Le pouvoir algérien, à la dérive, persiste encore et signe. La manœuvre est toujours la même. Les annonces faites en série, lundi soir, notamment la décision de Bouteflika de ne pas briguer un cinquième mandat ou encore la tenue d'une conférence nationale en vue de dénouer la crise, n'étaient en fait qu'un emballage des mêmes messages véhiculés dans sa première lettre de candidature. Pis encore, les annonces de lundi soir plongent encore le pays dans le doute et l'incertitude beaucoup plus que de la manœuvre de la candidature qui annonçait au moins la date d'une année pour réformer la constitution et organiser de nouvelles consultations populaires. Aujourd'hui, c'est le flou total. Jugez-en. Bouteflika a annoncé qu'il ne briguera pas un cinquième mandat, mais il resterait président apparemment jusqu'à ce qu'il change de monde. Le peuple a demandé des réformes en profondeur, mais le processus annoncé par le clan présidentiel sera, au cas où il sera effectivement lancé, supervisé par le même clan présidentiel qui l'orientera pour maintenir le pouvoir, préserver ses intérêts et verrouiller davantage le système pour éviter toute éventuelle reddition des comptes. Il est clair qu'en annonçant la tenue prochaine d'une conférence nationale chargée de réformer le système et en confiant les clés du pouvoir au ministre de l'Intérieur, promu dans la foulée Premier ministre, le clan Bouteflika garde la main et pilotera la machine. En plus, il n'y a pas de projet institutionnel et politique à soumettre aux débats. Vraisemblablement, le pouvoir, basé sur l'armée et les trésors des hydrocarbures, a seulement changé sa tactique en miroitant ce lot de réformes. «Bouteflika promet». «Bouteflika tiendra-t-il parole ?». Face à ces deux questions largement soulevées par la rue algérienne et les médias internationaux, la question qui se pose est que Bouteflika, président momie, à la motricité extrêmement réduite, serait-il le véritable commandant du navire ? En 2014, il a voté en fauteuil roulant. En 2019, il a servi de carte pour rouler le pays. Il faut dire que le pouvoir a déjà réussi à gagner du temps, faisant croire au peuple qu'il a gagné une bataille. Faire croire, faire durer le provisoire et savoir durer. L'art de la politique. Aujourd'hui, la présidentielle a été reportée, un projet a été miroité au peuple et le clan qui tient les manettes du palais El Mouradia est toujours en place. Le dilemme de 1991 est là : choisir entre le même pouvoir et l'inconnu. Ce qui fait planer le facteur peur qui favoriserait la thèse du clan en place. Voilà la manœuvre politique.