Nabil EL BOUSAADI « Si je dois être destitué, ce doit être par la procédure légale, par les membres du Parlement et non par des appels à la démission lancés par des agents de Taïwan » a déclaré, ce lundi 6 décembre, Manasseh Sogarave, le Premier ministre des îles Salomon, après être parvenu à faire rejeter, par 32 voix contre 15, la motion de défiance par laquelle l'opposition espérait pouvoir l'évincer du pouvoir pour « corruption » et « utilisation de fonds chinois pour soutenir son gouvernement ». Il a « volontairement compromis notre souveraineté pour son bénéfice politique personnel » avait déclaré, avant le débat sur la motion, le chef de l'opposition, Matthew Wale. Pour l'histoire, les îles Salomon, Etat d'Océanie, à cheval sur deux archipels, sont une monarchie parlementaire du Commonwealth, indépendante du Royaume-Uni depuis 1978, qui entretenait des liens diplomatiques avec Taipeh avant de les rompre en 2019 et de reconnaître le pouvoir communiste de Pékin en tant que représentant légitime de la Chine car en considérant Taïwan comme étant l'une de ses provinces, bien qu'elle ne contrôle pas cette île de 23 millions d'habitant, la Chine continentale en fait un pré-requis automatique pour l'établissement de relations diplomatiques avec d'autres pays. Mais la décision prise par le gouvernement du Premier ministre Manasseh Sogavare avait provoqué le ressentiment de cette partie de la population qui entretenait des liens très étroits avec Taïpeh tant et si bien que l'île de Malaita, l'une des neuf provinces formant les Iles Salomon a même envisagé d'organiser un référendum pour son indépendance. Poussant le bouchon encore plus loin, Daniel Suidani, le dirigeant de cette province « rebelle », avait accusé le Premier ministre d'être « l'homme de Pékin » et d'avoir « placé les intérêts étrangers au-dessus de ceux des habitants des îles Salomon ». Ce dernier s'était alors trouvé confronté à des pressions ayant pour but de le contraindre à la démission ; le tout sur fond d'enjeux diplomatiques avec la Chine et Taïwan ayant donné lieu à des émeutes que Pékin avait condamné en s'engageant à « assurer la sécurité et les droits et intérêts des institutions et des citoyens chinois » Ainsi, le 25 novembre dernier et en dépit du couvre-feu instauré la veille, plusieurs bâtiments avaient été incendiés à Honiara, la capitale, et des milliers de manifestants avaient défilé dans le quartier chinois de la ville pour réclamer la démission du Premier ministre. Des médias locaux avaient même fait état de la mort d'au moins 3 personnes, de scènes de pillages et de l'utilisation de gaz lacrymogènes par la police. Les querelles qui avaient fait écho à la colère de la rue dans l'enceinte du Parlement avaient entraîné l'arrivée de soldats des forces internationales de maintien de la paix australiennes, fidgiennes, papouasiennes et néo-zélandaises. Ces violences au cours desquelles 63 bâtiments de la capitale avaient été brûlés et pillés avaient incité le consulat des Etats-Unis à Honiara à restreindre ses activités et la Banque centrale des îles Salomon avait évalué les dommages causés par ces émeutes à près de 67 millions de dollars américains. Or, en considérant que le fait de répondre favorablement au souhait des manifestants reviendrait à se soumettre « aux diktats des hooligans et de l'anarchie », le Premier ministre Manasseh Sogavare a déclaré ne point pouvoir « accepter que la violence soit utilisée pour renverser un gouvernement démocratiquement élu » et poussé, ainsi, l'opposition à déposer la motion de censure qui a été rejeté ce lundi. Quelles seront, enfin, les suites du rejet de cette motion de censure quand on sait qu'après que les manifestations de 2006 aient acculé à la démission le Premier ministre fraîchement élu Snyder Rini au motif qu'il était sous l'influence d'hommes d'affaires chinois, c'est Manasseh Sogarave qui l'avait remplacé avant d'être poussé, à son tour, vers la sortie, en 2007, par un vote de défiance du Parlement puis de revenir au pouvoir, une première fois, de 2014 à 2017 et une nouvelle fois en 2019 et que ce retour avait donné lieu à de violentes manifestations ? Attendons pour voir...