L'institut BVA vient de réaliser, à la demande du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME) et du Ministère délégué auprès du premier ministre chargé de la communauté marocaine résidant à l'étranger, une vaste enquête à travers l'Europe auprès de jeunes marocains ou d'origine marocaine (18 – 34 ans) résidant dans six grands pays européens d'immigration. Les pays ciblés sont la France, la Belgique, l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Espagne et l'Italie. Ce sondage a concerné un échantillon de 2610 personnes réparties sur les six pays, suivant la méthode des quotas. Le questionnaire a été effectué par téléphone en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne. En Espagne et en Italie, où l'immigration est plus récente, les interviews ont été réalisées en face à face. La représentativité de ces échantillons est assurée selon la méthode des quotas au sein de chaque pays en termes de lieu de naissance (Maroc ou pays d'accueil), sexe, âge et répartition géographique selon les données statistiques officielles disponibles dans chaque pays. Les rapports détaillés de l'enquête font à présent l'objet d'une exploitation approfondie. Une ouverture et une adaptation manifestes aux pays de résidence Une tendance majoritaire à la naturalisation 59% des répondants détiennent déjà la nationalité du pays de résidence. 23% en ont fait ou comptent en faire la demande. Seuls 15% n'y comptent pas. Une identification significative à la nationalité acquise 50% des répondants et 66% des natifs d'Europe s'identifient à leur seconde nationalité, outre leur marocanité très largement affirmée, par ailleurs. En outre 76% de l'ensemble et même 83% des natifs d'Europe se sentent « tout à fait » ou « plutôt » chez eux là où ils vivent. Un fort engagement dans la vie politique des pays de résidence 53% en moyenne et presque les ? (74%) des jeunes de la seconde génération ayant le droit de vote et l'occasion de l'exercer déclarent participer à toutes les élections ou du moins aux plus importantes dans leur pays de résidence. Les répondants déclarent être membres d'une association en pays de résidence avec les fréquences suivantes : associations sportives 20% ; associations religieuses 9% ; associations de solidarité et d'entraide 9%. Mais, seulement 4% adhèrent à des partis ou mouvements politiques. Ces chiffres demeurent, certes relativement modestes, mais ils dénotent d'un début d'implication civique significative de ces jeunes. Un encouragement à une telle implication plus étendue est la confiance dont une forte majorité des sondés témoigne envers des institutions des pays d'accueil telles que l'école (80%), la justice (65%) ou la police (58%). La maîtrise des langues des pays de résidence : une priorité majeure 97% de l'ensemble des sondés et 99% des natifs d'Europe déclarent communiquer dans la langue du pays de résidence. 84% savent la parler, la lire et l'écrire. De plus, 88 à 100% des sondés font de cette compétence linguistique une priorité majeure. Des relations sociales variées, y compris extra communautaires Les jeunes sondés fréquentent, naturellement, des personnes marocaines ou d'origine marocaine à raison de 96%. Mais, plus significatif est le fait que 91% d'entre eux fréquentent déjà des personnes de la nationalité du pays de résidence et 82% d'autres nationalités. Par rapport au sondage CCME-BVA de 2009, les fréquentations marocaines ont baissé de 4 points, alors que les fréquentations non marocaines ont grimpé de 10 à 12 points. Des mariages tardifs et endogames, une percée de l'exogamie Du point de vue matrimonial, on relève que presque les 2/3 des sondés ne sont pas mariés et ne « vivent pas maritalement ». Cette proportion est d'autant plus significative que la tranche d'âge 25-35 ans représente 57% de l'échantillon, ce qui dénote l'insertion des jeunes marocains émigrés dans la tendance, plutôt générale par ailleurs, au célibat plus prolongé que par le passé. Parmi les 35% qui se déclarent mariés ou en couple, 84% vivent entre Marocains et Marocaines. L'exogamie pointe néanmoins avec 16% de cette même minorité mariée ou vivant en couple. Un maintien significatif des repères identitaires d'origine Un sentiment national marocain quasi-unanime 94% des jeunes sondés continuent de se sentir Marocains ; 82% pensent qu'ils sont vus comme des Marocains dans le pays de résidence, mais seuls 28% estiment qu'il faut faire oublier ses origines pour y être accepté. Un fort attachement à la langue arabe et à son apprentissage 93% des sondés déclarent pouvoir pratiquer plus ou moins bien la langue arabe, dont 50% savent la parler, la lire et l'écrire. Ceux qui ont suivi des cours de langue arabe en Europe l'ont fait à 31% dans une mosquée, 25% à l'école dans le cadre des cours assurés par le gouvernement marocain et 13% dans une association. Environ les ? des bénéficiaires de cet apprentissage en sont très ou assez satisfaits (72 à 76% selon le lieu où ils l'ont suivi). Une fréquentation des lieux de culte musulmans par un bon tiers des sondés 36% déclarent fréquenter régulièrement une mosquée ou un lieu de prière, dont 9% quotidiennement et 27% une fois par semaine. En outre, 15% déclarent une telle fréquentation de temps à autre. Des relations familiales souples et paisibles Dans des proportions allant de 42 à 50%, les jeunes sondés déclarent n'avoir jamais eu de dispute avec leurs parents sur des sujets variés. Ceux