La commission européenne a annoncé fin avril l'interdiction de trois pesticides jugés neurotoxiques pour les abeilles : la clothianidine, l'imidaclopride et le thiaméthoxame. Au Maroc, ces composants continuent à polluer les champs au risque de provoquer le déclin des butineuses. Cette décision de l'UE résulte d'une étude effectuée par l'ESFA (Autorité européenne de sécurité des aliments) publiée dernièrement, qui a démontré que les trois substances en question sont complètement nuisibles pour les abeilles. En 2013, l'UE avait déjà imposé des restrictions d'usage pour ces trois substances. Au Maroc, aucune note ou circulaire n'a été communiquée pour arrêter la distribution ou mieux cadrer l'utilisation de ces produits. Plusieurs fournisseurs contactés par H24 confirment la commercialisation effective de ces néonicotinoïdes, à l'exception de la clothianidine. Ils affirment également qu'aucune indication n'a été donnée pour arrêter leur vente. Pour rappel, les néonicotinoïdes sont une classe de produits toxiques employés comme insecticides agissant sur le système nerveux central des insectes. L'ONSSA tâtonne L'Office National de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), principal organe chargé de veiller au grain, semble prendre des demi-mesures malgré la conscience du danger de ses substances. « La matière active, la clothianidine, n'est pas autorisée au Maroc en tant que pesticide à usage agricole. Par contre, le thiaméthoxame et l'imidaclopride sont encore autorisés en tant qu'insecticides pour lutter contre les insectes nuisibles aux cultures avec l'interdiction d'utiliser ces produits au cours de la période de la floraison », déclare une source autorisée au sein de l'ONSSA. L'Office ajoute que les dernières conclusions de la réévaluation des néonicotinoïdes à l'échelle internationale seront soumises à l'avis de la Commission interministérielle des pesticides à usage agricole dont la prochaine réunion est prévue fin juin 2018. Pour comprendre les effets sur terrain de ces substances, nous avons contacté un apiculteur basé à la commune rurale de Tiddas dans le Moyen-Atlas. Son verdict ne laisse aucune place au doute, puisqu'il affirme que les abeilles qui se nourrissent des plantes contaminées par des néonicotinoïdes perdent leur sens de l'orientation et ne retrouvent pas le chemin de la ruche. « Si elles butinent des plantes touchées par ces substances, c'est fini ! Elles finissent par mourir ce qui pour nous entraîne la perte annuelle de plusieurs ruches. Certes, nous avons développé quelques astuces, nous essayons d'éloigner les ruches des terres agricoles et d'opter pour un élevage sauvage dans les forêts, mais ça ne marche malheureusement pas tout le temps », explique-t-il. Menace sur la filière de l'apiculture marocaine Pour rappel, l'apiculture marocaine est soutenue activement à travers le Plan Maroc Vert, un investissement de près de 1,4 milliard de dirhams a été déboursé pour augmenter le nombre de ruches. La production nationale en miel a presque doublé ses niveaux de production entre 2010 et 2017, passant de 3500 tonnes à 6200 tonnes. Le taux de couverture actuel a atteint les 63 %, et la consommation moyenne a augmenté à 200 g/habitant/an. Selon le ministère de l'Agriculture, la production de miel pourrait atteindre 16.000 tonnes à l'horizon 2020. Un chiffre assez ambitieux, le PMV opte depuis son lancement en 2008 pour des techniques telles que la formation des apiculteurs, la modernisation des ruches, et la mise en place d'une meilleure organisation du secteur apicole. Reste à voir ce qu'il en sera par rapport aux pesticides qui contiennent des néonicotinoïdes dont l'usage menace l'existence des abeilles Les abeilles, le maillon faible Fortement importantes pour la continuité du cycle de pollinisation, 70 % des plantes cultivées sont pollinisées par les insectes. Presque tous les arbres fruitiers, les légumes, les épices, le cacao et café dépendent des pollinisateurs, ce qui correspond à 35 % de la nourriture humaine. Sans les pollinisateurs, l'alimentation serait beaucoup moins diversifiée, elle sera limitée aux cultures qui ne dépendent pas des insectes pour leur reproduction comme le blé ou le riz. Plus que ça, sans les pollinisateurs, les plantes à fleurs seraient moins nombreuses et la production de viande et de lait serait diminuée, car les animaux d'élevage se nourrissent de plantes. La conservation des abeilles est donc inévitable pour préserver un cercle d'alimentation normale.