Est-ce aller trop vite en besogne que d'affirmer que la pandémie du coronavirus pourrait ramener la paix dans une des régions les plus «explosives» du monde ? Pas du tout car, dès son apparition dans la région, le Covid-19 a poussé plusieurs pays et entités ennemis à mettre leur hostilité de côté. Etant occupée à enrayer la propagation sur son territoire d'un virus qui aurait officiellement infecté plus de 6.300 personnes et tué 83, l'Arabie Saoudite a décrété la semaine dernière et à la surprise générale, un cessez-le-feu de quinze jours dans le conflit qui l'oppose depuis cinq années aux rebelles yéménites houtis soutenus par les mollahs iraniens. Et même si, pour Gilles Gauthier, l'ancien ambassadeur de France au Yémen, la décision prise par Ryad entrerait dans le cadre de sa «volonté de s'extirper d'un conflit impopulaire» sans, toutefois, «perdre la face» et que la crise du coronavirus lui en a donné l'occasion, l'important reste le résultat sur le terrain ; à savoir un arrêt des combats. Et ceux-ci se sont bel et bien arrêtés et ont de très fortes chances de ne pas reprendre. Non loin de là, les Emirats Arabes Unis qui n'ont quitté, qu'en Juillet 2019, ce bourbier yéménite dans lequel ils étaient opposés aux insurgés Houtis soutenus par Téhéran et qui doivent faire face aujourd'hui, au même titre que tous les pays du monde, à la pandémie du coronavirus qui aurait infecté plus de 5.300 citoyens émiratis et provoqué 33 décès, auraient volé au secours de l'Iran qui, avec plus de 77.995 infections et plus de 4800 morts, reste, à ce jour, le pays le plus touché par le Covid-19 dans la région. Les Emirats Arabes Unis ont, en effet, envoyé, le 16 mars dernier à Téhéran, deux avions contenant 32 tonnes de matériel de protection (masques, gants et combinaisons) après avoir dépêché, dès le début de la pandémie auprès de la République islamique iranienne, cinq experts médicaux et lui avoir transmis 7,5 tonnes d'aide alimentaire. Inattendu mais bien accueilli par la communauté internationale dès lors qu'il va dans le sens de la paix, ce comportement poussera un diplomate du Golfe à affirmer, le front bien haut, que «l'humanitaire fait partie de l'ADN des Emirats (…) et que la stabilité et la prospérité des pays voisins sont très importantes à leurs yeux». Le réchauffement diplomatique généré par la pandémie du coronavirus n'est pas spécifique aux pays du Golfe puisque le Proche-Orient n'est pas en reste. Ainsi, si le fameux «plan de paix» que Donald Trump avait dévoilé en Janvier dernier avait scellé un énième désaccord entre Tel Aviv et l'Autorité palestinienne et poussé Mahmoud Abbas à menacer de rompre, une fois pour toutes, la coopération sécuritaire qu'entretenaient les deux entités, voilà que l'urgence due à l'émergence du Covid-19 qui, de l'avis d'Ely Karmon, chercheur en problématique stratégique et en contre-terrorisme au centre interdisciplinaire de Herzliyav (Israël), est une question à la fois sanitaire et sécuritaire, est venue contraindre les protagonistes à collaborer sur le plan sanitaire. Si les infrastructures sanitaires de l'Autorité palestinienne sont beaucoup plus faibles que celles de l'Etat juif, il ne faut pas oublier que malgré le «fameux mur en béton» qui les sépare, leurs deux populations sont à bord de la même embarcation. Considérant, ainsi, que les israéliens n'ont aucune chance d'échapper à une contamination au Covid-19 si les palestiniens venaient à en être victimes, le président israélien Reuven Rivlin, a appelé, le 18 mars dernier, son homologue palestinien Mahmoud Abbas pour lui assurer que leur coopération était «vitale pour assurer la santé» des deux peuples. Aussi, à la suite de cette communication et pour enrayer la propagation du virus, Tel Aviv et Ramallah ont mis en place un mécanisme spécial de communication et des médecins palestiniens ont même pu accéder à des hôpitaux israéliens pour y bénéficier de formations en matière de lutte contre le nouveau coronavirus qui hante la planète. Un autre fait tout aussi surprenant est que l'apparition du Coronavirus dans la bande de Gaza a permis une relance des pourparlers entre Hamas et Israël pour la conclusion d'une trêve de longue durée ainsi qu'un allègement du blocus israélo-égyptien. Considérant, enfin, que le résultat final d'un match importe beaucoup plus que la manière avec laquelle les deux équipes ont joué la partie, peu importe le catalyseur si le résultat est la paix même si ce dernier a pour nom «pandémie» car tôt ou tard, cette dernière sera contrainte de s'en aller. Si elle laisse sa place à la paix, çà sera parfait alors attendons pour voir…