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Le quotient électoral adopté ne contient aucun signe d'inconstitutionnalité
Publié dans Albayane le 31 - 03 - 2021

Yahya Haloui, professeur à la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de l'université Mohammed I-er d'Oujda (UMP)
Le quotient électoral adopté ne contient aucun signe d'inconstitutionnalité et pourrait au contraire réaliser une part importante des principes et objectifs de la Constitution, a affirmé le professeur à la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de l'université Mohammed I-er d'Oujda (UMP), Yahya Haloui.
L'article 60 de la Constitution stipule, dans son premier paragraphe, que: « Le parlement est composé de deux chambres, la chambre des représentants et la chambre des conseillers. Leurs membres tiennent leur mandat de la Nation. Leur droit de vote est personnel et ne peut être délégué », explique M.Haloui dans un article intitulé « les motifs du calcul du quotient électoral sur la base des inscrits », ajoutant que l'article 62 de la Constitution stipule que: « Le nombre des représentants, le régime électoral, les principes du découpage électoral, les conditions d'éligibilité, les cas d'incompatibilités, les règles de limitation du cumul de mandats et l'organisation du contentieux électoral, sont fixés par une loi organique. »
Selon cet dernier dispositif, poursuit-il, la loi organique 27-11 relative à la chambre des représentants, contenant 100 articles, a été votée, conformément à l'article 84, selon lequel: « Dans le cas des élections au niveau des circonscriptions électorales locales, la commission de recensement procède, dans l'ordre de leur réception, au recensement des votes obtenus par chaque liste ou candidat et en proclame les résultats. Les listes de candidature ayant obtenu moins de 6% des suffrages exprimés dans la circonscription électorale concernée ne participent pas à l'opération de répartition des sièges. La répartition des sièges entre les listes s'effectue au moyen du quotient électoral et ensuite aux plus forts restes et ce, en attribuant les sièges restants aux listes ayant obtenu les chiffres les plus proches dudit quotient ».
Il a en outre fait observer que ces paragraphes organisent un certain nombre de dispositifs mais évoquent également le quotient électoral, calculé sur la base des voies valides exprimées divisées par le nombre de sièges dédiés à la circonscription, notant que malgré que la loi organique 20-16 modifie et complète la loi organique 27-11, l'article 84 n'a pas été modifié en matière deu quotient électoral, sachant que la loi organique 21-04 modifiant et complétant la loi organique 27-11 montre que le gouvernement n'a pas touché au quotient électoral.
M. Haloui a également souligné que la modification du quotient électoral a été initié par quelques commissions parlementaires de la chambre des représentants, lorsque le projet de la loi organique 21-04 leur a été présenté dans la commission de l'Intérieur, des collectivités territoriales, de l'habitat et de la politique de la ville, faisant savoir que les groupes de l'opposition ont présenté une modification du troisième paragraphe de l'article 84, selon lequel: « La répartition des sièges entre les listes s'effectue au moyen du quotient électoral et ensuite aux plus forts restes et ce, en attribuant les sièges restants aux listes ayant obtenu les chiffres les plus proches dudit quotient ».
L'universitaire a ajouté que d'autres groupes ont présenté une modification pareille avec une légère différence dans la formulation, notant que la modification des groupes de l'opposition a été votée et confirmée par les deux chambres du parlement dans leur session plénière. Ainsi, le quotient électoral est calculé sur la base de la division du nombre des électeurs inscrits dans la circonscription électorale concernée sur le nombre des sièges consacrés à cette circonscription. Ce dispositif a été fortement critiqué par certains partis politiques et a suscité un grand débat dans les journaux, entre partisan et opposant, souligne M. Haloui, notant qu'il est essentiel d'analyser certains des aspects objectifs de ce changement dans le quotient électoral, de part le fait qu'il n'existe pas de système électoral parfait dans les systèmes juridiques et la loi parlementaire, mais on peut seulement parler de meilleur système selon la Constitution de chaque pays.
« Partant de cet axiome », il serait évident que le quotient électoral qui a été voté ne contient aucun signe d'inconstitutionnalité, au contraire il pourrait contribuer à la réalisation d'une part importante des principes et objectifs de la Constitution, a-t-il estimé.
Les remarques générales sur le quotient électoral peuvent, a-t-il poursuivi, être résumées en cinq points: le premier est qu'il n'y a aucune preuve dans la Constitution de 2011 que le parlement est obligé de voter sur les propositions de lois organiques telles qu'elles ont été déposées pour la première fois à la chambre des représentants, au contraire, la Constitution donne le droit d'amendement aux membres de chaque Chambre du Parlement (article 83).
La deuxième partie du même article (83) permet au gouvernement, après débat, de s'opposer à l'examen de tout amendement qui n'a pas été préalablement présenté à la commission concernée, ce qui indique que le principe de l'amendement doit être présenté à la commission permanente désignée par les parlementaires et que rien ne l'empêche d'être présenté même en séance plénière, à condition qu'il soit accepté par le gouvernement, a-t-il expliqué.
