dans la métropole catalane au moment même où, en France, débutent les manifestations et grèves potentiellement massives contre sa réforme des retraites. Discret ces derniers jours sur la grande réforme de son second mandat, il pourrait devoir commenter cette mobilisation sociale durant sa conférence de presse commune avec le chef du gouvernement espagnol, ou lors d'un discours prévu devant la communauté française. « Hautement symbolique » pour la présidence française, ce traité franco-espagnol est seulement le troisième de la sorte signé en Europe par la France après celui de l'Elysée, paraphé en 1963 avec l'Allemagne et complété depuis par celui d'Aix-la-Chapelle en 2019, et celui du Quirinal, signé avec l'Italie en 2021. « Ce qu'on va faire à Barcelone est très important. Parce qu'au fond la vie linguistique, culturelle, économique (entre les deux pays) était très en avance sur la structuration politique. On a une vraie relation d'amitié avec Pedro Sanchez. Et donc là, on va vraiment donner un cadre », a souligné M. Macron dans le quotidien El Pais. Paris veut en effet graver dans le marbre le renforcement de ses relations avec d'autres voisins que l'Allemagne, notamment du sud de l'Europe, au moment où le moteur franco-allemand de l'UE est souvent apparu essoufflé. Si Paris note déjà « un certain nombre de convergences » entre les deux dirigeants « pour l'agenda européen des prochains mois », Emmanuel Macron a dans l'esprit de concrétiser à Barcelone une « ligne commune avec Madrid » sur la réponse européenne à l'Inflation Reduction Act, le plan d'investissement massif du président américain Joe Biden dans la transition énergétique. Le président français, qui avait dénoncé fin novembre à Washington des subventions américaines « super agressives », veut une action tout aussi massive de l'UE et des décisions rapides pour éviter la fuite d'entreprises européennes attirées par les aides américaines. Un ton ferme à l'égard des Etats-Unis que n'a pas adopté le Premier ministre espagnol. Depuis Davos, Pedro Sanchez s'est contenté lundi, sur la chaîne américaine CNBC, de noter que l'UE devait « faire ses devoirs » et réformer sa propre politique en matière d'aides d'Etat afin d'envoyer aux entreprises « le message que l'Europe, et bien sûr l'Espagne, sont un bon endroit » pour investir. Emmanuel Macron caresse aussi l'espoir de rallier, dans une certaine mesure, à sa position le chancelier allemand Olaf Scholz, qui sera dimanche à Paris pour célébrer le 60e anniversaire du Traité de l'Elysée et participer à un conseil des ministres franco-allemand censé solder les différends entre les deux premières puissances européennes. La signature du traité franco-espagnol intervient trois mois après la levée d'un des principaux désaccords entre les deux pays qui ont décidé, avec le Portugal, d'enterrer le projet de gazoduc « Midcat », auquel s'opposait Paris, pour le remplacer par un pipeline d'hydrogène « vert » reliant Barcelone à Marseille et baptisé « H2Med ». Barcelone a justement été choisie comme ville hôte du sommet pour souligner l'importance de ce projet stratégique mais aussi pour montrer que la situation s'est apaisée en Catalogne, théâtre d'une tentative de sécession en 2017. Ne le voyant pas ainsi, plusieurs milliers d'indépendantistes catalans ont manifesté jeudi matin tout près du sommet pour protester contre sa tenue, aux cris de « ni France, ni Espagne! ». Rare point d'achoppement entre les deux pays, Madrid a prévu d'insister lors du sommet sur l'importance de rouvrir au plus vite huit points de passage frontaliers toujours fermés au nom de la lutte des autorités françaises contre le terrorisme et l'immigration illégale.