Manifestants anti-gouvernementales de masse, Arabes et Kurdes à couteaux tirés tandis qu'un puissant chef chiite prédit un «Printemps irakien»: l'Irak est embourbé dans des crises à répétition qui poussent certains à réclamer des élections anticipées. Depuis le retrait en décembre 2011 des derniers soldats américains d'Irakaprès neuf ans de présence, les disputes n'ont pas cessé entre groupes politiques, ethniques et religieux, paralysant l'action du Parlement et du gouvernement dominé par les chiites. Face à cette impasse, le débat sur la possibilité de tenir des élections générales anticipées a été relancé, alors que la législature actuelle s'achève normalement en avril 2014 et que des élections provinciales sont prévues en avril 2013. Des responsables du bloc du Premier ministre chiite Nouri al-Maliki ont eux-mêmes évoqué une éventuelle dissolution du Parlement, mais la mesure doit être approuvée par la majorité absolue des parlementaires. «Des élections anticipées pourraient être la meilleure solution», estime Ihsan al-Chammari, professeur de sciences politiques à l'Université de Bagdad. «Si les choses empirent, les divisions s'accentueront et c'est dangereux» pour le pays. Pour le moment, le Conseil des ministres et le Parlement continuent de se réunir, mais aucune loi importante n'a été votée depuis 2010 et les Irakiens se plaignent de l'absence de mesures des différents ministères pour améliorer leurs conditions de vie. M. Maliki, habile tacticien, a réussi à se maintenir à la tête du gouvernement depuis 2006, en partie grâce à la désorganisation de ses détracteurs, selon des experts. Mais il a dû compter aussi sur l'appui du voisin iranien chiite pour faire échec à une motion de défiance en juin. La crise a éclaté au grand jour en décembre 2011, au moment du retrait des derniers soldats américains. Le bloc Iraqiya, laïque mais dominé par les sunnites, a annoncé un boycott du gouvernement et du Parlement pour dénoncer un exercice autocratique du pouvoir de la part de M. Maliki, un chiite. «Printemps irakien» Le vice-Premier ministre sunnite Saleh Moutlak, membre d'Iraqiya, a même accusé M. Maliki d'être «pire que Saddam Hussein». Parallèlement, l'épreuve de force s'est durcie autour de la répartition des recettes pétrolières entre la région autonome kurde et le pouvoir central, plaçant les forces des deux camps en état d'alerte. Et le chef religieux radical chiite Moqtada Sadr, dont la formation fait partie du gouvernement, tout comme Iraqiya et les Kurdes, a lui aussi rejoint les rangs des détracteurs de M. Maliki, en mettant en garde contre un «Printemps irakien». Dans les régions à majorité sunnite et au Kurdistan, des manifestations ont lieu depuis deux semaines pour réclamer le départ de M. Maliki, la libération de détenus et l'abrogation de la loi antiterroriste utilisée, selon les protestataires, pour s'en prendre aux sunnites. Ce mouvement a éclaté à la suite de l'arrestation le 20 décembre, sur des soupçons de terrorisme, d'au moins neuf 9 gardes du ministre des Finances Rifaa al-Issawi, un sunnite membre du bloc Iraqiya. Pourtant, le bloc Iraqiya et le mouvement sadriste ne se sont pas retirés de la fragile coalition gouvernementale. «Les groupes politiques ont essayé, après le départ des forces américaines, d'exploiter la situation», estime Abbas al-Bayati, un député et membre du bloc de M. Maliki. «Chaque partie tente d'interpréter la Constitution de façon à servir ses intérêts». «Aucune des parties n'est disposée à s'asseoir et à régler les problèmes», regrette Mahmud Othman, un député kurde indépendant. «Chacune ne fait que lancer accusations envers l'autre. Je crains que le pire soit encore à venir». D'autant que l'impact de la crise est aussi économique, les investisseurs craignant l'instabilité dans le pays où les attentats meurtriers restent très fréquents.