Nabil EL BOUSAADI Après avoir passé 30 années à la tête du Tchad et été réélu, le 11 Avril, pour effectuer un sixième mandat, le président Idriss Déby Itno est tombé le 20 Avril sous les tirs des groupes rebelles. Dès l'annonce de la mort du chef de l'Etat, l'armée tchadienne a mis en place un Conseil militaire chargé d'assurer une transition de 18 mois à l'issue de laquelle devront être organisées des élections « libres et transparentes ». Dirigé par Mahamat Idriss Déby, le fils du défunt, un général d'à peine 37 ans à la tête des troupes d'élite de la Direction générale des services de sécurité des institutions de l'Etat, et constitué de quinze membres ayant tous occupé des fonctions de premier plan au sein des services de sécurité, ce Conseil a, immédiatement, désigné le fils du défunt chef de l'Etat pour succéder à son père en endossant la fonction de « président de la république » et de « chef suprême des armées », suspendu la Constitution, dissous l'Assemblée Nationale, démis le gouvernement, instauré un couvre-feu et procédé à la fermeture des frontières. Mais la création même de ce Conseil militaire qui, pour les partisans de l'ancien président, et compte-tenu des circonstances exceptionnelles que traverse le pays, était la seule solution à même de garantir la paix et d'assurer la défense du territoire national, n'a pas été unanimement acceptée dans le pays. Ainsi, en n'ayant pas respecté l'ordre constitutionnel qui stipule qu'il incombe au Président de l'Assemblée nationale de diriger la transition, la mise en place de ce Conseil a été vivement critiquée aussi bien par l'opposition politique que par une importante frange de la société civile. Fortement secoué par ces critiques, le Conseil militaire n'avait donc pas d'autre choix que celui de négocier cette « transition » avec les membres du Cadre national de dialogue politique (CNDP) et les chefs des différents partis politiques toutes tendances confondues dont notamment Albert Pahimi Padacké qui fut Premier ministre d'Idriss Déby de 2016 jusqu'à la suppression de ce poste en 2018 et qui, après s'être présenté aux dernières élections présidentielles en tant que « candidat indépendant » avait recueilli 10,32% des suffrages exprimés, occupant ainsi la deuxième place bien qu'étant très loin derrière le défunt président qui avait été réélu, dès le premier tour, avec 79,32% des voix. Aussi, au terme de ces pourparlers, c'est cet ancien Premier ministre du défunt Maréchal-Président qui a été désigné pour diriger le nouveau gouvernement de transition dont les membres seront, néanmoins, nommés et révoqués par le nouvel homme fort du Tchad, le général Mahamat Idriss Déby. Interrogé par Radio France Internationale, Albert Pahimi Padacké répondra qu'il a accepté d'assumer la fonction de chef du gouvernement de transition «parce que la situation du Tchad (qui) se pose, désormais, en terme d'union sacrée des enfants du pays pour sauver leur nation en péril (...) ne permet pas qu'il y ait des calculs politiciens» et exige, à ce titre, « que tous les Tchadiens se mettent au-dessus de toutes les considérations » et œuvrent en faveur de « la paix » et de « la stabilité». Après le décret portant nomination d'Albert Pahimi Padacké en tant que Chef du gouvernement de transition, l'autre décret signé le même jour a conféré à Idriss Youssouf Boy, neveu du défunt Maréchal-Président, la fonction de Secrétaire particulier du Président du Conseil Militaire de Transition. Tout cela est-il suffisant pour calmer l'ardeur des opposants au pouvoir de l'ancien président Idriss Déby Itno, au moins jusqu'à la tenue, au plus tard dans dix-huit mois, d'élections présidentielles « libres et transparentes » ? Attendons, pour voir...