Entretien avec l'hydrogéologue Fouad Amraoui Mahmoud Nafaa * Neuf solutions possibles ont été proposées par le professeur hydrogéologue, Fouad Amraoui, pour confronter la menace du stress hydrique. Le dessalement de l'eau de mer, la connexion entre les bassins pour une solidarité hydrique interrégionale, le traitement et la réutilisation des eaux usées, l'orientation des subventions agricoles en faveur de la sécurité hydrique et alimentaire, la sensibilisation à l'esprit civique, l'amélioration du rendement des réseaux d'eau en ville, la construction de barrages, la mise en place d'espaces verts et de l'agriculture urbain. Et enfin, la réduction de la consommation à l'échelle individuelle et au niveau des opérateurs agricoles privés. Tout ce qui reste à faire selon Pr. Amraoui, c'est de concrétiser efficacement les projets lors du processus d'implémentation, tout en rappelant que nous sommes tous responsables de la réussite à atteindre notre objectif de sécurité hydrique. Al Bayane : Et si vous commencez par nous expliquer l'état des lieux de la situation hydrique au Maroc ? Pr. Amraoui : Pour ce qui concerne le Maroc, on se trouve dans la rive sud de la méditerranée. Pendant les années soixante, chaque personne avait une dotation importante d'eau, quand on prend la ressource en eau d'un pays et on la divise par personne. On avait à l'époque, 2 500 m3 par personne annuellement. Bien entendu, la situation a aujourd'hui changé, puisque d'abord, on est beaucoup plus nombreux, avec une population avoisinant à peu près les 38 millions d'habitants. Le pays s'est beaucoup développé, il a développé l'agriculture, l'industrie, etc. Puis, il y a eu le changement climatique, et le Maroc est touché par ce phénomène. A partir de 1980, la situation a complètement changé, précisément en 1980, date à retenir. Alors, qu'est-ce qui s'est passé lors des années 80 ? On a commencé à avoir des sécheresses récurrentes, des cycles de 4 à 5 ans de sécheresse, et puis le régime pluviométrique a changé. Auparavant, les pluies arrivaient à fin septembre, octobre, donc tout au long de l'automne. On avait également des pluies en février et des pics en mars et avril. Et toutes les cultures céréalières au Maroc étaient basées sur ce régime pluviométrique. Ce qui a changé avec les années 1980, c'est que les pluies ont commencé à survenir beaucoup plus tardivement. Donc en novembre et en décembre, et les pics qui se produisaient en mars et avril, lors de certaines années, n'arrivaient plus du tout. Alors que les cultures céréalières ont besoin de ce deuxième pic, ce qui abouti parfois à des rendements très faibles en matière de céréales, alors que nous consommons beaucoup de céréales. Aujourd'hui, cette dotation des années 80 de 2 500 m3 a chuté à 600 m3 par personne annuellement. Il faut savoir que cette diminution était prévue en raison de la montée exponentielle de la population, mais cette chute de la dotation d'eau a été aussi causée par les programmes d'industrie, d'agriculture et de tourisme lancés par le Royaume dans le cadre de sa politique de développement. Tout ces secteurs-là consomment de très grandes quantités d'eau, alors que la ressource est limitée, voire plutôt en décroissance puisque ça baisse. Parlez-nous un peu de la politique des barrages et de son efficacité, et s'il y a d'autres solutions à la problématique hydrique. Le Maroc a développé sa politique des barrages à partir de 1960. Aujourd'hui, on dispose de 148 barrages, toutes dimensions confondues. Le plus grand c'est le barrage d'El Wahda, se trouvant dans la région de Taounate, avec une capacité de stockage de 3,8 milliards de m3, et nous avons des barrages moyens et petits. La capacité de stockage, tous barrages confondus, étant de 18 milliards de m3. Si on prend en compte la situation de stockage à ce jour même, on est à 31% de taux de remplissage dans nos barrages. Mais ces 31%, il faut les nuancer. Il faut savoir que dans le nord du pays, on a des taux qui avoisinent 52 à 53%, et si on examine le barrage d'El Massira, il ne contient même pas les 4% de taux de remplissage, alors que le barrage de Bin El Ouidane est à 11%. Donc, le nord est toujours alimenté en eau, car il y a beaucoup de pluies dans cette région, alors que dans d'autres régions, comme le centre, l'Oriental