Invité par SciencePo-Alumni Maroc L'opposition entre politique et technocrate relève d'une vision tronquée, voire trompeuse de la situation politique «En ces temps-ci, il y a urgence de promouvoir un débat politique sérieux et serein», a souligné Mohamed Nabil Benabdallah, secrétaire général du Parti du Progrès et du Socialisme (PPS), lors de la 1 e édition du nouveau cycle de conférence placé sous le thème «Les jeudis du débat» organisé par Science Po- Alumni Maroc. Il faut dire que le dirigeant du parti du Livre, comme à l'accoutumée, n'a pas fait dans la dentelle en analysant les faiblesses du champ politique actuel et les enjeux qui s'imposent en vue d'entamer un véritable aggiornamento. Le conférencier a d'abord mis en garde contre les campagnes systématiques de dénigrement, portant la responsabilité de tous les maux aux partis politiques et aux organes institutionnels de médiation. Assurément, «de tels agissements ont porté un coup dur à l'action politique et ont même conduit à créer un hiatus abyssal entre les citoyens et l'univers politique», a-t-il martelé. Résultat : une crise de confiance totale qui s'est installée dans les esprits d'une large frange de la population, en particulier chez les jeunes, poussant même certaines élites à rompre avec l'action politique, préférant se recroqueviller sur elles-mêmes, a-t-il laissé entendre. Pour le dirigeant du PPS, cette perte de confiance pourrait avoir des effets indésirables. D'ailleurs, ce qui se passe dans certains pays actuellement pourrait se reproduire chez nous, car une simple petite étincelle est susceptible de faire sortir les masses, a-t-il averti. Cela étant, la mise en place d'une vision claire assortie d'un portage politique fort demeure la condition sine qua non pour recrédibiliser l'action politique. «La volonté d'imposer un nouveau-né au champ politique a porté un coup fatal à l'action politique», a-t-il déclaré en substance, notant dans ce sens que «le PPS s'est opposé à l'époque (2009), farouchement à cette étrange création». En fait, a-t-il ajouté, autant de raisons ont poussé le PPS à se retirer du gouvernement, non pas sur un coup de tête, mais après moult réflexions et une décision bien mûrie. Pour le secrétaire général du PPS, les foires d'empoigne et les querelles intestines qui déchirent la majorité, sont l'expression d'une campagne électorale avant l'heure, les facteurs de blocage, ou encore les coups subis par son parti à maintes reprises ont constitué des motifs convaincants auprès les militants du parti pour abandonner l'Exécutif. Cependant, a-t-il poursuivi, «le PPS qui n'a pas cessé de plaider pour un souffle démocratique nouveau, n'a pas une vocation maso. Loin s'en faut ! Il est l'incarnation d'un parti politique national, démocratique qui privilégie l'intérêt suprême du pays avant toute autre considération». Que faire? Et la solution consiste, selon l'intervenant, à identifier les priorités, à commencer par la mise en place de mesures de relance du champ politique à même de renforcer la crédibilité et l'autonomie des partis et laisser le jeu se faire normalement, regrettant le fait qu'aujourd'hui le politique est relégué au rang des abonnés absents. Et ce n'est pas tout. L'intervenant a mis l'accent sur l'importance de l'instauration d'un climat de confiance en milieu économique afin de booster l'investissement tout en plaçant l'action sociale au cœur des politiques publiques menées par l'Etat. Malheureusement, le gouvernement actuel n'a pas interagi positivement avec le discours royal en faisant l'impasse sur les attentes des citoyens, a déclaré le numéro un PPS. Et de poursuivre, «outre le rôle prépondérant de la Monarchie dans le système politique, le Maroc a besoin d'un gouvernement et des partis politiques forts et des citoyens qui se reconnaissent dans les institutions constitutionnelles. Comme quoi la mise en œuvre des dispositions de la Constitution 2011 dans sa phase la plus démocratique doit constituer «le grand jihad», pour la classe politique. S'agissant de la présence des technocrates dans le gouvernement, Benabdallah a répliqué que personne n'a le droit de mettre en cause les compétences, mais pour lui, cette opposition entre politique et technocrate n'a pas lieu d'être. Elle relève plutôt, «d'une vision tronquée, voire trompeuse», a-t-il insisté, avant de mettre l'accent sur le fait que les discours stigmatisant le rôle du politique ont tort, du fait que ce dernier a un rôle indéniable, celui de pouvoir convaincre et mobiliser les citoyens et porter haut et fort leurs revendications des citoyens . Ainsi, «les forces progressistes et démocratiques sont appelées à remplir leur mission et d'investir le champ social», dixit le responsable du PPS.