En attendant une météo plus clémente, le gouvernement continue à faire face au stress hydrique. Des projets d'envergure ont été lancés. A ce jour, malgré la situation difficile, aucune coupure programmée d'eau n'a été signalée. Des pluies sont prévues vers la fin du mois d'août et début septembre. Des averses orageuses devraient concerner principalement le Haut et l'Anti-Atlas, essentiellement le versant est et sud-est. Des averses orageuses, certes, mais qui devraient quand même atteindre, ou dépasser, un cumul de 50 mm, voire plus. Elles devraient s'étendre à d'autres régions, un peu plus au nord. Pour le moment, ce ne sont que des prévisions, nous sommes donc du domaine de la probabilité. Il n'en reste pas moins que plusieurs signes augurent de pluies précoces cette année. Les services communaux dans certaines grandes villes, qui ont généralement accès à des bulletins météorologiques plus précis, ont déjà entrepris de curer les canalisations et les avaloirs du réseau d'assainissement. Ils s'y sont pris très tôt cette année. Plusieurs pays, notamment d'Europe, ont connu le retour prématuré des pluies. C'est aussi un indice. Faible perméabilité du sol Seulement, comme le pays vient de vivre une année des plus sèches, depuis quarante ans, la perméabilité du sol et des plus faibles, des averses qui peuvent être fortes par endroit ne manqueront pas de causer des crues et même des inondations. Tout au plus, elles vont contribuer à l'amélioration des retenues des barrages, principalement dans les zones concernées. Elles ne vont sans doute pas atténuer la crise en eau potable et d'irrigation. Pour cela, le gouvernement maintient son programme de lutte contre les effets du stress hydrique. Le programme de construction des stations de dessalement est maintenu et avance comme prévu. On notera que durant tout le mois d'août, et même avant, il n'y a pas eu de coupure programmée d'eau dans les zones desservies par l'ONEE. Dans certaines régions comme Settat ou Berrechid, à peine s'il a été procédé à une réduction du débit durant la nuit, de 22h00 à 7h00. En tout cas, dans aucune ville, même Marrakech et Oujda qui étaient les plus exposées, il n'a été connu par exemple l'expérience d'Agadir, où, quelques mois avant la mise en service de la nouvelle station de dessalement, il a été procédé à des coupures d'eau programmées. Le programme d'urgence mis en place par le gouvernement, notamment la mise en service de plusieurs dizaines de petites stations de dessalement de l'eau de mer de traitement des eaux saumâtres et la rationalisation de la consommation de l'eau, a permis au pays de tenir le coup. Surtout pour ce qui est de l'eau potable et de l'eau à usage industriel. Quant à l'agriculture, et selon les propos du ministre Mohammed Sadiki, cette situation n'est pas nouvelle. Depuis une trentaine d'années, l'agriculture irriguée au Maroc est confrontée à une raréfaction grandissante des ressources en eau. C'est donc une donnée structurelle. L'adaptation au déficit hydrique et l'atténuation de ses effets ont toujours pour ainsi dire été des priorités des stratégies agricoles. Le ministère s'est d'ailleurs fortement investi et impliqué dans ce chantier. Résultat, aujourd'hui plus de 45% des surfaces irriguées au niveau national, soit un peu plus de 750 000 ha, sont équipées en irrigation localisée. Nous étions à moins de 10% seulement en 2008. Nous sommes même passés à l'étape supérieure en termes d'irrigation. Dépendance à la pluviométrie Partant du constat que l'agriculture ne pouvait déjà, depuis longtemps, dépendre des pluviométries, aujourd'hui entièrement des eaux des barrages, nous en sommes à l'irrigation par les eaux issues du dessalement. Dans la zone maraîchère de Chtouka 15 000 ha sont irrigués grâce à la station de dessalement. Le projet de dessalement de l'eau de mer de Dakhla permettra de développer l'irrigation des primeurs sur 5 000 ha. Dans la région de Casablanca qui devrait abriter le plus grand projet de station de dessalement en Afrique, plusieurs dizaines de milliers d'hectares vont en bénéficier. Le projet, après avoir connu un retard de démarrage, est d'ailleurs en marche. Le gouvernement évoque, par ailleurs, comme composante de la stratégie Generation Green, le développement de nouveaux projets d'irrigation par dessalement de l'eau de mer, couplés aux énergies renouvelables, notamment à Guelmim, Laâyoune et Casablanca. Bref, à terme, l'agriculture pourrait bien, non pas se passer, mais ne pas dépendre entièrement des eaux de barrages. La preuve nous vient d'ailleurs d'Israël, un pays avec lequel le Maroc partage, mutuellement, les expériences dans le domaine. En effet, dans ce pays où une partie de l'économie dépend de l'agriculture, 60% de ses exportations