L'affaire du « détournement », dimanche 23 mai, sur Minsk, d'un avion de la Ryanair qui assurait la liaison Athènes-Vilnius a mis la Biélorussie sous le feu de critiques non seulement de l'Union européenne qui menace de lui appliquer des sanctions mais également de la communauté internationale. C'est donc dans ce contexte qu'a eu lieu, vendredi, la rencontre, dans la station balnéaire de Sotchi, sur les rives de la mer Noire, entre le président biélorusse Alexandre Loukachenko et son homologue russe Vladimir Poutine. Prévus de longue date, ces entretiens bilatéraux avaient pour ordre du jour le « renforcement de l'intégration » économique entre les deux pays, l'étude des moyens à mettre en œuvre pour « réagir aux pressions extérieures » et, bien évidemment, comme l'a souligné, le président russe, au début de cette entrevue, la construction d'une « union » renforcée entre Moscou et Minsk pour contrecarrer le mouvement de contestation qui, depuis les élections controversées du 9 Août dernier, s'acharne à déstabiliser le pays. Affirmant que la raison du « détournement », sur la capitale biélorusse, de l'avion de la Ryanair était une « alerte à la bombe » et que l'arrestation de l'opposant Roman Protassevitch et de sa compagne Sofia Sapega, relèvent du plus grand des « hasards », les autorités biélorusses assurent que le pilote du vol dérouté n'a subi aucune pression quand il lui avait été recommandé, « avec insistance », d'atterrir en Biélorussie après que le président biélorusse ait dépêché, dans les cieux, un avion de chasse pour accompagner le Boeing 737 de la Ryanair. Mais ce qui, pour les autorités biélorusses relèverait d'un simple hasard, serait, d'après la société Proton, qui héberge l'adresse e-mail d'où la menace a été envoyée, une mise en scène savamment orchestrée dès lors que « le message d'alerte à la bombe aurait été envoyé après que l'avion ait été détourné » puisque l'heure affichée sur la photo présentée comme étant le courriel en question est 12 h 57 (heure de Minsk) alors que la transcription des conversations, entre le vol FR4978 et les contrôleurs aériens biélorusses, établit que le pilote avait été informé de la menace à 12h 30 (heure locale). Considérant, toutefois, que cette « alerte à la bombe » n'était qu'une flagrante mise en scène, l'Union européenne a demandé aux différentes compagnies aériennes de contourner la Biélorussie et, dans la foulée, Air France a décidé d'annuler plusieurs vols et un trajet d'Austrian Airlines vers Moscou a été purement et simplement supprimé au motif que la Russie n'avait pas validé les plans de vol évitant l'espace aérien biélorusse. Or, le Kremlin a assuré, ce vendredi, qu'il ne s'agit là que d'une question purement technique et « Rossaviatsia », l'autorité aérienne russe, a confirmé ces propos en imputant le retard pris dans la validation des plans de vol à « l'augmentation du nombre des demandes des compagnies aériennes ». Reconnaissant que la Biélorussie a fait preuve de transparence dans cette affaire de détournement d'avion et qu'à ce titre, son pays n'a « aucune raison » de douter des explications données par les autorités biélorusses, le président Vladimir Poutine a tenu à préciser que cette affaire n'a pas entaché les relations entre Moscou et Minsk et le chef de la diplomatie russe a accusé l'UE de comportement « irresponsable » lorsqu'elle avait sommé les 27 de contourner l'espace aérien biélorusse. Aussi, en affichant un bien grand sourire au moment d'accueillir le président Alexandre Loukachenko qui estime que l'Europe chercherait à « étrangler » son pays, Vladimir Poutine a déclaré : « Je suis très content de vous voir (...) Nous sommes en train de construire une union » renforcée entre la Russie et Biélorussie. Mais hormis la Russie, tout porte à croire que tout le monde voudrait se débarrasser du vieux Loukachenko. Si donc Bruxelles a déjà présenté un projet de soutien à la Biélorussie prévoyant l'octroi d'une aide de 3 milliards d'euros pour assurer la transition démocratique quand Loukachenko aura quitté le pouvoir, Kersti Kaljulaid, la présidente de l'Estonie a sommé, ce vendredi, les occidentaux d'arrêter le « flot d'argent » qu'ils déversent sur la Biélorussie alors que, de son exil lituanien, Svetlana Tilkanovskaîa, la cheffe de file de l'opposition biélorusse, a invité l'Union européenne à se montrer « plus courageuse et plus forte » et à imposer des sanctions supplémentaires à Minsk. Même le gouvernement américain s'est mis de la partie en annonçant, par la voix du porte-parole de la Maison Blanche, préparer avec l'Union Européenne, « une liste de sanctions ciblées à l'encontre de membres-clés du régime de Loukachenko associés aux violations actuelles des droits de l'Homme, à la corruption et à la falsification des élections de 2020 ». Tout cela va-t-il contribuer à précipiter le départ de Loukachenko ou simplement mettre définitivement le pays sous la botte de la Russie ? Attendons pour voir... Nabil EL BOUSAADI