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Banque d'affaires: Les russes de Renaissance Capital tâtent le terrain
Publié dans Albayane le 27 - 01 - 2020

L'opération séduction organisée par la banque d'affaires russe à Marrakech la semaine dernière n'a pas manqué de rassembler certains grands noms du monde des affaires marocain, même si on aurait pu s'attendre davantage de grandes signatures. Objectif de cette première au Maroc : mettre en avant les success stories marocaines mais aussi égyptiennes, puisque la banque a un bureau au Caire, afin d'inciter les investisseurs internationaux à prendre part au développement de ces entreprises. C'est aussi une manière pour Renaissance Capital de reprendre son élan en Afrique du Nord, et en Afrique tout court, sérieusement freinée par la crise de 2008.
«La prochaine grande étape pour nous est de participer à une des IPO au Maroc, soit en représentant le gouvernement lors d'une privatisation, soit en représentant une famille ou un groupe d'investisseurs qui gère une compagnie privée. Nous avons ces discussions aujourd'hui et j'espère pouvoir faire des annonces en 2020!», déclare Christophe Charlier, président du conseil d'administration de Renaissance Capital depuis 2017. Voilà, le ton est donné. Renaissance Capital a bel et bien l'intention de prendre sa part du gâteau du marché des banque d'affaires au Maroc.
Et à cet effet, la banque russe a mis les petits plats dans les grands pour accueillir la 20aine d'entreprises du Maroc et d'Egypte et les 18 fonds d'investissement internationaux en provenance de l'île Maurice, de Singapour, d'Afrique du Sud, de Suède, de Suisse, des Emirats Arabes Unis, du Royaume-Uni et des Etats-Unis et dont les actifs sous gestion cumulés excèdent 2.000 milliards de dollars.
M&A, IPO, Privatisation, Brocker pour les investissements internationaux… le spectre d'activité est large pour la banque russe.
Sur le fil du rasoir…
Créé en 1995 en Russie par le Néo-Zélandais Stephens Jennings, Renaissance Capital estune banque d'investissement axée sur les marchés émergents et frontaliers. La société a des bureaux à Moscou, Londres, New York, Lagos, Harare, Accra, Lusaka Nairobi, Johannesburg, Le Cap, Dubaï, au Caire et à Nicosie.
Présente sur le continent africain depuis 2007 au Nigeria, Kenya, Afrique du Sud…, celle-ci a rencontré de sérieux revers après la crise financière de 2008.
C'est l'intervention fin 2008 de l'oligarque russe Mikhaïl Prokhorov (cf encadré), qui a injecté 500 millions de dollars dans Renaissance, qui lui a permis d'éviter la banqueroute. En Afrique, ce séisme avait mis le holà au développement tonitruant du groupe démarré un an plus tôt. Inconnue du monde des affaires africain jusque-là, la banque avait alors réalisé en quelques mois des levées de fonds record – 600 millions de dollars pour deux banques nigérianes – et était montée de manière spectaculaire au capital d'Ecobank, au point d'en devenir le premier actionnaire.
En 2012 Stephen Jennings cède le reste de ses activités de banque d'investissement et de crédit à la consommation en Russie pour se focaliser sur la gestion d'actif, le développement d'activités en Afrique et les projets immobiliers.
Onexim Group, contrôlé par le russe Mikhail Prokhorov vient d'acquérir 100% de Renaissance Financial Holdings Limited, la banque d'investissement opérant au niveau international sous le nom de Renaissance Capital, et 89% de Renaissance Capital International Services Limited (RCISL), activité de crédit à la consommation en Russie.
Renaissance Crédit Nigeria, Renaissance Real Estate, Renaissance Asset Managers, Renaissance Advisors, Rendeavour Ltd restent sous le contrôle Stephen Jennings.
Onexim Group souhaite alors enforcer la structure financière de Renaissance Capital pour développer sa position de la banque d'investissement sur les marchés émergents.
«Nous croyons fermement à la stratégie de Renaissance Capital… Nous croyons en outre que Renaissance Credit continuera sa croissance rapide dans le contexte de développement de la consommation en Russie. Nous tenons à remercier Stephen Jennings, qui a fondé ces entreprises, de les avoir gérées depuis de nombreuses années», a déclaré DmitryRazumov, CEO d'Onexim à l'époque.Depuis Renaissance Capital a continué son bonhomme de chemin.
L'Afrique tous azimuts
Renaissance Capital (RenCap) a ouvert un bureau à Kigali en 2012 pour se positionner sur les futures privatisations du gouvernement rwandais. En 2017, ce sera au tour de l'Egypte puis du Kenya en juin dernier à travers l'ouverture d'une filiale qui proposera aux banques commerciales, aux fonds de pension ainsi qu'à des investisseurs de produits tels que les obligations et les bons du Trésor.
Interrogé sur l'intérêt d'ouvrir un bureau à l'instar de l'Egypte voire une filiale au Maroc, l'économiste en chef de la banque sera claire mais pas pour autant tranchée;
«Le plus important pour le royaume n'est pas de venir ouvrir un bureau de Renaissance Capital, mais d'accompagner même de loin des deals qui lui apporteront peut-être des milliards de dollars en investissements». La réponse de Christophe Charlier, président du conseil d'administration de Renaissance Capital, sera-t-elle plus philosophique;
«Les deux pays qui se distinguent positivement en Afrique à l'heure actuelle sont pour nous le Maroc et l'Egypte, mais il n'empêche qu'ils aient des histoires différentes. Une histoire de réforme en Egypte avec un marché de 100 millions de personnes. Une histoire d'industrialisation (automobile, aéronautaique…), mais aussi d'ambition africaine du Maroc».