qui ont souvent eu de telles disputes vont de 13% au sujet de leurs relations amoureuses, à 30% au sujet de leur scolarité, en passant par des taux intermédiaires aux sujets de leurs projets, professionnels, de la religion et des traditions, des amis et des fréquentations et des sorties et loisirs. Ces déclarations donnent à penser que les conflits intergénérationnels n'exposent que rarement les familles à de trop fortes tensions. Par ailleurs, ils sont 32% à estimer indispensable l'opinion de leur famille sur le choix de leur conjoint, contre 20% qui considèrent cette opinion «sans importance» presque la moitié des sondés (47%) se situent «au milieu» en considérant souhaitable l'opinion de leur famille sur cette question d'importance. Enfin, les sondés non encore mariés déclarent leur préférence pour un conjoint d'origine marocaine (59%) ou musulmane (82%). Des liens tangibles et réguliers avec le Maroc Des communications fréquentes avec la famille et les amis du Maroc La continuité du lien familial se confirme encore par le fait que 91% des répondants estiment très ou assez important pour eux de garder des liens avec la famille au Maroc. De fait, 92% entretiennent des contacts par téléphone ou Internet avec de la famille ou des amis au Maroc, dont 63% qui le font souvent. . Transferts : le maintien de la solidarité avec les familles En dépit de leur jeune âge, 43% des sondés déclarent soutenir financièrement un membre de leur famille au Maroc. Ce taux est d'autant plus significatif que juste 45% de ces jeunes sondés occupent un emploi (29% étant encore étudiants, 14% au chômage, 10% femmes au foyer et 2% « autres ». Des visites massives et fréquentes du Maroc Ils sont 97% à déclarer se rendre au Maroc, dont 69% de manière régulière une ou même plusieurs fois par an. Les rares cas qui ne viennent jamais en sont empêchés par manque de connaissances au Maroc ou de moyens financiers ou de temps. Participation politique : priorité aux pays de résidence La majorité des jeunes sondés (54%) estiment plus important d'exercer cette participation dans le pays d'accueil, alors que 26% ne se prononcent pas et 20% préfèreraient l'exercer au Maroc. Perception d'images mitigées et de discriminations variables Un pays mieux perçu que ses ressortissants de l'immigration Alors que 79% estiment que le Maroc jouit d'une bonne image dans leur pays de résidence, ils ne sont que 48% à estimer que les jeunes d'origine marocaine bénéficient eux aussi de cette bonne image. L'écart est encore plus fort auprès des jeunes natifs d'Europe (83% versus 46%). Ce sentiment négatif s'est accentué, depuis un an, de 5 à 14 selon les pays concernés par le sondage. Un sentiment majoritaire de discrimination Les discriminations dont pensent avoir été victimes les jeunes sondés apparaissent en hausse par rapport à 2009. Aujourd'hui 53% de ces jeunes déclarent s'être sentis victimes de discriminations, soit 4 points de plus qu'en 2009. Faibles en ce qui concerne la religion (13%) ou l'éducation (14% à 21% selon les domaines testés), ces discriminations seraient plus nombreuses en ce qui concerne le travail (38%) et notamment l'accès à l'embauche (32%). Les sondés estiment largement plus difficile de s'en sortir dans le pays de résidence lorsqu'on est d'origine marocaine, principalement sur le travail (75%) mais aussi sur le logement (60%). Ces taux chutent toutefois à 19% en ce qui concerne l'accès aux soin s médicaux, à 33 % pour l'accès à la formation et au crédit bancaire. Méthodologie - A la demande du Conseil de la Communauté Marocaine à l'Etranger (CCME), BVA a réalisé une enquête ad hoc du 17 mai au 11 juin 2010 auprès d'un échantillon de 2610 personnes marocaines ou d'origine marocaine (1ère et 2ème génération) âgées de 18 à 34 ans et vivant en Europe dont : * 501 en France * 302 en Espagne * 300 en Italie * 506 en Belgique * 501 aux Pays-Bas * 500 en Allemagne - Les interviews ont été conduites par téléphone en France, Belgique, Pays-Bas et Allemagne. En Espagne et Italie, où l'immigration est plus récente, les interviews ont été réalisées en face à face. - La représentativité de ces échantillons est assurée selon la méthode des quotas au sein de chaque pays en termes de lieu de naissance (Maroc ou pays d'accueil), sexe, âge et répartition géographique selon les données statistiques officielles disponibles dans chaque pays. - Pour l'analyse des résultats d'ensemble, chaque « communauté » marocaine des différents pays a été ramenée à son poids au sein de l'ensemble des MRE. Deux enseignements majeurs se dégagent de cette enquête Les jeunes d'origine marocaine préservent un lien très fort avec le Maroc, tout en s'étant – de fait – intégrés dans leurs pays européens de résidence. Il en résulte un sentiment d'identité duale particulièrement marqué pour les deuxièmes générations. Ceux-ci se sentent à la fois Marocains mais aussi dans leur pays de résidence où ils se sentent « chez eux ». Corolaire de cette dualité identitaire, certains de ces jeunes se sentent parfois déracinés – vus comme des Marocains en France, mais comme des Français au Maroc – et mal aimés (pensant que le Maroc jouit d'une bonne image, mais pas les jeunes d'origine marocaine). Corolaire plus fâcheux, ces jeunes vivent des discriminations (en hausse cette année de 49% à 53%), notamment sur l'embauche et le logement, qu'ils ressentent d'autant plus durement qu'ils sont nés dans leur pays de résidence.