Quelques 25 millions d'irakiens ont été appelés aux urnes, ce dimanche 10 Octobre, après que les aéroports aient été fermés la veille et que les déplacements entre les différentes provinces furent proscrits. Cette consultation électorale qui est la cinquième depuis l'éviction, en 2003, de Saddam Hussein par les forces américaines, s'est faite selon la nouvelle loi qui, après avoir instauré le scrutin uninominal, a augmenté le nombre des circonscriptions afin d'encourager les candidats indépendants. Elle a pour but d'élire les 329 députés du parlement unicaméral dans le cadre d'élections législatives anticipées organisées, sous haute sécurité, dans un pays où le groupe Etat islamique reste actif et ce, en réponse au mouvement de contestation sociale populaire qui avait vu le jour, en 2019, pour dénoncer la corruption et la crise économique. Mais, bien que la commission électorale ait publié, durant toute la journée, les résultats préliminaires dans chacune des dix-huit provinces du pays, il était impossible de connaître le nombre exact de sièges remportés par chaque formation du moment que celle-ci ne dévoilait pas les affiliations des vainqueurs. Aussi, après avoir été donné favori, le courant de l'influent leader chiite Moqtada Al-Sadr, qui constitue la première force au sein du Parlement irakien, a revendiqué la victoire lundi soir et, dans une allocution télévisée, son chef qui était à la tête de la milice qui avait combattu les troupes américaines, s'est félicité de ce succès et a invité « le peuple (à) célébrer cette victoire du plus gros bloc (...) sans causer de désagréments ». Pendant ce temps-là, sur la Place Tahrir, dans le centre de Baghdad, plusieurs centaines de « sadristes » fêtaient leur triomphe à coups de pétards, de klaxons et de youyous en brandissant des drapeaux irakiens, des fanions de leur mouvement et des portraits de leur leader. « Nous attendons cette victoire depuis longtemps (...) Notre espoir c'est Moqtada Al-Sadr et personne d'autre (...) Il est seul capable de réformer l'Irak et de chasser la corruption ». Or, pour les chercheurs Bilal Wahab et Calvin Wilder, du Washington Institute, cette « élection donnera probablement naissance à un autre parlement fragmenté » et, par voie de conséquence, sera l'occasion de «marchandages opaques parmi les différentes factions pour former le prochain gouvernement » si bien qu'il reste difficile de voir, dans ce scrutin, « plus qu'un jeu de chaises musicales » du moment que les réclamations du mouvement de contestation, ayant trait notamment à la lutte contre la corruption, à la création d'emplois et au fait de faire rendre des comptes aux groupes armés, n'auront que « peu de chances d'être satisfaites ». Si, donc, la victoire des « sadristes » se confirme, ceux-ci verront le nombre de leurs députés au Parlement passer de 54, actuellement, à plus de 70 et ils conserveront, ainsi, leur statut de première force politique du pays ; ce qui leur permettra de peser tant sur la composition du futur gouvernement que dans la désignation du Premier ministre. L'autre tendance qui se dégage de ce scrutin est la percée de l' «Alliance de l'Etat de droit » de l'ancien Premier ministre Nouri Al-Maliki qui, selon un responsable de ce mouvement, aurait obtenu 37 sièges. La coalition du « Hachd Al-Chaabi », camp politique allié à l'Iran qui avait fait son entrée au Parlement, en 2018, après sa victoire militaire contre l'organisation Etat islamique, semble, en revanche, essuyer un très net recul mais reste, néanmoins, une pièce incontournable de l'échiquier politique irakien. Et si, comme l'affirme le politologue Ihsan Al-Shammari, en dépit des « frictions politiques » et « des luttes pour le poste de Premier ministre et la répartition des ministères », « tous les indicateurs confirment un retour à un consensus politique », alors attendons pour voir... Nabil EL BOUSAADI