Après trois mois de fermeture consécutive à l'état d'urgence sanitaire, imposé dans le cadre de la lutte contre le Covid19, les professionnels du secteur d'artisanat à Fès ont repris lentement leurs activités, animés par l'espoir d'une reprise rapide. Dans la médina de la cité Idrisside, pôle majeur des métiers d'artisanat, le redémarrage semble poussif après des semaines difficiles d'arrêt des activités. Mais les artisans ne baissent pas les bras pour autant, fondant de grands espoirs sur les incitations des autorités et sur le consommateur marocain pour sortir le secteur de sa léthargie. Adil El Haddadi, qui a passé sa vie à fabriquer des fusils traditionnels utilisés dans la ‘'fantasia'', ne cache pas la gravité du coup porté à ce métier ancestral. ‘'Au moment où nous nous préparions pour la saison de Tbourida et les festivals, dont celui d'El Jadida, le Coronavirus nous a surpris, nous obligeant à arrêter complètement nos activités », confie-t-il à la MAP. Tout comme ses collègues, Adil, qui n'a pas d'autres sources de revenu, fonde son espoir sur une intervention des autorités de tutelle pour insuffler une bouffée d'oxygène aux activités d'artisanat. Mme Saida Bennis, propriétaire d'une boutique de caftans dans l'ancienne médina, semble elle ravie de rouvrir son commerce qui attirait de nombreuses femmes passionnées par cet habit marocain authentique. ‘'La pandémie du Covid-19 a coïncidé avec le pic de notre activité qui s'est trouvée complètement à l'arrêt'', dit-elle, promettant à ses clientes de nouveaux styles créatifs. Elle saisit l'occasion pour appeler le consommateur marocain à redécouvrir et à encourager l'artisanat local, tout en insistant sur l'importance de respecter la distanciation sociale et les mesures préventives pour se protéger contre le virus. Pour Ahmed Bouchaala, cordonnier et maitre-artisan de la fameuse ‘'Babouche Ziwania'', les produits d'artisanat dépendent beaucoup des événements sociaux durant la saison estivale et de l'afflux des touristes, faisant remarquer que ‘'malheureusement, la reprise normale de l'activité coïncidera avec la fin de la saison''. Il estime, lui aussi, que l'espoir réside principalement dans l'engouement du citoyen marocain non seulement pour l'artisanat mais aussi pour les autres produits locaux, insistant à cet effet sur la nécessité d'un appui, à travers des prêts sans intérêt et des incitations financières, pour permettre à ce secteur pourvoyeur de dizaines de milliers d'emplois de se remettre sur les rails. Nabil El Idrissi El Azami, qui pratique le tissage, un métier hérité de ses parents et grands-parents, indique que les dégâts de la pandémie sont ‘'importants sur les plans matériel et moral'', soulignant qu'il est difficile de retrouver l'enthousiasme du travail, notamment avec l'épuisement des économies qui permettaient d'acquérir les matières premières et de relancer l'activité. ‘'Nous devons faire face à l'accumulation des loyers et des factures'', a-t-il ajouté, appelant les citoyens et les autorités à encourager davantage un secteur lié à l'identité du pays à retrouver sa dynamique habituelle. ‘'Nous assistons à un redémarrage en dents de scie, en raison du contexte particulier de la pandémie du Covid19'', a admis, de son côté, le président de la chambre d'artisanat de la région de Fès-Meknès, Abdelmalek Bouteyine, notant que l'artisanat est l'un des secteurs les plus impactés. Un travail de concertation et de coordination a été amorcé avec les associations d'artisanat en vue d'amorcer un nouveau démarrage qui renforcera la position du produit marocain aux niveaux national et international, a-t-il poursuivi, rappelant qu'il s'agit d'un secteur qui emploie plus de 2,5 millions d'artisans au niveau national. Pour M. Bouteyine, le pari consiste à tirer profit de la crise pour booster le secteur de manière durable, à travers de nouveaux mécanismes axés principalement sur le marketing digital et la structuration du secteur.