Les relations entre le Maroc et l'Union européenne (UE) sont désormais placées sous le signe d'un partenariat euro-marocain pour une prospérité partagée qui implique un changement de paradigme fondé sur l'égalité, a affirmé le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Nasser Bourita dans une interview publiée, mercredi, sur le site d'information européen «Euractiv». M. Bourita revient dans cet entretien sur les enjeux de ce partenariat lancé à l'occasion de la 14ème session du Conseil d'Association Maroc-UE, le 27 juin dernier à Bruxelles, sanctionnée par une Déclaration politique conjointe qui constitue, a-t-il dit, «un véritable jalon» pour une relation Maroc-UE renouvelée. «La déclaration a jeté les bases d'une relation renouvelée. Nous avons convenu de renforcer une nouvelle dynamique dans notre relation déjà stratégique, multidimensionnelle et privilégiée», a indiqué le ministre, précisant que le texte insiste sur «l'importance de la mise en place d'un partenariat d'égal à égal au service des intérêts mutuels». «Si nous pouvions l'étendre, en inspirer d'autres et même renforcer la coopération régionale et euro-africaine, ce serait dans l'intérêt de tous», a ajouté M. Bourita. Il a réaffirmé à cet égard que « le Maroc ne cherche pas l'exclusivité » dans ses relations avec l'UE mais plutôt «le codéveloppement, la croissance et la complémentarité», assurant que le Royaume mobilise tous les moyens pour y parvenir. «Compte tenu des relations historiques et de la proximité géographique que nous partageons, il est logique que le Maroc soit une porte d'entrée vers l'Afrique pour ses partenaires européens et internationaux», a-t-il dit. Le Maroc, qui entretient des relations institutionnelles avec l'Europe depuis les années 1960, «une coopération fructueuse» couronnée par le Statut avancé de 2008, est «profondément enraciné dans son continent», a-t-il rappelé, mettant en avant la politique africaine du Royaume qui participe de manière dynamique et engagée au développement du continent, «car nous estimons que le Royaume doit renforcer davantage son intégration économique et politique». Dans ce contexte s'inscrit, a-t-il précisé, le retour du Maroc au sein de « notre famille institutionnelle africaine » et son engagement sur une multitude de questions, «tant au niveau bilatéral que multilatéral, avec nos frères africains». Il a cité en particulier l'adhésion du Royaume à la nouvelle zone de libre-échange continentale africaine qui offre d'énormes opportunités, «d'abord pour l'Afrique, mais également pour les acteurs internationaux». Un langage commun sur le Sahara Au sujet de la question du Sahara marocain, le ministre s'est félicité que l'Union européenne « a clarifié ses positions une fois pour toutes » lors du dernier Conseil d'association Maroc-UE. «C'était un moment historique, car pour la toute première fois, nous avons un langage commun sur la question du Sahara marocain», a relevé M. Bourita. Le ministre faisait référence à la Déclaration politique conjointe adoptée à l'issue du Conseil d'Association. Dans ce document inédit dans l'histoire des relations de l'UE avec un pays du voisinage, les deux partenaires «réaffirment leur appui aux efforts du Secrétaire général de l'ONU pour poursuivre le processus politique visant à parvenir à une solution politique, juste, réaliste, pragmatique, durable et mutuellement acceptable» à la question du Sahara marocain, «qui repose sur le compromis», en conformité avec les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations unies, notamment la résolution 2468 du 30 avril dernier. L'UE, précise la Déclaration politique conjointe, «prend note positivement des efforts sérieux et crédibles menés par le Maroc à cet effet tels que reflétés dans la résolution susmentionnée et encourage toutes les parties à poursuivre leur engagement dans un esprit de réalisme et de compromis, dans le contexte d'arrangements conformes aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies». Pour M. Bourita, cette déclaration politique conjointe «ne laisse aucune place à de fausses interprétation», d'autant plus que la Haute Représentante de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de Sécurité, Federica Mogherini estime que «cela donne de l'espoir pour l'avenir». Le ministre considère que cette Déclaration constitue un nouveau revers cinglant pour « certaines parties » qui multiplient les tentatives désespérées de remettre en cause le partenariat Maroc-UE. « Au lieu de nuire au partenariat UE-Maroc, ces attaques l'ont rendu plus fort et plus résiliant que jamais », a-t-il dit, rappelant que plus des 2/3 des députés du Parlement européen ont voté, lors de la dernière législature, en faveur des accords UE-Maroc sur l'agriculture et la pêche. S'agissant du volet migratoire, M. Bourita a fait remarquer que la migration n'est pas une question indépendante, mais fait partie d'un partenariat mondial, en se référant au message de SM le Roi Mohammed VI à la Conférence de Marrakech qui a adopté le Pacte mondial sur les migrations. Dans ce message, le Souverain avait affirmé qu'« un migrant n'est pas plus ou moins humain, d'un côté ou de l'autre d'une frontière. La question de la sécurité ne peut pas davantage faire l'économie de politiques de développement socio-économique, tournées vers la résorption des causes profondes des migrations précaires ». Sur cette base, M. Bourita se dit convaincu que le Maroc est « un partenaire fiable » de l'UE sur la question migratoire, mettant en avant les efforts du Royaume pour renforcer le contrôle de ses frontières et empêcher la migration clandestine, mais aussi pour lutter efficacement contre les réseaux de traite des êtres humains et démanteler les organisations criminelles