et le sud, on reçoit toujours très peu de pluies. Ce qui fait que nos barrages là-dedans ne sont pas suffisamment remplis. Par ailleurs, nous sommes aussi témoins d'une urbanisation très importante. A cause de la sécheresse, les gens fuient le rural et se dirigent vers les villes. Ce qui fait que nos villes s'agrandissent, et les besoins dans les villes augmentent en conséquence, et la demande en eau donc croît. Surtout dans les villes côtières, à l'instar de Tanger, Casablanca et Agadir. Ces villes se caractérisent par une dynamique urbaine extrêmement forte, et connaissent donc une augmentation de la demande en eau. Dans ce cas, si j'ai une source d'alimentation en eau aujourd'hui, d'ici à 10 ans, je serai dans l'obligation de chercher une autre source d'alimentation, vu que la demande explose. Le dessalement de l'eau de mer C'est une des raisons pour laquelle on est passé au dessalement de l'eau de mer, parce que l'eau de mer est une eau assurée. On dispose de 3 500 kilomètres de côtes, et nous avons beaucoup de villes qui ont un problème d'alimentation en eau. Bon, on a solutionné un peu le problème d'Agadir, puisque la station de dessalement de la ville d'Agadir est déjà fonctionnelle. Cette station nous donne le total des besoins de la ville, mais aussi l'irrigation agricole. Mais pas n'importe quelle irrigation, une irrigation à forte valeur ajoutée, comme la culture sous serre. On a aussi le projet de Dakhla, où on prévoit d'installer une station de dessalement, qui comporte également une partie dédiée à l'agriculture. A Casablanca, en 2026, on aura une grande usine qui fournira de l'eau à la ville, en plus de l'allocation de 5 000 hectares pour l'irrigation dans la région de Tnine Chtouka. Quelles sont, selon vous, les autres solutions efficaces que le Maroc doit concrétiser ? Le Maroc a, depuis les années 80, évolué respectivement d'une situation de confort, à une situation d'équilibre, à une situation de gestion de la rareté. La priorité en eau du Maroc, consiste en eau potable. Il faut d'abord sécuriser l'eau potable. Et à partir des barrages, on alimente les périmètres irrigués. On envoie de l'eau des premiers vers les derniers. Mais en cas de sécheresse et lorsque le taux de remplissage est faible, on n'envoie rien aux périmètres irrigués. C'est bien le cas de l'année dernière, les périmètres irrigués n'ont rien reçu. Donc, quand il n'y a pas d'eau dans les barrages, et quand les périmètres irrigués ne reçoivent pas d'eau, que font les gens ? Ils recourent aux nappes et commencent à exploiter les eaux souterraines qui sont déjà surexploitées, car la plupart des nappes phréatiques au Maroc sont en constante baisse. Par exemple, je vous montre ici la région du Saïss (le professeur se lève pour me désigner la carte qui montre la baisse constante des nappes phréatiques au Maroc, et effectivement je la remarque). Il y a ainsi des nappes qui diminuent de 1, 2, 3 mètres par an. C'est-à-dire en 10 ans, elles baisseront de 30 mètres, en 20 ans de 60 mètres, etc. Par conséquent, on se rend compte qu'on est en train de vidanger les réservoirs terrestres en eau. Donc, c'est un peu la situation d'aujourd'hui. Auparavant on vivait dans un certain confort, après on a atteint une situation d'équilibre, alors que maintenant, on est dans une situation où on est dans l'obligation de gérer la rareté. La réutilisation des eaux usées Parmi les solutions disponibles aujourd'hui, il y a, à part le recours au dessalement de l'eau de mer dans les zones côtière, la possibilité de procéder à la réutilisation des eaux usées. Car les villes, elles reçoivent de l'eau, elles la consomment, puis la rejettent via les réseaux hydriques. Si on prend l'exemple de Casablanca, de l'eau qu'elle reçoit, elle consomme à peu près 220 millions de m3. Elle rejette 200 millions ou 190 millions de m3 et on envoie cette eau en mer, alors qu'en fait, il fallait dépolluer. Pour gérer l'eau en ville, il faut des réseaux d'assainissement pour dépolluer. Mais à un certain moment, une fois que vous avez dépollué, il faut réfléchir à ces 200 millions de m3 rejetés en mer, il faut qu'on réfléchisse à tout ce qui est quartier en arrière pays. Par exemple, pourquoi laisser l'eau d'Ain Chock aller en mer, car je peux la collecter sur place, la traiter et la