En 2018, 121 femmes ont été tuées en France, victimes de violences conjugales. Un triste record qui sera égalé voire dépassé en 2019, avec 83 féminicides recensés par les médias à fin juillet dernier. Un fléau qui suscite l'indignation de la société civile, poussant le gouvernement à réagir et à se mobiliser. Critiqué pour sa passivité face à un phénomène qui ne cesse de prendre de l'ampleur, l'Exécutif a décidé de lancer une grande concertation nationale sur les violences conjugales, dès la rentrée. «Nous allons organiser le 3 septembre à Matignon un Grenelle des violences conjugales. C'est une première. Il sera introduit par le Premier ministre et réunira les ministres concernés, acteurs de terrain, services publics, associations, familles de victimes, afin de construire ensemble des mesures efficaces pour enrayer ce phénomène», a déclaré, début juillet, la Secrétaire d'Etat à l'Egalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, précisant que cet événement sera accompagné d'une «mobilisation nationale avec une grande consultation citoyenne et une campagne pour interpeller toute la société». Cette grande concertation, qui sera introduite par le Premier ministre Edouard Philippe, réunira les ministres concernés, acteurs de terrain, services publics, associations et familles de victimes. Elle s'ouvrira «le 3/9/19, en écho au numéro 3919», la ligne téléphonique consacrée aux femmes victimes de violences. L'annonce par l'Exécutif français de cette grande concertation intervient alors que le phénomène des violences mortelles à l'encontre des femmes prend de plus en plus de place dans le débat public. A travers des tribunes, des éditoriaux et des analyses, la presse française s'est emparée de ce phénomène qui inquiète de plus en plus en France, répercutant la mobilisation inédite de la société civile. Ainsi, face à une situation alarmante, les sit-in se succèdent partout dans l'hexagone pour exiger des mesures urgentes et immédiates afin de juguler ce phénomène qui interpelle tout le monde. Le président français Emmanuel Macron a lui-même reconnu que la France n'avait «pas su protéger» les victimes de meurtres commis par des conjoints ou anciens compagnons. «Mesdames, la République n'a pas su vous protéger […] La violence qui vous a coûté la vie nous écœure, nous révolte », a indiqué le président Emmanuel Macron, en égrenant, dans un message sur sa page Facebook, les prénoms d'une cinquantaine de victimes, après un sit-in organisé à Paris par le Collectif des proches et des familles de victimes de féminicides. Pour le journal Le Monde, les féminicides doivent être considérés comme «une urgence nationale», car «les violences mortelles contre les femmes deviennent un problème sociétal majeur en France, où les dispositifs de protection sont défaillants». Il s'agit, pour ce journal à large diffusion, d'«un combat de société», car les statistiques sur les féminicides «donnent le vertige et pourraient laisser croire que le phénomène s'est banalisé dans une sorte d'indifférence, comme si la société avouait son impuissance». Pourtant, les pouvoirs publics ne sont pas inertes. Des mesures ont été prises depuis les ordonnances de protection, les bracelets électroniques d'éloignement interdisant au porteur de menace de dépasser un périmètre donné, ou encore les «téléphones grave danger» (TGD), qui permettent de bénéficier d'une assistance immédiate grâce à un boîtier spécial. Mais ces mesures se sont révélées «nettement insuffisantes face à un danger en forte croissance», regrette Le Monde épinglant au passage le fait qu'en France, «l'arsenal mis en place est souvent mal appliqué et les moyens financiers restent insuffisants». Alors que 506 millions d'euros seraient nécessaires chaque année pour accompagner les femmes victimes de violences conjugales en France, selon un rapport de 2018, signé par plusieurs associations féministes et par le Conseil économique, social et environnemental, intitulé «Où est l'argent de la lutte contre les violences faites aux femmes ?», seuls 79 millions sont pour l'instant sur la table. A titre de comparaison, l'Espagne, souvent citée comme le bon élève européen, dépense 200 millions d'euros chaque année dans la protection des femmes victimes. Mais la réponse du gouvernement à cette problématique sociétale n'a pas plu à la société civile qui reproche au gouvernement son laxisme face à une «urgence nationale». «Une réunion dans deux mois et des résultats dans cinq (après l'adoption du budget de l'Etat). Le décalage entre la mobilisation inédite de la société contre les féminicides et les réponses apportées est flagrant», s'est indigné le collectif NousToutes, l'un des collectifs les plus actifs. Cette problématique et le traitement qui lui est réservé par l'Exécutif s'est même invitée au débat politique. Des sénateurs ont interpellé le gouvernement sur l'égalité femmes-hommes érigée en «grande cause» du quinquennat, mais «dont on ne voit pas bien les résultats». «Où est la grande cause du quinquennat ?», ont interpellé 150 sénateurs, dans une tribune diffusée par le journal Libération. Selon l'ONU, le féminicide est la forme la plus extrême de violence contre les femmes et la plus grande manifestation de l'inégalité hommes-femmes. En attendant le résultat de ce «Grenelle», la société civile multiplie les initiatives, tout en maintenant la pression. «Nous allons tout faire pour que ce «grenelle» ne soit pas un coup d'épée dans l'eau ou un simple coup de com'», affirme la Fondation des femmes qui milite aux côtés du Collectif des familles de victimes de féminicides et d'autres associations.