Israël sans Benjamin Netanyahu? L'opposition et la droite radicale négocient lundi les termes d'une alliance pour instaurer un « gouvernement du changement » susceptible de pousser vers la sortie le Premier ministre au pouvoir pendant 15 ans et prêt à tout pour y rester. Le sort de M. Netanyahu, qui tient le record de longévité à son poste en Israël, sera connu mercredi à 23h59 locales (20H59 GMT), délai donné par la loi au chef de l'opposition Yaïr Lapid pour annoncer s'il est parvenu ou non à former un gouvernement. Après 11 jours de guerre entre Israël et le mouvement palestinien Hamas et de trêve politique en Israël, Naftali Bennett, le chef de la droite radicale, a changé la donne dimanche en annonçant son ralliement au « gouvernement d'union nationale » que tente de monter en urgence le centriste Yaïr Lapid, rival de M. Netanyahu. A la tête du parti Yesh Atid (« Il y a un futur »), M. Lapid a été chargé par le président Reuven Rivlin début mai de dégager une majorité de coalition pour sortir Israël de deux ans de crise politique, la plus longue de l'histoire du pays. Sans attendre, MM. Lapid et Bennett, les deux nouveaux alliés, se sont retrouvés jusque tard dans la nuit pour formaliser leur alliance. Les négociations reprennent lundi, a annoncé le parti Yamina de M. Bennett. Et Yaïr Lapid doit s'exprimer à 14H30 locales (11H30 GMT) depuis la Knesset, le Parlement, pour faire le point sur ces rebondissements, a annoncé son parti dans un communiqué. Mais rien n'est encore joué. Il reste à M. Lapid encore quatre députés à rallier pour atteindre le chiffre de 61, nombre de parlementaires requis pour former une coalition, sans compter sur les manoeuvres de dernière minute de M. Netanyahu, décidé à s'accrocher au pouvoir après 12 ans de règne sans discontinuer. Le Premier ministre sortant a cinglé le ralliement de M. Bennett à M. Lapid, estimant que leur gouvernement serait un « danger pour la sécurité de l'Etat d'Israël » et qualifiant ce projet « d'arnaque du siècle ». Pour le quotidien de droite Maariv, les derniers développements ont d'ores et déjà marqué une rupture, montrant un Benjamin Netanyahu plus que jamais acculé. « Naftali Bennett est soudainement apparu comme un Premier ministre, et Benjamin Netanyahu est devenu un chef de l'opposition », note l'éditorialiste Ben Caspit Le Premier ministre en péril avait tenté dimanche le tout pour le tout, proposant une formule périlleuse: « un bloc de droite », avec M. Bennett et Gideon Saar, chef d'un petit parti de droite, sur le principe d'une rotation à trois. Les deux concernés s'y sont refusés, Naftali Bennett considérant que M. Netanyahu « cherche à emmener tout le camp national et tout le pays avec lui dans sa dernière bataille personnelle ». Yaïr Lapid a obtenu jusque-là l'appui de 57 députés, de gauche, du centre, de deux formations de droite et du parti Yamina. Son bloc doit encore engranger quatre soutiens et compte sur les partis arabes israéliens, qui ne se sont pas encore clairement positionnés. « La gauche fait des compromis loin d'être faciles, quand elle m'octroie à moi (…) le rôle de Premier ministre », a déclaré dimanche M. Bennett, proche des colons israéliens. Selon les médias israéliens, un accord prévoit qu'il prenne la tête du gouvernement pendant les deux premières années, avant de laisser sa place à M. Lapid. Ce scenario marquerait la fin d'une ère politique, entamée il y a 25 ans avec l'élection de Benjamin Netanyahu contre Shimon Peres, l'artisan des Accords d'Oslo sur l'autonomie palestinienne. Revenu au pouvoir en 2009, M. Netanyahu ne l'avait plus quitté depuis. Jugé pour « corruption » dans trois affaires, il est le premier chef de gouvernement israélien à faire face à des poursuites criminelles en cours de mandat. Et ces poursuites judiciaires pourraient le rattraper s'il venait à perdre son immunité accordée en l'état de la loi israélienne, de part son statut de Premier ministre. Et si le camp anti-Netanyahu ne parvient pas à former un gouvernement, 61 députés pourront demander au président de charger à nouveau un parlementaire pour former un gouvernement. Ou, le scénario le plus redouté par les électeurs déjà appelés à voter quatre fois en moins de deux ans: un retour aux urnes.