agricoles dans le monde sont produites dans le désert. Il faut le dire, ce pays a atteint un niveau très avancé dans le recyclage des eaux usées. La preuve, aujourd'hui, 85% des eaux usées sont recyclées et près de 80% de l'eau potable consommée en Israël est fourni par cinq usines de dessalement de l'eau de mer. Le gâchis des eaux usées Au Maroc, le taux de réutilisation des eaux usées dépasse légèrement 50%, contre seulement 7% en 2006. Le gouvernement a annoncé dans ce sens la mobilisation d'une enveloppe de 2,34 milliards de dirhams au cours des cinq prochaines années pour le Programme national d'assainissement liquide mutualisé (PNAM). Lequel programme vise la réutilisation des eaux usées traitées en réponse au stress hydrique. En gros, le gouvernement table sur la fourniture de 100 millions de m3 d'eaux usées traitées aux Marocains par an, d'ici à 2027. En 2050, ce chiffre devrait passer à près de 340 millions de m3 par an, soit un taux de réutilisation des eaux usées de l'ordre de 80%. Avec le dessalement de l'eau de mer, la rationalisation de l'utilisation de l'eau, la construction de nouveaux barrages et l'interconnexion des bassins hydrauliques, l'épuration des eaux usées est l'une des composantes de la politique publique de lutte contre le stress hydrique. Combinaison de solutions Après dix ans de retard dans le domaine, le Maroc entend affronter la succession des années de sécheresse et les effets accélérés des changements climatiques. Et c'est justement par une combinaison de solutions ingénieuses qu'il pourra y arriver. Parmi elles, le transfert des eaux depuis les bassins excédentaires vers les bassins déficitaires. Une option qui figurait déjà dans le schéma national de transfert des eaux. Ce corridor hydrique s'ajoute ainsi à la politique de construction de barrages au même titre que le recours aux ressources non conventionnelles, notamment le dessalement d'eau de mer et la réutilisation des eaux usées. Où en est-on aujourd'hui dans tous ces chantiers ? Il y a quelques jours la Direction de la recherche et de la planification de l'eau relevant du ministère de l'équipement a lancé une consultation pour la désignation d'un cabinet qui sera chargé d'élaborer une étude d'impact sur l'environnement naturel et socioéconomique et de rentabilité économique du projet d'interconnexion des bassins du Sebou-Bouregreg, Oum-Er-Rbia et Tensift. C'est le début d'une révolution en matière de gestion des ressources hydriques. Pour en avoir une idée, le projet de liaison des bassins du Sebou, du Bouregreg et de l'Oum-Er-Rbia pourra permettre de transférer un volume annuel total d'eau compris entre 500 et 800 millions de m3 par an. Ajouter à cela la possibilité de récupérer et donc réutiliser l'équivalent d'un milliard de mètres cubes d'eau des rivières qui se jettent chaque année dans la mer. En termes de construction de barrages, à peine a-t-il pris en charge la gestion du département de l'équipement, le ministre Nizar Baraka s'est lancé dans une course contre la montre pour combler le retard accusé lors des dix dernières années sur le plan national de l'eau initié en 2009. Il a lancé d'un seul coup un programme de construction de 129 barrages colinéaires. En parallèle, les chantiers de construction de cinq grands barrages d'une capacité totale de 2,4 milliards de m3 ont été lancés. Pour ce faire, un investissement total de 9,9 MMDH a été engagé par le gouvernement. Chantiers en cours Au total, une vingtaine de chantiers d'ouvrages de retenue d'eau de différentes tailles, entre construction de nouvelles structures et surélévation de celles déjà existantes, sont en cours. En outre, le département chargé de l'eau planche actuellement sur les études d'impact sur l'environnement, socioéconomiques et de rentabilité économique de nouveaux grands barrages à aménager au niveau de trois bassins hydrauliques du pays : Sebou, Tensift et Oum Er-Rbiaa et Moulouya et Bouregreg Chaouia. Pour ce qui est du dessalement de l'eau de mer, c'est un sujet qui, vu sa nouveauté, a été largement commenté. Ce n'est pas que cette technique est nouvelle, le Maroc y a fait recours depuis la fin des années 70, notamment dans les régions du Sud, mais elle a pris un coup de jeune grâce notamment à l'évolution des procédés de l'osmose inverse, de l'utilisation des énergies renouvelables, mais surtout en raison de son efficacité face au stress hydrique. C'est une alternative sur laquelle s'appuie le gouvernement pour résoudre le problème d'approvisionnement en eau potable et en eau d'irrigation des zones côtières. Une vingtaine de stations sont programmées d'ici 2030. Elles permettront la production, d'ici cet horizon, de 720 millions de m3 d'eau par jour. Les principaux projets de dessalement