Les négociateurs britanniques et européens entament dimanche une bataille de deux jours, peut-être la dernière, pour conclure enfin un accord commercial post-Brexit et éviter un «no deal» en fin d'année aux lourdes conséquences économiques. Le négociateur européen Michel Barnier et son homologue britannique David Frost se retrouvent à Bruxelles pour reprendre le fil des discussions là où ils les avaient interrompues vendredi, incapables alors d'atteindre un compromis après une semaine à Londres. «Nous verrons si nous pouvons avancer», a dit M. Barnier, dans un tweet qui traduit une certaine prudence sur la reprise des pourparlers. Ce «nouvel effort» a été décidé samedi soir au plus haut niveau par le Premier ministre britannique Boris Johnson et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Les deux responsables feront un nouveau point lundi dans la soirée, sous la pression toujours plus forte du calendrier, puisqu'un éventuel accord commercial devra encore être ratifié par les parlements britannique et européen avant d'entrer en vigueur le 1er janvier. L'Allemagne, qui occupe actuellement la présidence de l'UE, a salué la poursuite des discussions, rappelant qu'elle n'accepterait pas un accord «à n'importe quel prix». Un engagement destiné à rassurer les Européens, au moment où des tensions sont apparues cette semaine entre les Vingt-Sept, certains craignant que l'UE, poussée par Berlin, n'accorde des concessions trop importantes pour éviter un «no deal». «Le pari britannique d'une division de l'Union a échoué», a cependant affirmé le secrétaire d'Etat français aux Affaire européennes, Clément Beaune, dans une interview au Journal du Dimanche. La chancelière allemande, Angela Merkel, «souhaite un accord mais défend aussi notre niveau d'exigence et connaît suffisamment bien le marché européen pour deviner comment l'économie allemande pâtirait d'un mauvais accord», a-t-il expliqué. Il a aussi répété qu'en cas d'accord «non conforme» aux intérêts de la France, en particulier pour ses pêcheurs, Paris pourrait y mettre son «veto». L'accès des pêcheurs européens aux eaux britanniques, un sujet hypersensible pour certains Etats membres, fait partie de trois points qui bloquent les discussions depuis mars, avec la façon de régler les différends et les garanties en matière de concurrence exigées par les Européens en échange d'un accès britannique sans quota ni tarif à leur grand marché. Alors que les Européens disaient vouloir aboutir ce week-end, cette nouvelle séquence de 48 heures ne sera peut-être pas la dernière, tant la saga du Brexit a été riche en rebondissements. Quel que le soit le résultat lundi soir, la future relation avec Londres devrait de toute façon être l'un des sujets chauds du sommet européen jeudi et vendredi à Bruxelles. Depuis le départ officiel du Royaume-Uni, le 31 janvier dernier, Londres continue d'appliquer les règles européennes. Ce n'est qu'à la fin de cette période de transition, le 31 décembre, qu'interviendront sa sortie du marché unique et de l'union douanière. Faute d'accord, les échanges entre Londres et l'UE se feront dès le 1er janvier selon les seules règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), synonymes de droits de douane ou de quotas, faisant courir le risque d'un nouveau choc économique en plus de celui lié à la pandémie de coronavirus. Ajoutant encore à la tension des négociations et à la méfiance des Européens envers Londres, un texte très controversé fait son retour lundi devant les députés britanniques: le projet de loi sur le marché intérieur. Malgré la fureur de Bruxelles, le gouvernement Johnson va réintroduire ses dispositions jugées problématiques par l'UE – expurgées par la chambre haute du Parlement – qui lui réservent la possibilité de passer outre certaines dispositions du traité de divorce conclu il y a tout juste un an. Londres assure qu'il s'agit d'un «filet de sécurité», qui n'aurait plus lieu d'être en cas d'accord.