Revenant sur les travaux préparatoires, il s'avère que l'amendement a été exercé comme un droit par les groupes de l'opposition à la commission de l'Intérieur, des collectivités territoriales, de l'habitat et de la politique de la ville et qu'il a été approuvé et voté comme suit: « 29 voix pour, 12 voix contre et aucune abstention », explique l'universitaire, notant que ces groupes ont donc exercé leur droit constitutionnel.
Quant à la deuxième remarque, elle consiste à savoir que si la Constitution marocaine stipule dans l'article 47 (paragraphe 1) que « Le Roi nomme le Chef du Gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la Chambre des Représentants, et au vu de leurs résultats », il n'y a aucune indication que le vote «oui» ou «non» aux propositions de loi reste monopolisé par le parti politique auquel appartient le chef du gouvernement, mais il stipule plutôt que le Parlement vote les loi (article 70), ajoutant que l'article 85 stipule que « les projets et propositions de lois organiques ne sont soumis à la délibération par la Chambre des Représentants qu'à l'issue d'un délai de dix jours après leur dépôt sur le bureau de la Chambre et suivant la même procédure visée à l'article 84. Ils sont définitivement adoptés à la majorité des membres présents de ladite Chambre, alors que l'article 84 stipule que « tout projet ou proposition de loi est examiné successivement par les deux Chambres du Parlement pour parvenir à l'adoption d'un texte identique ».
Il a expliqué qu'en se référant aux procès-verbaux des réunions de la chambre des représentants et de la chambre des conseillers, il apparaît que la première chambre a voté sur le projet de loi organique n° 21-04, qui prévoit la modification et le complètement de la loi organique n° 27-11 relative à la Chambre des représentants du 5 mars 2021 et que son article 84 a été voté, comme suit : 160 voix pour, 104 contre et une abstention ». Le même projet de loi organique a été voté à la Chambre des conseillers le 12 mars 2021 et son article 84 a été voté par une majorité de 83 voix (17 contre et aucune abstention).
La troisième remarque est que le Conseil constitutionnel et la Cour constitutionnelle ont toujours soutenu qu'il n'est pas possible de s'ingérer dans les attributions du législateur, car elles relèvent de son pouvoir discrétionnaire, à moins que ce pouvoir souffre d'une erreur apparente de discrétion, a-t-il dit, précisant que cette question n'est pas propre à la juridiction constitutionnelle marocaine, mais c'est le cas aussi en France.
La quatrième observation, a-t-il ajouté, réside dans le fait que la juridiction constitutionnelle n'a même pas été en mesure de commenter le transfert du législateur de la répartition de la compétence de nomination dans des fonctions supérieures examinée au Conseil de gouvernement et au Conseil ministériel conformément aux articles 49 et 92 de la Constitution, et qui est une répartition partagée en fin de compte entre le Chef de gouvernement et le Roi en tant qu'Institutions, comment peut-il alors commenter l'organisation du même législateur sur le quotient électoral, qui est l'une des prérogatives du système électoral de la Chambre des représentants relevant de l'institution parlementaire.
La cinquième observation, quant à elle, relève le fait que la Cour constitutionnelle qui « nous a habitué, depuis l'investiture de ses membres le 4 avril 2017, à ne pas se contenter d'examiner la constitutionnalité des dispositions soulevées dans la lettre de renvoi à une loi (ordinaire), mais va au-delà « de sa propre initiative » en examinant la constitutionnalité de toute autre disposition de la loi renvoyée. En ce qui concerne le deuxième point relatif aux observations sur le quotient électoral, il est possible que les observations particulières y afférant soient résumées en cinq, à l'instar des observations générales, poursuit M. Haloui.
Le premier constat réside dans le fait que rien dans la Constitution n'indique l'obligation de respecter un quotient électoral spécifique. C'est une volonté accordée au législateur et il est difficile pour un « juge constitutionnel » d'y intervenir pour ne pas être accusé de partialité en cas d'acceptation de l'article 84, de la manière dont le Conseil constitutionnel devrait être décrit lorsqu'il a considéré dans sa Résolution n°11-817 que l'article 84 de la loi organique n°11-27 relative à la Chambre des représentants est identique à la Constitution.
La deuxième observation, pour sa part, considère que si la Cour constitutionnelle avait décrit la Constitution comme: « Sa suprématie et l'unité de ses jugements », alors la Constitution a décidé notamment que: « Le système du parti unique est un système illégal » (article 7 / par. 3), et que les partis politiques: « …. contribuent à exprimer la volonté des électeurs et à participer à l'exercice du pouvoir, sur la base du pluralisme et de l'alternance, par des moyens démocratiques et dans le cadre des institutions constitutionnelles ».
Et le professeur universitaire de poursuivre: « Si nous savons que le parlement avec ses deux chambres est l'une des institutions constitutionnelles, la Constitution a insisté sur le fait que les partis politiques exercent un pouvoir basé sur le pluralisme et l'alternance, et cet objectif ne sera atteint qu'en promulguant des règles législatives qui visent le pluralisme et l'alternance. En plus du fait que le changement du mode de scrutin de temps à autre contribue à réorganiser la carte parlementaire, le quotient électoral basé sur le nombre d'inscrits aidera donc non seulement au pluralisme mais aussi à la diversification en terme d'alternance ».
