Pratique ancienne et universelle, l'interruption volontaire de grossesse se décline de manières différentes selon les époques et les contextes politiques, sociaux et culturels et les législations la concernant diffèrent d'un pays à l'autre en allant de l'autorisation à la demande de la femme jusqu'à son interdiction totale. Aussi, la libéralisation de l'IVG fait l'objet de grandes polémiques si bien que même quand elle est acquise, elle est, parfois, remise en question car si certains revendiquent l'accès à l'avortement comme étant un droit humain, un droit des femmes, un droit sexuel et reproductif, d'autres le condamnent au nom du droit à la vie de l'embryon en prenant, généralement, appui sur la religion. Si donc en Amérique latine, la pratique de l'IVG est légale en Uruguay, à Cuba, en Argentine, dans la ville de Mexico et dans trois Etats mexicains, elle est, en revanche, totalement interdite au Salvador, au Honduras, au Nicaragua, à Haïti et en République dominicaine alors que, dans d'autres pays latino-américains, l'interruption volontaire de grossesse n'est autorisée que dans les cas où la vie de la femme est en danger et, parfois, en cas de viol ou si le fœtus n'est pas viable. La femme qui interrompt volontairement sa grossesse encourant une peine d'emprisonnement dont la durée varie selon les pays, il est à noter qu'à l'heure actuelle, au Salvador, 17 femmes sont derrière les barreaux sous l'accusation d'«homicide aggravé» pour avoir tout simplement cherché à se faire soigner pour urgence obstétrique; ce qui a poussé des centaines de salvadoriennes à présenter un projet de loi permettant l'avortement sous certaines conditions assez restrictives. Non loin de là, en Colombie, où l'avortement n'est autorisé qu'en cas de malformation du fœtus, de risque mortel pour la femme ou après un viol, 205 femmes ont été condamnées, de 2005 à ce jour, à des peines d'emprisonnement d'après un rapport du collectif «La Mesa por la Vida y la Salud de las Mujeres». Aussi, à l'occasion de la Journée mondiale de l'avortement, des centaines de colombiennes se ont manifesté devant le Congrès de Bogota pour exiger un avortement libéré de toutes les contraintes précitées. C'est donc pour une libéralisation de l'interruption volontaire de grossesse que des milliers de femmes sont descendues dans les rues des principales villes du Mexique, du Salvador, du Chili, de Colombie et du Pérou pour commémorer, ce mardi, la Journée mondiale de l'avortement, en arborant ce foulard vert qui est devenu le symbole de la lutte pour la légalisation de l'IVG et en brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Avortement légal maintenant !», «Droit de décider» ou encore, comme à Lima au Pérou, «Un Etat qui n'accorde pas le droit à l'avortement est un Etat féminicide !». Si donc au Chili, il était possible, depuis 2017, de recourir à l'avortement en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère ou de l'enfant à naître, il est à noter que ce mardi, les députés chiliens ont fait un pas en avant en approuvant par 75 voix pour, 68 contre et 2 abstentions, une proposition de loi qui dépénalise l'interruption volontaire de grossesse jusqu'à 14 semaines. Ce vote constituant une avancée notable sur le chemin de la libéralisation de l'IVG même si le texte y afférent doit encore être débattu au Sénat, la députée communiste Camila Vallejo, une des initiatrices de ce projet de loi s'est réjoui sur Twitter en ces termes : «La dépénalisation de l'avortement est approuvée ! C'est une victoire pour toutes les femmes et les personnes enceintes qui ont été persécutées et criminalisées, surtout si elles ont peu de ressources financières». Il semble donc, au vu de tout ce qui précède, que le chemin vers une libéralisation totale de l'interruption volontaire de grossesse qui permettrait à la femme de disposer librement de son corps est encore long et parsemé d'embûches, notamment d'ordre religieux, mais que le combat continue. Alors, attendons pour voir... Nabil El Bousaadi