«Le départ du président est hors de propos. La seule proposition pour aller de l'avant, c'est un gouvernement d'union nationale qui est attendu par tout le monde (...) Le président a dit, de façon très claire, qu'il souhaitait que des personnalités du M5-RFP [Mouvement du 5 Juin rassemblant divers mouvements politiques et associations de la société civile] viennent participer à l'œuvre du redressement et de la reconstruction». Tels furent les propos de Blaise Sangaré, le conseiller spécial du président malien Ibrahim Boubakar Keïta, après deux mois de contestation populaire et notamment après l'importante manifestation de ce vendredi durant laquelle plusieurs milliers de maliens ont investi les rues de Bamako, la capitale du pays, pour réclamer le départ du président. Cette manifestation qui a fait suite à celles qui les 5 et 19 juin dernier au cours desquelles les maliens ont réclamé, avec insistance, une coupure radicale avec le système politique qui les dirige, a eu lieu à l'appel du M5-RFP qui est une coalition hétéroclite rassemblant des politiques, des militants anti-corruption, des personnalités issues de la société civile et des religieux et ayant à sa tête Mahmoud Dicko, 66 ans, un imam rigoriste ancien allié d'IBK devenu l'un de ses plus fervents critiques. Canalisant l'exaspération nourrie par la mort de milliers de personnes lors des violences communautaires et des attaques jihadistes, par le marasme économique, par la crise des services publics et encore par la corruption qui gangrène le pays, le charismatique prêcheur a su fédérer la contestation contre le président Ibrahim Babakar Keita. Interrogé par RFI, en juin dernier, Mahmoud Dicko a évoqué un sérieux «malaise dans le pays, une mauvaise gouvernance (...) et une corruption à ciel ouvert». Issu d'une famille de notables de Tombouctou et ancien président du Haut Conseil Islamique (HCI), Mahmoud Diko qui incarne un courant rigoriste wahhabite s'était fait connaître des maliens en 2009 lorsqu'en s'opposant violemment à l'adoption d'un nouveau code de la famille soucieux de moderniser les usages matrimoniaux et successoraux dans le pays, il avait contraint le gouvernement d'alors à adopter un texte beaucoup moins «ambitieux» que prévu sur les droits des femmes puis, plus récemment, en faisant censurer un manuel scolaire d'éducation sexuelle qui abordait l'homosexualité. Sa profonde connaissance de l'Islam est, également, un atout dans la mesure où elle lui permet de s'ériger en interlocuteur privilégié avec les jihadistes mais aussi de jouir de la confiance des élites maliennes. Aussi, obtiendra-t-il, en 2019, le renvoi du Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga partisan d'une ligne dure accusé d'avoir contribué à l'aggravation de la crise sécuritaire au centre du Mali. Si donc dans son mémorandum en date du 30 juin rédigé avant la rencontre du 5 juillet avec le président, le M5-RFP appelait à la dissolution du Parlement et à la formation d'un gouvernement de transition dont lui-même désignera le Premier ministre, aujourd'hui, ce mouvement «réaffirme plus que jamais sa détermination à obtenir par les voies légales et légitimes la démission pure et simple » du président auquel il reproche de «faire la sourde-oreille» aux doléances des maliens, de les ignorer «royalement» et qu'il rend responsable du recul de la croissance économique et de la persistance de l'insécurité face aux attaques des jihadistes. Est-ce à dire que dans les semaines ou, tout au plus, dans les mois à venir, Ibrahim Babakar Keïta va finir par être écarté du pouvoir par Mahmoud Dicko, son ancien allié ? Attendons pour voir...