Le seul café « européen » est cultivé aux Iles Canaries. Comme si c'était un miracle, le territoire insulaire où sont cultivées les délicieuses bananes qui portent le nom de l'archipel, abrite encore la tradition de la culture d'un café d'une qualité extrême, très sollicité aux Iles et ailleurs. Bénéficiant de nombreuses ressources naturelles et de plages paradisiaques, les Iles Canaries sont connues pour la production d'un café spécial qui est le résultat d'une adaptation exceptionnelle au climat et aux terres de l'archipel qui ne sont pas précisément propices à la culture des grains. Les premiers plants de caféiers ont dû arriver aux îles au 18ème siècle à l'initiative des conseillers du roi Carlos III d'Espagne, soucieux de créer de nouvelles sources de richesse en cultivant des espèces susceptibles d'être exploitées industriellement. Suivant l'avis de son comité de sages, le roi Carlos III émit le 17 août 1788 un ordre royal pour la culture à Tenerife d' »une ou plusieurs plantations pour semer et planter des graines et des plantes d'Amérique et d'Asie, puisque les essais effectués dans les jardins royaux d'Aranjuez et de Madrid n'ayant pas eu le succès escompté, en raison des rigueurs de l'hiver ». C'est dans ce but qu'a été créé le Jardin Botanique de la Orotava à Tenerife qui a dû jouer un rôle fondamental dans la diffusion de nouvelles plantes exotiques dans l'ensemble des îles canariennes. Par conséquent, les premiers plants de café ont été introduits à l'Ile de Grande Canarie au cours du 19ème siècle en provenance précisément de Tenerife. Bien que le caféier ait été cultivé dans des fermes situées près de la côte, la meilleure qualité et la plus grande production sont obtenues dans la zone la plus élevée, dans la région appelée la Vallée de Agaete, située dans la partie Nord-Ouest de Grande Canarie. Dans cette zone, les plants de café profitent de l'ombre permanente en côtoyant des exploitations fruitières telles que les orangers, les goyaviers, les manguiers ou les bananiers. Une fois la récolte effectuée, les exploitants procèdent à l'enlèvement de la « parche », la peau qui enveloppe le grain de café, qui constitue un élément essentiel pour la germination. Après le nettoyage de la graine, l'opération de la torréfaction du café est lancée. Il s'agit-là d'un art à part entière consistant à griller les grains selon une méthode définie et bien précise permettant de libérer tous les arômes du café. « La culture du café aux Iles Canaries et plus particulièrement à Agaete est presque un miracle. La Grande Canarie est située au nord de la ceinture dite du café, la fameuse bande entre les tropiques du Cancer et du Capricorne », confie à la MAP Victor Lugo, président de l'Association agricole d'Agaete (AgroAgaete), chargée de la conservation de la culture du café à la vallée. « Le type de café produit à Grande Canarie, arabica, a besoin de climats froids et tropicaux. Toutefois, dans cette vallée, dont le sol est volcanique, les précipitations sont rares et la température enregistrée tout au long de l'année oscille entre 20 et 23 C° », explique M. Lugo, précisant que les exploitations du café sont situées à une faible altitude, environ 150 mètres, alors que l'Arabica ne pousse qu'en altitude entre 800m et 2.000m, ce qui constitue «un miracle». Certains experts ont classé le café d'Agaete dans le groupe restreint des cafés exotiques, ceux qui sont produits dans des îles, en quantités rares et à des coûts élevés (80 euros/kilo), a-t-il ajouté, précisant que pour obtenir un kilo d'Arabica torréfié et moulu on a besoin de sept kilos de cerises de café. Malgré les efforts des exploitants et le soutien des autorités, notamment en termes de promotion et de commercialisation, la production annuelle d'Agaete ne dépasse pas 10.000 kilos, a dit M. Lugo, faisant observer que le café canarien est sollicité partout dans le monde, notamment dans les pays scandinaves. Adaptée depuis plus de 150 ans au climat local, chaud et humide, la culture du café aux Iles Canaries s'invite avec force pour faire concurrence aux meilleurs cafés du monde.