réutiliser. Surtout qu'il y a un manque flagrant d'espaces verts à Casablanca. Il y a d'autres villes, par exemple Rabat, ses espaces verts sont à 60 ou 70% irrigués à partir des eaux usées traités. La confirmation de la stratégie des barrages Pour ce qui est des stratégies déployées actuellement au Maroc, il y a toujours la politique en cours de construction des barrages. Mais il y a des gens qui disent : pourquoi ces barrages, vu qu'il n'y a pas de pluies ? C'est vrai qu'on peut avoir quatre années de sécheresse, mais il faut savoir qu'il se peut tout de même qu'il y ait une année exceptionnelle où l'on va avoir beaucoup de pluies. Et si on n'a pas de barrages, toute cette eau pluviale sera perdue, sera rejetée en mer. Mais quand on dispose de barrages, le stockage de cette eau sera assuré. Prenons l'exemple de l'année 1996, c'était une année exceptionnelle en pluie, et tous nos barrages, du sud au nord, étaient remplis à 100%. Aujourd'hui, on a déjà 18 milliards de m3 de capacité de stockage. Donc imagine si on continue à construire des barrages pour arriver à 25 milliards de m3 de capacité de stockage. Quand on aura une année pluvieuse, l'ensemble de cette capacité sera remplie, et on aura 25 milliards de m3 concrets d'eau disponible. Donc si les barrages sont pleinement remplis, on aura trois années de sécurité et de tranquillité en matière d'eau. La connexion entre les bassins Il y a une autre solution pour confronter le stress hydrique, et c'est une nouveauté, à savoir la connexion entre les bassins. On s'est rendu compte l'année précédente, alors en pleine crise de sécheresse, qu'on disposait du barrage El Wahda, qui est le barrage numéro 1 dans le pays. Il était à 42% du taux de remplissage. Autrement dit, 1 milliard et demi de m3 d'eau disponible, inutilisée et qui dormait, alors qu'on avait besoin de cette eau dans l'axe Rabat-El Jadida-Marrakech. Maintenant, ce qui a été décidé, c'est de connecter le bassin de Sebou à celui de Bouregreg. Donc on sera amené à apporter de l'eau du barrage El Wehda au barrage de Sidi Mohamed Ben Abdellah. Il s'agit donc d'une connexion entre les deux barrages. A première vue, ça apparait facile, mais en réalité, topographiquement, il y a beaucoup d'infrastructures à mettre en place, et il faut aussi savoir que c'est couteux. Il faut aussi qu'on dispose de stations de relevage, parce qu'à chaque fois que l'eau atteint une certaine région, il faut relancer le pompage, et transférer l'eau dans une autre conduite, et ainsi de suite. Donc il s'agit d'une infrastructure lourde, mais elle va nous aider dans le sens où elle va apporter du confort, à savoir que l'on sera en mesure de confronter les années de sécheresse, car on aura déjà à notre disposition une quantité importante d'eau disponible. Par exemple, si on prend ces 1,5 milliards de m3 disponibles, si on est en mesure de transférer via cette technologie dont je viens de parler, juste 200 à 300 millions de m3, on n'aura aucun problème dans l'axe Rabat-El Jadida-Marrakech que je viens de mentionner. Remanier les choix de subvention de certains investissements dans l'agriculture pour être en mesure d'atteindre la sécurité hydrique Maintenant, quand on est dans cette situation où on n'a pas suffisamment d'eau, il faut qu'on réfléchisse aux secteurs qui consomment beaucoup d'eau, et qu'on se pose la question : où est-ce qu'on perd beaucoup d'eau ? Le premier secteur, c'est l'agriculture. L'agriculture au Maroc consomme 85% d'eau disponible. Donc il faudrait repenser notre agriculture. Qu'est-ce qu'on cultive ? On a des cultures qui consomment de très grandes quantités d'eau. Donc dans des régions où on n'a pas suffisamment d'eau, il ne faut pas donner des subventions à des gens qui entreprennent des cultures agricoles très consommatrices d'eau. Et d'autre part, il y a des cultures qui consomment moins d'eau, donc ce sont les cultures qu'il faudrait encourager, comme la culture des oliviers, la culture de la vigne, entre autres. Donc, il y a certaines cultures moins consommatrices d'eau qu'il faut privilégier. Dans notre Plan Maroc Vert, nous disposons d'objectifs par filière, parce que ce dernier a été déployé selon le critère des filières, donc quand on atteint un objectif dans une filière, ce n'est pas la peine de continuer à