En collaboration avec l'Association ADEP Par Hatim Boumhaoud* N'ayant pu prendre les derniers avions à destination du Maroc, des milliers de Marocains sont en errance à l'étranger, notamment en France où l'urgence sanitaire causée par l'endémie de coronavirus a obligé les autorités à suspendre les liaisons aériennes depuis le 14 mars 2020, et ce jusqu'à nouvel ordre. Il n'y a pas d'autres mots pour raconter leur quotidien durant cette conjoncture inhabituelle de pandémie. Le moins que l'on puisse dire est que la situation de nos concitoyens bloqués à l'étranger devient labyrinthique, tant sur le plan humain que sanitaire et financier. En attendant une solution, les Marocains coincés s'entraident et s'arment de patience et de solidarité avec leurs compatriotes résidents en France. «J'ai besoin de rentrer au Maroc, j'ai laissé mon travail et mes parents malades. J'ai beaucoup maigri, je suis sous antidépresseurs et somnifères de puis 8 semaines… ! Sinon, je veux bien un colis alimentaire, merci» C'est par ces mots qu'Aïda, salariée du secteur privé à Marrakech, me raconta son calvaire à Nancy. Pour cette Marocaine originaire de Casablanca, tout a basculé depuis la mi-mars. Arrivée à Nancy pour quelques jours de vacances, elle n'arrive plus à rentrer chez elle depuis la proclamation de l'état d'urgence sanitaire et la suspension des vols aériens. Elle est actuellement hébergée gratuitement chez une famille française qui prend bien soin d'elle, mais jusqu'à quand ! Elle attend quotidiennement l'appel de ses parents le soir pour la réconforter. Cependant, elle s'estime chanceuse car d'autres Marocains ont toujours des problèmes d'hébergement, de nourriture, d'argent et de médicaments. Reste la question de la subsistance de nos concitoyens qui sont contraints à vivre une situation précaire, notamment ceux qui n'ont plus d'hébergement ou d'argent.Nous avons été contactés par Ikram, étudiante à la faculté des sciences de Nancy dont la maman est venue rendre visite avant d'être coincée jusqu'à nouvel ordre. Sa mère est diabétique et n'a plus les moyens pour acheter ses médicaments, puisqu'elle ne pensait pas que son séjour allait durer plus longtemps à Nancy, que son traitement coûte très cher en France et qu'elle ne bénéficie pas d'une couverture sociale en pays de Gaule. Ikram s'estime quand même heureuse d'avoir pu loger sa maman. Quant à Mohamed, le stagiaire venu de Meknès, il est dans la situation la plus délicate. Un jeune étudiant en Master qui comptait passer un mois de stage dans une entreprise à Nancy puis retourner au Maroc pour poursuivre son dernier semestre d'études ; il s'est retrouvé à la belle étoile étant donné qu'il n'a plus d'argent pour payer son logement vu le niveau de vie nancéen qui est très lourd. Pour le moment, il bénéficie hebdomadairement de colis alimentaires et il est hébergé illégalement dans une résidence universitaire par un de ses amis qui va bientôt céder sa chambre. Vu ces circonstances, une équipe composée de Rahim et Hatim, membres de la section PPS de Nancy et responsables au sein de l'ADEP, ainsi que d'autres jeunes dynamiques comme Naouel, Fatima, Imad… qui sont également responsables dans l'Association ADEP portent leur soutien au quotidien aux personnes se trouvant dans des situations difficiles en général, et aux Marocains coincés dans le Grand Est de la France en particulier. Chaque jour, nous intervenons pour sauver ce que nous pouvons sauver ! Nous sommes sollicités par la société civile, par le consulat marocain de Strasbourg et par notre entourage pour s'occuper des personnes qui sont dans le besoin. Nous intervenons également pour les cas déclarés dans les réseaux sociaux, notamment le «Groupe d'Entraide Grand Est Covid» sur Facebook où une vingtaine de cas sont déclarés et pris en charge chaque jour. Ainsi, des colis alimentaires, repas de rupture de jeûne, masques et médicaments ont été distribués, des hébergements ont été assurés et un contact quotidien avec le consulat de Strasbourg est maintenu pour prendre en charge nos compatriotes, et ce quelle que soit leur situation. Nous assurons également un accompagnement administratif et un suivi psychologique pour soutenir les personnes vulnérables ainsi que les marocains bloqués dans l'Est de la France. Nous comptons prochainement recenser les Marocains les plus vulnérables pour accélérer leur rapatriement à leur pays natal à l'aide du consulat marocain du Grand Est. Concernant leurs contacts avec les autorités marocaines, nos concitoyens rappellent avoir pu pourtant échanger de temps en temps avec le consulat du Maroc à Strasbourg.Mais ce qui rend ces Marocains stressés voire déçus, c'est que des vols censés être maintenus en mois de mai sont annulés. Certains, dont Aïda, regrettent d'avoir acheté une ou deux fois des billets d'avion finalement annulés. S'ajoute à cela une réelle torture psychologique liée au fait qu'ils ne savent pas quand est-ce que qu'ils pourront rentrer au Maroc…leur patience s'épuise ! Elle attendant une solution et un rapatriement à leur pays d'origine via des vols spéciaux affrétés, nos compatriotes –dont certains sont dans des situations dramatiques– se nourrissent l'espoir de voir le ministre des affaires étrangères marocain annoncer que le Maroc procédera au rapatriement de ses ressortissants bloqués à l'étranger. À l'heure actuelle, Nancy, la ville calme et charmante, est devenue une prison à ciel ouvert pour nos concitoyens épuisés physiquement, moralement et financièrement, loin de leurs foyers et familles. *(membre de la section PPS de Nancy et secrétaire général adjoint de l'ADEP)