La troisième observation, quant à elle, est que le quotient électoral, s'il est considéré comme l'un des ressorts du système électoral, alors sa spécification dans la section relative au système électoral de la Chambre des représentants trouve son fondement dans l'article 62, par.2 de la Constitution de 2011, mais le fait de ne pas le spécifier dans cette section rend la législation impuissante et frappée d'un « défaut de compétence négatif », alors qu'elle est censée être claire et ne pas être déduit de certaines dispositions légales, a précisé l'universitaire, poursuivant que le texte qui a été voté semble inclure une définition précise du quotient électoral que ce que dispose la loi organique N° 11-27 relative à la Chambre des représentants lors de son vote et de l'émission de l'ordre pour son application.
S'agissant de la quatrième observation, si la loi N° 9-97 qui est considérée comme le code électoral a identifié comme « électeurs » ceux qui ont le droit d'être informés et de contester lors des référendums, c'est-à-dire ceux qui ont exprimé leur opinion le jour du scrutin, déclare que les électeurs ayant manqué de voter n'ont pas le droit de contester malgré leur inscription sur les listes électorales, a-t-il expliqué, ajoutant que l'article 88, para.1 de la loi organique N° 11-27 relative à la Chambre des représentants qui identifie ceux qui ont le droit de contester l'élection des membres de la Chambre qu'elle mentionne en tant que « électeurs » au lieu de « votants » stipule que « les électeurs et candidats intéressés peuvent contester devant la Cour constitutionnelle les décisions prises par les bureaux de vote, les commissions de recensement relevant des préfectures, des provinces ou des préfectures d'arrondissements et la commission nationale de recensement », s'ensuit alors que si l'article 84, alinéa 3 qui traite du quotient électoral sur la base des inscrits est conforme à l'article 88, alinéa 1, comment peut-on expliquer l'exclusion des personnes inscrites du quotient électoral et les autoriser à contester les résultats des élections. Concernant la cinquième observation, on ne peut pas soutenir, a-t-il expliqué, que l'article 84, alinéa 3, est incompatible avec l'article 79, alinéa 2 de la loi organique N° 11-27 relative à la Chambre des représentants considérant que cette dernière disposition stipule que « les bulletins nuls n'entrent pas en compte dans les résultats du scrutin », pour la simple raison que ce paragraphe a été mentionné au chapitre 7 intitulé « Opérations électorales » (articles 70 à 79), alors que l'article 84 qui traitait du quotient électoral fait partie du chapitre 8 intitulé « Règles d'établissement des procès-verbaux, recensement des votes et proclamation des résultats » (articles 80 à 86).
M. Haloui explique à cet égard que vu la charge fondamentale donnée par la Cour constitutionnelle aux titres des sections des lois à travers sa décision N°245-98 qui déclare que « … ce qui est inclus dans cet article modifiant les titres de chacune des 3ème, 4ème et 5ème section du chapitre 2 de la loi organique N° 29-93 relative à la Cours constitutionnelle vise à l'harmoniser avec le contenu de certains amendements apportés à la Constitution de 1996, en faisant référence dans le titre de la 3ème section à l'article 48 au lieu de 47 de la Constitution, et dans le titre de la 4ème section à l'article 53 au lieu de 52 de la Constitution, et en remplaçant l'expression « membres du parlement » par « membres de la Chambre des représentants » dans le titre de la 5ème section; Et puisque les amendements revêtent, d'une part, le caractère d'une loi organique étroitement liée à des dispositions de nature similaire, sans qu'ils soient, par ailleurs, en contradiction avec la Constitution ». Il en résulte que l'article 79, alinéa 2 est incompatible avec la section qui s'y rapporte, et l'article 84, alinéa 2 est en harmonie avec sa section, ce qui indique que l'article 79, alinéa 2 est celui décrit comme incompatible avec l'article 84, alinéa 2.
Et de conclure que si l'on sait que la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême a déclaré dans sa première décision qu'il serait impossible de se prononcer sur les dispositions générales dans un chapitre autre que la section qui le concerne déclarant que « le Chapitre … qui comprend les dispositions générales relatives aux lois organisationnelles et aux lois ordinaires sont incluses dans le chapitre 9, bien que ce chapitre du droit interne se rapporte aux lois de finances », et que la Cour constitutionnelle avait déjà mis en garde le législateur marocain sur l'incompatibilité des articles 4 et 5 de la loi organique N° 93-29 avec l'article 9 de la même loi organique tout en considérant la constitutionnalité de la loi organique N° 98-8 modifiant et complétant la loi organique N° 93- 29 relative à la Cours constitutionnelle, alors celle-ci peut suffire en attirant l'attention du législateur sur la suppression de l'article 79, alinéa 2 de la loi organique N° 11-27 relative à la Chambre des représentants, eu égard à sa décision de vérifier la conformité de la loi organique N° 21-04 pour modifier et compléter la loi organique N° 11-27 relative à la Chambre des représentants.


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