Bruxelles a détaillé mercredi sa feuille de route pour préserver la biodiversité et sabrer l'usage des pesticides dans l'UE, alors que les Vingt-Sept s'inquiètent de voir leur productivité agricole affectée, dans le contexte de la crise alimentaire due à la guerre en Ukraine. Ces propositions de la Commission européenne, qui seront discutées par les Etats et eurodéputés, déclinent la stratégie « De la ferme à la fourchette », avec des objectifs contraignants pour réduire de 50% d'ici 2030 l'utilisation à l'échelle de l'UE de « pesticides chimiques dangereux » et pour mieux protéger, notamment, les colonies de pollinisateurs. Le texte propose que les pesticides soient complètement interdits dans les « zones sensibles » (espaces verts urbains, aires de jeux, écoles, terrains de sport, zones naturelles protégées…) pour limiter l'exposition des populations. Dans les champs, tous les agriculteurs devront privilégier « des méthodes alternatives écologiques de prévention » contre les insectes et maladies, les pesticides chimiques ne pouvant être utilisés qu'en « dernier recours », et les professionnels devront tenir des « registres » détaillant leurs pratiques. Pour tenir compte des spécificités nationales (climat ou reliefs particuliers, efforts déjà accomplis…), chaque gouvernement pourra fixer « ses propres objectifs de réduction des pesticides, dans le cadre des paramètres européens » mais devra en rendre compte à la Commission. En contrepartie, l'UE ajustera la Politique agricole commune (PAC) « pour garantir que les agriculteurs soient indemnisés de tous les coûts liés à l'application des nouvelles règles pendant une période de transition de cinq ans ». Ces derniers mois, sous la pression des organisations agricoles majoritaires, les Etats membres ont réclamé à l'exécutif européen de faire preuve de « réalisme », notamment face au blocage des céréales ukrainiennes par la Russie qui exacerbe les risques de famine dans le monde. Plusieurs pays, dont la France et l'Italie, redoutent qu'une baisse drastique des pesticides et engrais, tout comme l'objectif de consacrer un quart des terres au bio, ne provoquent l'effondrement des rendements européens, au risque de perturber les approvisionnements alimentaires –un scénario que Bruxelles réfute. « Les préoccupations sur la sécurité alimentaire ne rendent pas moins urgente l'action contre les pesticides! L'usage excessif de pesticides constitue un risque majeur pour la santé humaine et tue les pollinisateurs responsables de la majeure partie de la nourriture que nous consommons », a plaidé la commissaire à la Santé Stella Kyriakides. Bruxelles propose un plan d'action pour augmenter la gamme d'alternatives « biologiques et à faible risque » et financer le développement de technologies d' »agriculture de précision » (par exemple, des pulvérisateurs utilisant la géolocalisation et la reconnaissance d'insectes nuisibles).