qui exploitent les migrants en situation de vulnérabilité. «Nous avons développé une coopération exemplaire dans ce domaine avec de nombreux membres de l'UE. Nous pouvons étendre les résultats positifs de ce partenariat au niveau européen », a dit M. Bourita, qui a également mis en avant la politique migratoire du Maroc ayant permis la régularisation de plus de 50 000 migrants. « Le Maroc, qui a toujours été considéré comme un pays d'émigration et de transit, est également devenu un pays d'immigration. En tant que tel, il est donc tout à fait naturel qu'il comprenne les contraintes exprimées par nombre de ses voisins européens, tout en manifestant sa solidarité agissante avec ses frères africains », a-t-il relevé. Interrogé sur le rejet du Maroc du concept des centres d'accueil des migrants financés par l'UE, il a expliqué qu'il s'agit d'une méthode « inefficace » voire « contre-productive » qui n'endiguera pas les flux migratoires et augmentera les risques de trafic d'êtres humains, d'autant plus que ce n'est pas une solution à long terme. Migration : une dimension humaine Dans cette optique, a-t-il plaidé, un partenariat entre le Maroc et l'UE sur la question migratoire doit tenir compte de trois hypothèses: « la gestion des migrations est une responsabilité partagée »; « la migration peut être un puissant outil de développement »; « la coopération en matière de migration ne peut être considérée exclusivement en termes de sécurité ». Dans la pratique, la coopération avec l'UE en matière de migration doit avoir une dimension humaine qui favorise le bien-être des migrants, a-t-il souligné. « Il s'agit d'un processus à double sens qui établit des droits et des obligations pour les migrants et les communautés d'accueil. Cela doit déboucher sur un nouveau concept de mobilité, qui s'inscrit dans la relance des relations entre le Maroc et l'UE », a-t-il expliqué. Dans ce sens, a-t-il ajouté, l'Observatoire Africain des Migrations, créé à l'initiative de SM le Roi Mohammed VI, peut faire l'objet d'une étroite collaboration avec l'UE en matière de renforcement des capacités de collecte de données relatives aux migrations. « Nous visons une approche qualitative, pas quantitative », a-t-il insisté, relevant que l'augmentation de l'aide financière au Maroc pour juguler les flux migratoires doit être considérée dans son contexte, celui de l'accroissement des pressions migratoires sur la Méditerranée occidentale. « Le Maroc ne perçoit pas cette augmentation comme une récompense, mais comme un ajustement proportionnel à la pression qu'il subit », a-t-il expliqué. S'agissant de la relance des négociations pour un Accord de Libre-Echange Complet et Approfondi (ALECA) avec l'UE, M. Bourita a souligné la nécessité pour les deux parties de convenir de ce qu'ils souhaitent obtenir grâce à « cette nouvelle forme » de partenariat commercial et des secteurs auxquels leur coopération économique devrait être étendue. Outre l'évaluation du cadre actuel de libre-échange au cours des 20 dernières années, il faut tenir compte, selon lui, de l'évolution des stratégies économiques du Maroc et de l'UE sur cette période. L'UE a signé plusieurs accords de libre-échange avec des pays asiatiques qui ont eu un impact sur l'avantage comparatif du Maroc, tandis que le Maroc a développé des stratégies industrielles et a récemment rejoint la zone de libre-échange continentale africaine, a-t-il noté, estimant que tous ces paramètres doivent être pris en compte lors de l'élaboration des lignes directrices de ce futur espace de coopération économique. Pour ce qui est de la participation du Maroc à des programmes et agences de l'UE, M. Bourita a indiqué que celle-ci découle naturellement des priorités communes convenues lors de la préparation du Conseil d'association Maroc-UE et déclinées en quatre espaces structurants dans la Déclaration politique conjointe. Il s'agit en l'occurrence d'«un Espace de convergence des Valeurs», «un Espace de convergence Economique et de Cohésion sociale», «un Espace de Connaissances Partagées» et «un Espace de concertation politique et de coopération accrue en matière de sécurité», rappelle-t-on. Intégrer les universités marocaines Dans ce cadre, M. Bourita a souligné notamment l'impératif de renforcer l'intégration des universités marocaines dans les programmes d'appui à la recherche et l'innovation de l'UE. La participation à des programmes et agences en relation avec l'enseignement supérieur et l'acquisition de compétences doit être envisagée afin de construire un espace de connaissances partagées, a-t-il relevé. Les programmes européens ayant trait aux aspects techniques de l'énergie et du changement climatique pourraient également être très utiles pour le Maroc, a-t-il ajouté, faisant état d'une « forte » convergence des vues entre le Maroc et l'UE sur ces enjeux qui seront intégrés à tous les volets de leur partenariat. S'agissant des perspectives de coopération entre le Maroc et l'UE, M. Bourita a relevé qu' »une relation aussi ancienne et aussi riche que le partenariat Maroc-UE doit être continuellement ambitieuse et constamment créative », notant qu'en conséquence, la politique européenne de voisinage "ne devrait pas être le plafond de nos ambitions communes ». "La relation Maroc-UE a toujours été basée sur une évolution continue et sur un cadre institutionnel fort", a-t-il souligné, affirmant que "ne pas évoluer ne serait pas un arrêt, mais un pas en arrière", partant de la conviction que la relation entre le Maroc et l'UE doit être réinventée car les deux partenaires ont évolué à plusieurs niveaux. «Maintenant que nous célébrons 50 ans de relations riches et fructueuses, il est temps que notre partenariat aille plus loin», a-t-il soutenu.