Nabil El Bousaadi Confrontés à une crise économique sans précédent accentuée par la crise sanitaire mondiale, les maliens étaient descendus dans la rue, à partir du 5 Juin dernier, pour réclamer le départ du président Ibrahim Boubakar Keita pour son incapacité à les sortir du «bourbier» où ils ont été plongés mais, également, pour les multiples scandales de corruption qui entachent sa gestion et qui ont trait, notamment et pour les plus en vue, à la fourniture d'engrais aux petits agriculteurs ou encore au train de vie ostentatoire de l'élite dirigeante. Autant d'évènements qui poussèrent le 19 Août dernier, un groupe de hauts gradés de l'armée regroupés au sein du Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP), à arrêter le président et à le pousser, le soir-même, à se dessaisir du pouvoir en leur remettant sa lettre de démission et en «confiant» ainsi la gestion de l'Etat audit Comité qui, de son côté, s'est engagé à la remettre aux civils, dans les meilleurs délais possibles. Dans une allocution télévisée, le colonel-major Ismaël Wagué, porte-parole dudit Comité, annoncera que les «forces patriotiques » regroupées au sein du CNSP ont «décidé de prendre leurs responsabilités devant le peuple et devant l'histoire (car) le Mali sombre, de jour en jour, dans le chaos, l'anarchie et l'insécurité par la faute des hommes chargés de sa destinée». Il ajoutera «Nous ne tenons pas au pouvoir mais nous tenons à la stabilité du pays qui nous permettra d'organiser, dans des délais raisonnables, des élections générales pour permettre au Mali de se doter d'institutions fortes». Le lendemain, vendredi, et pour manifester leur joie, ce sont des milliers de manifestants qui, en arborant des drapeaux aux couleurs du Mali, ont convergé, au son de cet instrument traditionnel qu'est le «vuvuzelas», vers la place de l'Indépendance au centre de Bamako qui est l'épicentre, depuis deux mois, de la contestation au pouvoir d'Ibrahim Boubakar Keita. Mais si les maliens, dans leur grande majorité, semblent ravis de la tournure prise par les évènements – et c'est le moins que l'on puisse dire au vu des manifestations de joie et d'allégresse avec lesquelles elles ont accueilli la chute de leur président – les autres ne le sont pas. De quels autres s'agit-il ? Tout d'abord, la Communauté Economique des Etat d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) puis l'Union Africaine, puis l'Union européenne, puis ces gendarmes du monde que sont les Etats-Unis qui sont là pour mettre leur nez partout, puis Paris et même l'Algérie. En somme, toute la communauté internationale dès lors que les coups d'Etat ne seraient plus admis quand ils émanent de l'intérieur et n'auraient de valeur que lorsqu'ils sont soutenus, pour ne pas dire fomentés, par des puissances étrangères. N'oublions pas, au passage, que ce ne sont ni le peuple irakien ni le peuple libyen qui ont appelé à l'éviction de Saddam Hussein ou du Colonel Maâmar Kadhafi mais, bel et bien, les dirigeants d'autres Etats ; intérêts stratégiques et géopolitique obligent! Pour rappel, après avoir tenté plusieurs médiations pour dénouer la crise malienne, la CEDEAO avait fait de l'éviction du président une «ligne rouge» à ne pas franchir. Aussi, dès l'annonce de la «démission» forcée du président malien, cette dernière a immédiatement condamné le coup d'Etat et réclamé son «rétablissement en tant que président de la République». Le CNSP, désormais au pouvoir au Mali, va-t-il se plier aux injonctions émanant de la CEDEAO, de l'Union Africaine, de l'Union Européenne ou d'ailleurs au moment où les maliens semblent lui avoir manifesté leur plein soutien ? Attendons pour voir...