Face au recul inquiétant des ressources hydriques, le gouvernement parie sur le dessalement comme future source principale d'eau potable. Nizar Baraka a explicité sa stratégie. Details. Le ministre de l'Equipement et de l'Eau, Nizar Baraka, multiplie les sorties médiatiques pour expliquer la stratégie de riposte du gouvernement à la crise de l'eau. Le ministre a été, mercredi, l'invité de «Confidences de presse» à 2M, où il a longuement abordé la question de l'eau, dont le discours royal, à l'occasion de l'inauguration de la session parlementaire, a fait une priorité de l'action gouvernementale. « Aujourd'hui, des changements structurels sont indispensables. On ne peut plus se contenter de mobiliser l'eau seulement à partir des barrages», a affirmé le ministre, ajoutant que le Maroc ira plus vers les méthodes non-classiques, tels que le dessalement des eaux de mer et la réutilisation des eaux usées. Nappes phréatiques : arrêter l'hémorragie ! Nizar Baraka a souligné l'importance de la rationalisation de l'usage de l'eau, que le discours royal a appelé de ses voeux. « On ne peut pas traiter la problématique de l'eau seulement par l'offre sans maîtriser la demande, d'où l'importance de l'économie et l'usage rationnel des ressources», a-t-il plaidé, rappelant que les nappes phréatiques, par exemple, reculent de 3 à 6 mètres chaque année à cause de la consommation excessive. La situation est tellement difficile que les nappes phréatiques ne sont plus en mesure de compenser le déficit causé par la sécheresse, comme ce fut le cas dans les années 80. Pour atténuer les effets de la surconsommation, surtout dans l'agriculture, un accord sera signé avec le ministère de tutelle, a annoncé Nizar Baraka, qui est revenu sur la problématique des exploitations agricoles les plus gourmandes. En effet, certaines cultures comme celle de la pastèque et de l'avocat ne bénéficieront plus de l'aide de l'Etat. Il s'agit de l'une des mesures qu'a prises l'Exécutif qui veut aussi réhabiliter, selon M. Baraka, l'option de l'assolement. «Il faut maîtriser la nature des cultures qu'on veut développer dans chaque région en fonction des ressources sous-terraines», a-t-il poursuivi. Du stress hydrique à la pénurie ! Aujourd'hui, on parle d'une crise sans précédent à cause d'une sécheresse d'une ampleur inédite, sachant que le taux de remplissage des barrages ne dépasse pas le seuil critique de 25%. Le ministre a fait un diagnostic clair de la situation en parlant avec franchise. Le constat est alarmant : «Nous sommes en train de passer du stress hydrique vers la pénurie de l'eau», a-t-il déploré, soulignant le danger qu'encourt actuellement le Maroc qui risque de perdre, d'ici 2050, jusqu'à 40% de son potentiel de ressources en eaux naturelles. La mer, source d'eau potable La consommation est actuellement telle qu'elle pèse lourdement sur les ressources des barrages. «Les Marocains consomment 1,3 milliard de mètres cubes d'eau potable, dont la majeure partie émane des barrages et des nappes phréatiques», a-t-il fait savoir, ajoutant que le dessalement ne fournit que 70 millions mètres cubes, soit 0,7% de la consommation nationale. Sur hautes instructions royales, le gouvernement veut ainsi renverser la donne et faire en sorte que 50% à 60% des eaux consommées proviennent du dessalement, et la majorité des stations programmées seront destinées aux villes côtières. Derrière cette idée se cache un objectif simple : alléger le fardeau sur les barrages, dont plusieurs fournissent de l'eau à plusieurs villes à la fois. Sur ce point, Nizar Baraka a donné l'exemple du barrage « Al Massira » qui approvisionne Casablanca, El Jadida, Berrechid et la région de Rhamna. Ce barrage, rappelle M. Baraka, reste débordé par une demande de 240 millions de mètres cubes alors qu'il ne contient maintenant que 120 millions. Station de Casablanca : les raisons d'un retard C'est assez problématique pour que l'on songe à accélérer la construction des stations programmées, dont celle de Casablanca, qui est censée être construite en 2016. Interrogé sur les raisons de ce retard, Nizar Baraka en a attribué la responsabilité aux gouvernements précédents qui, selon lui, ont préféré investir dans d'autres barrages. Aussi, le coût du dessalement était-il élevé à l'époque, a rappelé le ministre. Maintenant, l'image est claire. Les travaux vont commencer en 2023, le temps que les appels d'offres soient tranchés. Nizar Baraka a fait savoir que trois sociétés finalistes concourent pour le contrat. En tout cas, la station devrait être opérationnelle en 2026. En plus de la stratégie du dessalement, le Royaume continue de parier sur la politique des barrages, dont 20 nouveaux sont en cours de construction et s'ajouteront aux 149 déjà existants. Ceci permettra d'accroître la capacité de stockage des eaux à l'échelon national de 24 milliards de mètres cubes. Anass MACHLOUKH