la subventionner. Par exemple, si dans les agrumes un opérateur a atteint un objectif de tonnage déterminé, l'Etat doit cesser de le subventionner, pour ne pas encourager tout le monde à faire la culture des agrumes, pour qu'on se trouve en fin de compte avec des oranges qui se vendent à 1 ou 1,5 DH dans le marché, et même le producteur en fin de compte n'y gagne rien. Et donc finalement, on se rend compte qu'on a consommé de l'eau pour rien. Ainsi, il faudrait repenser notre système d'irrigation, et repenser nos politiques économiques. L'optimisation du rendement des réseaux hydriques urbains Dans les villes, il y a ce qu'on appelle, le rendement des réseaux. Par exemple, dans une ville comme Casablanca, l'eau lui provient du barrage de Sidi Mohamed Ben Abdellah, et aussi du Bouregreg. Cette eau produite par l'ONEE est vendue à la Lydec, qui la redistribue. Dans ce cas de Casablanca, quand on analyse l'écart entre l'eau qui est arrivée et l'eau qui est redistribuée, c'est ce qu'on appelle le rendement du réseau. Par exemple, j'ai reçu 100% et j'ai redistribuée 70% d'eau, ça veut dire que 30% de l'eau arrivée a été perdue. Ce qui veut dire que j'ai des fuites dans le réseau, et il faut savoir que dans beaucoup de villes du Maroc on a des rendements de réseau inférieurs à 50%. Et au fur et à mesure qu'on réparera ces rendements, on économisera davantage d'eau. Par exemple, dans le cas de Casablanca, quand la Lydec est venue, le rendement du réseau n'était qu'à 45% d'efficacité. Mais avec la Lydec, celui-ci a été augmenté à 78%. Mais pourquoi elle a fait ça ? Si la Lydec ne fait pas ça, l'eau qu'elle aura perdue, c'est un manque à gagner pour elle. Donc elle était obligée de détecter les fuites, d'arranger le rendement du réseau, de changer des portions de réseau, etc. Tout de même, dans les autres villes, elles souffrent encore de rendements de réseau très faibles. Mais quand on répare le rendement du réseau, on peut différer les infrastructures qu'on doit renforcer à chaque fois. Au lieu d'allouer une certaine somme d'argent pour renforcer l'alimentation en eau, le fait que j'ai réparé les fuites du réseau me permet de différer les investissements que je prévoyais auparavant dans le secteur, de 5, 10 à 15 années. Ainsi, la réparation des rendements des réseaux doit être renforcée. La sensibilisation et la limitation de la consommation de l'eau à l'échelle individuelle et chez les opérateurs agricoles privés Par ailleurs, il faut ajouter un autre point. Il faut que nous, consommateurs, dans les villes, soyons sensibilisés au problème de l'eau. Quand quelqu'un entre dans son bain pour se doucher, qu'il ne reste pas une demi-heure sous la douche, et qu'on n'arrose pas les jardins avec nos tuyaux comme ça de façon négligente. Il faut par ailleurs qu'on dispose obligatoirement d'une agriculture au goutte-à-goutte, et ne pas laisser les agriculteurs gaspiller l'eau via des gravitaires. Donc, ça y est ! Il faut qu'on se rende compte aujourd'hui qu'il n'y a plus cette eau des années 60 et 70. Il faut aujourd'hui, qu'on gère la rareté. Si on veut continuer à se développer, à ne pas avoir des crises pendant l'été, il faut qu'on se rende compte de ça, il faut revoir notre relation à l'eau. Si on ne fait pas ça, quels dangers nous menacent ? Par exemple, parmi les risques, c'est que pendant l'été, il y aura des coupures d'eau. Si on prend par exemple le cas de l'Algérie qui est à côté de nous, ce pays voisin n'a pas l'eau tous les jours à la disposition des habitants. Ils n'ont pas l'eau tous les jours, 24h/24. Nous, on est dans une situation de luxe. Moi, j'étais la semaine dernière en Mauritanie, ce pays n'a même pas de l'assainissement, il n'y a pas de réseaux d'assainissement. Ils n'ont pas l'eau potable dans toutes les régions. Et enfin, la qualité de leur eau ne répond pas aux normes. Il faut qu'on se rende compte que nous sommes dans une situation de confort, si on veut la garder, il faut qu'on change notre relation à l'eau. Sinon, on sera dans des situations difficiles. Par exemple, dans des situations où les distributeurs d'eau nous diront : « aujourd'hui il y a de l'eau, demain non », ou « vous n'aurez que deux heures d'eau par jour ». Par conséquent, il faut œuvrer à sécuriser l'eau potable. Dans l'agriculture, il faut