Nabil El Bousaadi C'est sous le mot d'ordre « Fora Bolsonaro ! » (Bolsonaro, dehors !), « Bolsonaro Genocida ! » (Bolsonaro génocidaire) qu'à l'appel des principaux partis de gauche et de diverses organisations estudiantines, des dizaines de milliers de brésiliens masqués (pandémie oblige) et arborant des drapeaux rouges (syndicats de gauche), verts (écologistes), violets (féministes) ou noirs (en hommage aux victimes du Covid-19), ont défilé, ce samedi 29 mai, dans au moins 200 villes du pays. A en croire le site d'information G1, à Recife, au nord-ouest du pays, la police a même dû faire usage de bombes lacrymogènes et de balles en caoutchouc pour disperser les manifestants. L'objectif de ce soulèvement populaire qui intervient après deux week-ends de manifestations de soutien au gouvernement convoquées par le chef de l'Etat est de protester contre le président d'extrême-droite Jair Bolsonaro qui, dès le début de la pandémie du nouveau coronavirus qui a ôté la vie à près de 460.000 brésiliens, avait non seulement qualifié celle-ci de « grippette » mais, également, critiqué les mesures de quarantaine, promu des médicaments sans efficacité prouvée et mis en doute celle des vaccins. Marcelo Queiroga, qui est le quatrième ministre de la santé du gouvernement brésilien depuis le début de la pandémie, déclare « travailler d'arrache-pied pour éviter le risque d'une troisième vague » dans le pays ; tout cela sans trop d'espoirs avec l'apparition du « variant indien ». Ces manifestations auxquelles a appelé la gauche brésilienne visent, bien entendu, à faire tomber un président que d'aucuns jugent beaucoup « plus dangereux que le virus » et dont la popularité est en très forte baisse puisque, d'après un sondage PodeData qui place l'ancien président Lula da Silva, en position de favori pour remporter l'élection présidentielle de 2022, 57% des brésiliens réclament sa destitution car, au-delà de sa gestion catastrophique de la pandémie, il lui est, également, reproché de promouvoir la déforestation de l'Amazonie, la violence et le racisme. « Personne ne veut être dans la rue au milieu d'une pandémie mais Bolsonaro ne nous laisse aucune alternative. Nous sommes dans la rue pour défendre des vies (car) nous n'allons pas attendre 2022 » s'est écrié Guilherme Boulos, le leader du Mouvement des travailleurs sans abri (MTST) qui estime que de nombreux décès auraient pu être évités si le gouvernement avait lancé plus tôt la campagne de vaccination. A Rio de Janeiro, le lieu de rassemblement des manifestants, respectant les gestes-barrières et distribuant des masques et du gel hydro-alcoolique à ceux qui en ont besoin et, pour certains, brandissant même des portraits de l'ancien président de gauche Lula da Silva portant l'écharpe présidentielle, n'a pas été choisi au hasard puisque les contestataires se sont rencontrés au pied de « Balança Mas Nao Cai » (« Tangue mais ne tombe pas »), une gigantesque construction en béton, inaugurée en grandes pompes en 1948 et qui, bien que réputée instable, est encore debout après sept décennies. A Macapa, la capitale de l'Etat de l'Amapa, située sur la rive gauche de l'Amazone et sur la ligne de l'équateur, en plus du départ du président Bolsonaro, les manifestants ont, également, réclamé le rétablissement de l'aide d'urgence de 600 rais, le développement de l'éducation et de la recherche mais aussi des moyens nécessaires à une vaccination en masse de la population. A Sao Paulo, la plus grande ville du Brésil, au-dessus des manifestants, volait dans les airs un immense ballon représentant Jair Bolsonaro en vampire. Face à un tel déchaînement de colère, rien ne permet d'affirmer si le président d'extrême-droite va rester aux commandes du Brésil jusqu'aux prochaines échéances électorales ou s'il va être contraint de s'éclipser avant terme. Alors, attendons pour voir...