(Soumayya Douieb
Qui est Mikhaïl Prokhorov, le propriétaire de Renaissance Capital ?
Si vous cherchez sur le net, l'essentiel de l'actualité concernant cet oligarque russe se résume à la NBA. Et oui ! Aussi étonnant que cela puisse paraître, Mickhaïl Prokhorov a fait les gros titres de la presse sportive américaine cet été. Et pour cause. Il vient de céder les Nets de Brooklyn et le Barclays Center pour 2,35 milliards de dollars. Résultats des courses, il réalise une plus-value énorme sur son investissement de départ : 223 millions de dollars en 2010 pour acheter 80 % de l'équipe et 45 % de la salle.En clair, le milliardaire russe a donc plus que doublé sa mise en dix ans. Mais pas seulement. Bien que son bilan au cours de ses 10 dernières années avec les Nets n'est pas des plus reluisants sportivement (pas de titre remporté), il a selon la presse américaine le mérite d'avoir sauvé le club de la faillite. Mieux encore : il a su opérer un virage décisif en 2016, en faisant les bons choix. Il laisse la franchise à Joseph Tsai, le nouveau propriétaire, dans un bien meilleur état sportif, médiatique et financier, que lors de sa prise de pouvoir en 2009.
Mais Mikhaïl Prokhorov n'est pas uniquement connu dans le monde du basket même s'il a véritablement une stature de basketteur (2,04 mètres). Loin de là. Il a d'abord été médiatisé sur la scène internationale lorsqu'il s'est présenté aux élections présidentielles russes de 2012(3e place). Son bon sens, sa gestuelle de garçon bien élevé, son programme, tout le distingue alors des politiciens ordinaires. On l'appelle même à l'époque le candidat des « bobos » russes. Troisième fortune de Russie (Fortune nette : 9,8 milliards de dollars (Forbes Russie), cet oligarque n'est pas assez charismatique selon les analyses, trop rationnel, trop riche aussi, pour pouvoir prétendre à une quelconque carrière politique. Il serait tout simplement une marionnette du Kremlin.
Né le 3 mai 1965 à Moscou d'un père haut fonctionnaire au ministère des sports et d'une mère universitaire, Mikhaïl Prokhorov fait des études brillantes à l'Institut financier de Moscou. En 1988, en pleine perestroïka gorbatchévienne, cet originaire d'une famille de riches paysans de Sibérie, adhère au Parti communiste, « uniquement pour la carrière », dira-t-il plus tard.
Entre 1989 et 1992, il est chef de département dans la Banque internationale pour le commerce extérieur du Comecom. Après 1992, il intègre le secteur privé. Il préside le conseil d'administration de la banque privée Compagnie Internationale Financière de 1992 à 1993, puis le conseil d'administration de la banque privée Onexim depuis 1993. Pour le reste, Mikhaïl Prokhorov prospère grâce à l'entreprise Polyus Gold, un des plus gros producteurs d'or au monde.
En1993 Prokhorov fait l'acquisition avec son compatriote Vladimir Potanine de Norilsk Nickel grâce à la banque ONEXIM, profitant comme tous les oligarques de la privatisation de nombreuses entreprises et conglomérats russes avec la chute de l'URSS. Il tire ainsi sa fortune de son investissement dans le géant russe du nickel Norilsk Nickel dont il est alors le PDG. A 30 ans, il est déjà propriétaire de 25 % des actions de Norilsk Nickel, un énorme combinat de cuivre de Krasnoïarsk, qui était jadis un camp de travail stalinien. Outre les métaux, Mikhaïl Prokhorov excelle dans la finance. Au moment du krach financier de 1998, sa banque, Onexim, est engloutie dans la tourmente, laissant les épargnants et les petits porteurs sur le carreau. Lui et son associé, Vladimir Potanine, un ancien du ministère du commerce extérieur soviétique, s'en tirent indemnes.
La crise économique de 2008 lui porte chance. Désormais à couteaux tirés avec Vladimir Potanine, son partenaire dans Norilsk Nickel, il est contraint de lui revendre ses parts. Une aubaine ! Il empoche plusieurs milliards de dollars, juste avant la perte de 50 % de la valeur du combinat en 2009.C'est à ce moment-là qu'il met la main sur 50% de Renaissance Capital, avant d'en acquérir la totalité en 2012. Là encore, il s'est positionné en tant que sauveur car la banque d'affaires qui avait été lourdement affectée par la crise de 2008.
En mars 2011, Prokhorov est fait chevalier de laLégion d'honneur pour les succès industriels d'ONEXIM avec les groupes françaisDalkia et Bolloré (projet de voiture électrique) ainsi que ses activités philanthropiques11.
À partir de fin 2012, Prokhorov se désengage peu à peu de ses activités dans le secteur des matières premières et de l'industrie tout en se renforçant dans le secteur financier (en prenant le contrôle de Renaissance Capital, une banque d'investissement). Il vend ses parts (37,8 %) dans Polyus Gold en janvier.


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