économiser l'eau et irriguer raisonnablement, et ne produire que ce que nous pouvons consommer. Que la priorité dans l'agriculture soit d'abord la souveraineté ou la sécurité alimentaire. Donc avant de penser à exporter, il faut qu'on garantisse d'abord notre sécurité alimentaire. Pourquoi on importe les huiles ? Pourquoi on n'a pas d'autonomie au niveau du sucre ? Il faut réfléchir à ces questions, et elles doivent être hissées au rang de priorités. Et c'est bien dans ces filières que je dois donner la subvention, parce que le producteur lui, cherche le gain, et il cherche la culture qui va le lui apporter. Et si l'Etat l'aide et l'incite à aller vers ces filières en lui promettant la subvention, bien sûr qu'il va y aller et y investir du capital. Donc, il faut orienter les investissements de façon à garantir notre sécurité hydrique et alimentaire. Alors qu'encourager des cultures comme les agrumes et l'avocat, ça c'est du luxe ! Et ça ne va pas nous aider à atteindre cette sécurité dont nous parlons, puisqu'on peut se passer de l'avocat, on peut se passer des fruits rouges ! Il faut donc subventionner prioritairement ce que nous consommons et ce que nous sommes censés importer de l'étranger. Après, s'il nous reste un excédent, on pourra à ce moment-là, l'investir dans des cultures de luxe. L'eau est un facteur limitant nécessitant une meilleure gouvernance Mais ce qui est actuellement positif au Maroc, c'est qu'on dispose actuellement d'ingénieurs marocains. Ils sont dans les bureaux d'études, ils construisent les barrages. Donc il faut qu'on soit fier du fait que nous ne dépendons pas de l'étranger. Même notre expertise est vendue actuellement à l'étranger. Une deuxième chose positive, c'est que nous sommes conscients de notre potentiel d'eau, et que nous connaissons nos problèmes nationaux. Donc, on n'est pas dans un pays qui cherche encore où trouver de l'eau. Donc il faudrait juste une meilleure gouvernance de l'eau, parce que l'eau est un facteur limitant. Si on veut aller dans une région, y développer de l'agriculture, de l'industrie, du tourisme, si on n'a pas d'eau, on ne pourra rien y faire. Donc l'eau est un facteur limitant, et il faut le gérer d'une façon qui soit raisonnée. D'où ma question. Comment évaluez-vous les politiques publiques ? Est-ce qu'elles vont dans le sens d'une gouvernance raisonnable de l'eau ? Dans les politiques publiques, on prépare souvent des stratégies pour les 10 à 20 ans à venir. On a même aujourd'hui une stratégie étendue jusqu'à 2050, comme le Plan National de l'Eau. Le problème c'est que l'implémentation de ces stratégies est souvent inefficace. Parfois on a des retards, et parfois on n'atteint pas le succès à 100%. Maintenant, quand on écoute la stratégie comme elle est présentée par un responsable, on se dit : « ça y est ! Je peux aller dormir tranquillement ! ». Mais malheureusement, c'est au niveau de l'implémentation qu'il y a le problème. Donc, il faut qu'on soit plus efficaces dans l'implémentation des plans et stratégies. Surtout que souvent derrière, il y a des budgets énormes. Maintenant, ce qui a été débloqué c'est 150 milliards de DH, dans ce plan de 2020-2027, où se trouve d'ailleurs ce projet de la connexion entre les bassins de Sebou et de Bouregreg. Les décideurs viennent de l'ajouter, car au début le plan n'avait pour budget que 115 milliards de DH. Donc l'argent, il est là, et les objectifs sont tracés. Mais il faut que l'implémentation soit efficace, et le citoyen doit d'ailleurs jouer son rôle. Il faut que nous disposions d'un esprit civique. Il faut que tout le monde ait un esprit civique, les citoyens ordinaires, les associations, les opérateurs privés. Il faut éviter l'égoïsme, car l'égoïsme nous inculque de ne poursuivre que notre propre intérêt et de délaisser notre responsabilité sociétale. La réalité est que si par exemple, un opérateur privé surexploite une nappe, il faut qu'il se rende compte que dans les années à venir, il n'y aura plus d'eau dans cette nappe, et qu'il ne laissera rien aux petits agriculteurs se trouvant à côté de la nappe exploitée. Donc il faut avoir cet esprit de la durabilité, où je peux exploiter mais en choisissant une ressource durable. Il faut prendre en considération également les impacts socioéconomiques sur la région.