Le musée Yves Saint Laurent rend hommage à Bert Flint, un collectionneur passionné et défenseur des aspects variés du riche patrimoine qui définit le Maroc, en lui dédiant une exposition qui se poursuit jusqu'au 30 mai prochain. Cette exposition dessine un portrait de Bert Flint, celui d'un regardeur qui, par sa proximité avec les différentes cultures marocaines et subsahariennes, a su mesurer leur caractère paradigmatique. Elle regroupe des œuvres de sa collection personnelle qui ont été sélectionnées avec et par lui. Selon la commissaire de cette exposition, Mouna Mekouar, tous ces objets exposés témoignent du regard de Bert Flint sur la diversité et la richesse des traditions berbères qui se sont épanouies de l'Atlas à l'Anti-Atlas et du Sahara au Sahel. Pensée comme un vaste poème visuel, l'exposition suit la démarche de Bert Flint, en privilégiant un langage formel. Vanneries, poteries, parures, amulettes, textiles et maroquineries dessinent, ensemble, un paysage emblématique de sa pensée et de son regard sur ces territoires. Ainsi assemblés, ces objets nous invitent à repenser notre approche des productions artistiques de ces différentes régions. Comme un voyage imaginaire, l'exposition traverse les territoires et les sites allant de Marrakech à Tafilalet jusqu'aux régions subsahariennes. Chaque étape du parcours est en lien avec une région qui, porteuse de son histoire, enrichit et transforme les autres régions au contact de populations nomades ou semi-nomades. Chaque objet exposé est témoin et indice de pratiques culturelles partagées et atteste de la présence d'un socle culturel commun. Avec cette mosaïque qui se développe de part et d'autre, du Maroc au Sahel, il s'agit de penser tous ces mondes comme une seule entité culturelle et artistique. Les œuvres parlent aussi les unes des autres, nous renvoyant une certaine image de cette géographie artistique. Par ces jeux de rapprochements et de renvois, l'exposition porte une nouvelle attention à ces cultures et tente de rendre manifestes les apports mutuels de tous ces décors et motifs. Cette exposition se fait l'écho des territoires que Bert Flint a traversés et des cultures qu'il aime. Né en 1931 aux Pays-Bas, Bert Flint a fait ses études universitaires en langue et littérature espagnoles dans son pays. C'est une visite à l'Alhambra de Grenade qui éveilla son intérêt pour l'histoire de l'Espagne musulmane et pour la civilisation d'al-Andalus. Lors de son premier voyage au Maroc en 1954, il a découvert que l'architecture et la décoration de nombreuses demeures privées d'anciennes villes du Maroc se rattachaient à la même tradition artistique que celle ayant inspiré l'Alhambra. Il a été émerveillé de voir que les habitants de ces demeures menaient une vie guidée par la quête quotidienne de la beauté et de l'élégance dans le geste. La tradition andalouse, telle que vécue au Maroc, s'est révélée à lui comme un modèle de vie et c'est pour s'initier aux différents aspects de cette tradition citadine si accomplie qu'il a décidé de s'installer à Marrakech en 1957. Les manifestations visuelles et musicales du monde rural marocain ont progressivement retenu son attention. Bert Flint a enseigné à l'Ecole des Beaux-arts de Casablanca de 1965 à 1968 où moment où il s'agissait de remettre en question les méthodes d'enseignement utilisées en Europe en attribuant une valeur artistique aux arts traditionnels du Maroc. Ses propres recherches l'avaient poussé à reconnaitre dans les manifestations de la culture rurale un témoignage de l'expérience du temps et de l'espace dépendant des modes de vie (nomade ou sédentaire) et de production (élevage ou agriculture). En 1981, Bert Flint a décidé de quitter l'enseignement pour développer sa propre créativité. Il a notamment cherché à donner une expression contemporaine à des modèles de vêtements réalisés avec des tissages traditionnels marocains. En1990, il a participé à la création du Musée Municipal du Patrimoine Amazigh d'Agadir où une grande partie de sa collection d'objets a été exposée jusqu'en 2000. Dans sa maison à Marrakech, devenue le Musée Tiskiwin depuis 1989, il a organisé ses collections afin de démontrer que les populations réparties du Sud du Maroc au Sahel font partie d'une même communauté culturelle, partageant des milieux naturels similaires et des traditions communes. Ses collections d'objets néolithiques et les voyages qu'il a effectués du Maroc au Niger ont renforcé sa conviction que le Maroc est intimement lié depuis la préhistoire au monde subsaharien.