Ouardirhi Abdelaziz Notre système de santé souffre de moult maux, mais ce qui est très inquiétant: c'est la pénurie de ressources humaines. Il y a un manque cruel de médecins et d'infirmiers. Et plus préoccupant, c'est l'iniquité flagrante concernant la répartition de ces mêmes ressources humaines sur l'ensemble du territoire national. Il y a une pléthore de médecins et infirmiers au niveau de certaines régions, au niveau de certains hôpitaux et services. Cependant ailleurs, il y a un désert médical. Autrement dit, il s'agit de répartir équitablement les ressources humaines du département de la Santé (médecins infirmiers..) sur l'ensemble du territoire national, sur l'ensemble des infrastructures sanitaires, des hôpitaux, des centres de santé, des dispensaires, afin de corriger les disparités existantes, des disparités qui pénalisent surtout les régions sous médicalisées, là où il n'y a ni médecin, ni infirmier, ni dispensaire... Des chiffres à connaitre Si on se réfère aux chiffres officiels de 2020, nous relevons que les médecins exerçant au niveau des établissements publics de santé sont au nombre de 12.454 dont 3.616 généralistes, 8.337 spécialistes, 323 dentistes et 178 pharmaciens. S'agissant du secteur privé, on relève 5.182 médecins généralistes et 8.440 médecins spécialistes, ce qui représente un total de 13.622 médecins. Au total, le Maroc compte 25.575 médecins dans le public et privé. Pour une population de 36 millions d'habitants, le ratio est de 7,1 médecins pour 10.000 habitants. Le Maroc est encore très loin du standard de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) fixé à 15,3 médecins pour 10.000 habitants. Ce n'est un secret pour personne de dire que notre système de santé souffre d'un manque cruel en ressources humaines. Ce constat est fait depuis des décennies et plus exactement depuis les années 80, mais aucune solution n'a pu voir le jour jusqu'à présent. S'agissant du personnel infirmier et des techniciens de santé, qui exercent dans le secteur public, leur nombre est de 33.837 dont 15.087 infirmiers polyvalents et 4.943 sages-femmes. Le grand problème ou plutôt l'handicap dont souffre notre système est double. Il y a une pénurie des ressources humaines, ca c'est un fait, une réalité pénalisante et choquante. Mais plus grave, c'est la mauvaise répartition de ces mêmes ressources humaines sur l'ensemble des régions du Maroc. Dans le public, la répartition par région montre que les professionnels de santé médicaux sont concentrés essentiellement dans la région de Casablanca-Settat où leur nombre se chiffre à 3.171, y compris les régions de Marrakech-Safi (1.876), Fès-Meknès (1.725), Rabat-Salé-Kénitra (1.676), Oriental (1.153), Tanger-Tétouan-Al Hoceima (852). Le droit à la santé pour tous La santé est un enjeu de justice. A l'évidence, personne ne peut dire le contraire. Dans les plus grande démocraties du monde, les prestations de santé mises à la disposition de l'ensemble des habitants sont les mêmes pour tous, indépendamment du lieu où ils habitent. C'est un haut degré de civilisation que d'investir dans la santé des individus peu importe leur statut social, leurs moyens ou lieu de résidence. C'est la plus belle leçon de justice sociale qui puisse exister. Qu'il s'agisse des problèmes liés à une juste répartition des moyens humains ou matériels, de prévention ou d'une distribution équitable des soins. C'est un droit de la personne humaine comme le précise la charte universelle des droits de l'homme. En tant que tel, ce droit doit en principe être le même pour tous, sans distinction aucune. Au Maroc, la santé des citoyens est du ressort du ministère de la Santé qui en assume la charge. Si ce ministère n'arrive pas à assumer pleinement ses responsabilités ou qu'il faillit à ses prérogatives, il doit en principe en assumer totalement la responsabilité. Dans ces conditions, on est en droit de se poser certaines questions : la répartition des médecins obéit-elle à des critères? Si oui, on serait curieux de savoir pourquoi il y a une pléthore de médecins spécialistes en gastro-entérologie, en médecine interne, des traumatologues, des gynécologues à Rabat et Casablanca (dans le secteur public), alors qu'ailleurs il y a un manque cruel de ces mêmes ressources humaines. N'est-ce pas là une forme d'injustice? Un système solidaire et égalitaire Nous sommes tous conscients qu'un très grand nombre de nos concitoyens rencontrent aujourd'hui de réelles difficultés pour accéder aux soins, que ce soit pour trouver un médecin généraliste, un spécialiste ou un professionnel de santé. Cette situation est quotidiennement vécue par les habitants des zones difficiles d'accès et parfois même en milieu urbain. Y a-t-il plus grande injustice que celle de ne pouvoir être soigné quand on est malade? Que peut ressentir un homme qui assiste impuissant à l'agonie de sa femme parce qu'il n'y a pas de gynécologue pour pratiquer une césarienne ? Quel peut être l'état d'âme d'un citoyen obligé de faire des dizaines de kilomètres à dos d'âne pour se rendre au dispensaire le plus proche, surtout en cas de morsure de scorpion? Le problème de la mauvaise répartition des médecins sur l'ensemble du territoire national est encore posé en 2021. Il est vrai que plusieurs ministres se sont essayés pour remédier à cette anomalie, mais sans résultat. Si rien de concret n'est entrepris, ce problème ne fera qu'empirer dans les années à venir. Il n'y a pas de fatalité à voir apparaître les déserts médicaux comme ils en existent aujourd'hui, surtout en milieu rural. C'est donc pour remédier à toutes ces inégalités, pour mettre un terme à toutes ces inquiétudes qu'il va falloir opter, une bonne fois pour toutes, pour la transparence dans l'affectation des ressources humaines là où le besoin est réel afin de mettre en place un système d'accès aux soins le plus juste possible.