Mohamed Nait Youssef La conjoncture est exceptionnelle. Cette année, la rentrée culturelle et artistique intervient dans un contexte particulier marqué d'abord par la pandémie et les échéances électorales dont le scrutin est prévu le 8 septembre. Incontestablement, cet événement politique et législatif phare volera la vedette. Quant aux professionnels des domaines culturels et artistiques, ils n'ont pas manqué de tirer la sonnette d'alarme sur la situation « critique » du secteur marquée par l'arrêt presque total des activités mais aussi et surtout le manque de visibilité. Un mois d'août mort. L'attente est le maître mot. En attendant la rentrée. Un livre malmené... Le secteur du livre et de l'édition a survécu malgré les vents et les marées. La période de confinement a connu une augmentation au niveau de la production et des manuscrits, mais le livre a toujours du mal à circuler à cause du report des manifestations livresques, des foires, des rencontres littéraires, des séances de signature... «Il y a un flou, voire un laisser-aller du ministère de la tutelle qui n'est pas assez présent. », nous confie président de l'Union professionnelle des éditeurs du Maroc, directeur des éditions « La Croisée des Chemins » et vice-président de la Fédération des industries culturelles et créatives. Selon ses dires, la culture est toujours oubliée. «Heureusement qu'il y a eu le nouveau modèle de développement qui va donner une certaine responsabilité aux futures responsables sachant que le Roi s'intéresse à la culture ; si non on n'avancera pas parce qu'il n'y a pas de volonté. », a-t-il affirmé. Et d'ajouter : « vous imaginez, en 2021, il n'y a pas eu un seul soutien qui a été accordé à l'ensemble des éditeurs et des libraires par le ministère de la Culture, chose qui n'a pas été faite depuis 2014 sachant que le secteur a été touché par la pandémie, le chômage et les licenciements... », a-t-il déploré. Pour le président de l'Union professionnelle des éditeurs du Maroc, les gens ne veulent pas de l'argent tout de suite, mais ils veulent qu'on leur dise de continuer à travailler pour être opérationnel en octobre. «Une saison ne se fabrique pas en 15 jours parce qu'il y a des éditeurs et des auteurs qui travaillent. Nous, nous avons une trentaine de titres que nous allons sortir mais ce n'est pas logique. L'Etat doit soutenir ce secteur parce qu'il est un secteur essentiel.», conclut-il. Année blanche pour les planches ! Au-delà des activités limitées du théâtre Mohammed V et quelques directions du ministère de la Culture, l'année 2021 est une année blanche pour les planches nationales. Après une fermeture ayant duré plus d'un an, le théâtre Mohammed V a annoncé le 3 août la suspension de toutes ses activités qui seront reportées jusqu'à nouvel ordre. Une ouverture en tout cas qui n'a pas duré longtemps. «Le ministère de la tutelle n'a pas annoncé le nouveau soutien accordé au théâtre, ni les rendez-vous:le festival national, le festival de théâtre amateur et bien d'autres. Ces manifestations n'ont pas été annoncées ni en présentiel ni en virtuel. Alors, on ne peut pas parler ni d'une rentrée, ni d'une saison théâtrale, sachant que l'Etat n'a pas fermé définitivement certains espaces culturels et artistiques. », nous explique Amine Nasseur, metteur en scène et comédien, dans une déclaration au journal. L'activité culturelle est gelée. C'est le temps des grandes vacances... en attendant Godot ! «Il y a un silence radio au sein du ministère de la tutelle comme si ce secteur n'avait pas été impacté par la pandémie et les fermetures.», affirme Amine Nasseur. Et d'ajouter : «nous tirons la sonnette d'alarme parce qu'on abandonne la culture et la vie culturelle. Aujourd'hui, les citoyens se posent la question sur les activités culturelles, les spectacles...Car, ce qui est dangereux, c'est cette indifférence manifestée par le ministre de la Culture envers la culture. Chose qu'on ne pourrait pas accepter notamment avec la dynamique que connait notre pays.» Le comédien et metteur en scène s'est même posé la question sur le sort des budgets alloués à la culture sachant, dit-il, que nous sommes à la fin de l'année budgétaire. Les ateliers : tombeaux des œuvres... Les artistes plasticiens et leurs œuvres sont toujours confinés dans les ateliers. A vrai dire, rien ne va plus dans ce secteur non seulement impacté par la Covid-19, mais qui a eu du mal à se relancer. Aucune visibilité pour les arts plastiques et visuels. L'attente hante toujours les esprits. «Il n'y a pas une stratégie claire du ministère de la Culture en ce qui concerne le secteur des arts plastiques contrairement par exemple à la Tunisie qui consacre une grande place à ce domaine artistique important.», précise Mohamed Mansouri Idrissi, artiste peintre et président du Syndicat marocain des artistes plasticiens professionnels (SMAPP). Cette année, dit-il, il n'y aura pas une programmation. Pis encore, même le soutien n'existe pas. «Les galeristes, les artistes ont été touchés par la crise. Auparavant, les collectionneurs venaient chez nous aux ateliers. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. C'est toute la chaîne qui a été touchée ! », a-t-il indiqué.