Rien ne va plus pour l'amazigh! Le blocage et l'attentisme sont les maîtres-mots qui résument la situation. Les projets de lois organiques sont toujours en stand-by au parlement. Pour certains, les raisons du blocage sont d'ordre politique et idéologique. D'autres estiment pour leur part que la graphie tifinaghe freine le développement et le rayonnement de l'amazighe. Un prétexte pour «jeter de la poudre aux yeux» et justifié ce blocage «inexplicable», rétorquent plusieurs activistes de la cause amazighe. Le retard accusé dans la mis en œuvre de l'officialisation de la langue amazighe a déjà fait l'objet de plusieurs articles, dossiers…Dans un entretien accordé le 29 octobre 2018 à Al Bayane, Ahmed Boukous, recteur de l'Institut royal de la culture amazighe (IRCAM), nous confiait que « le rejet du choix de la graphie tifinaghe est, de l'avis de certains observateurs, un prétexte pour justifier le blocage du processus de mise en œuvre du caractère officiel de l'amazighe». Selon lui, «la graphie est en principe un outil permettant d'écrire une langue, aucune graphie n'est parfaite en soi. On choisit celle qui permet d'écrire une langue donnée de façon exhaustive, économique et cohérente ». Pour le recteur de l'IRCAM, «jusqu'à preuve du contraire, dans le cas de l'amazighe, la graphie tifinaghe répond à ces critères». Pour lui, «S.M. le Roi Mohammed VI a donné son approbation pour faire de tifinaghe la graphie officielle de l'amazighe, en 2003. Alors pourquoi reprendre le débat aujourd'hui sur le tifinaghe alors que la loi organique concerne le processus d'officialisation et d'institutionnalisation dans sa globalité?», confiait-il. Pour le recteur, ce retard a un sens politique et idéologique. Visiblement, il y a un blocage quelque part. «On dit qu'il y a des divergences sur un certain nombre de points, notamment sur la question de la graphie tifinaghe. Certains partis refusent la graphie tifinaghe et bloquent le processus de mise en œuvre du statut officiel de l'amazigh», nous expliquait-il dans une déclaration au journal sur le bilan de l'amazigh en 2018 (article publié le 30 décembre 2018). Lors de la rentrée scolaire, le débat sur les langues a défrayé la chronique. Un sujet auquel nous avons consacré un dossier « Le Maroc vit-il une «Guerre» des langues? » publié le 23 septembre, 2018 avec la participation de l'écrivain Tahar Benjelloun, le poète Mohammed Bennis, l'écrivain et éditrice Kenza Sefrioui, l'activiste amazigh Ahmed Assid, Ahmed Boukouss, recteur de l'Ircam et l'intellectuel et écrivain, Hassan Aourid. Ce dernier déclarait qu'il fallait être réaliste. «La langue n'est pas encore standardisée. Il n'y a pas de manuels, ni de formateurs… C'est par là qu'il faudrait commencer et descendre au fur et à mesure… Il y'a deux points sur lesquels je m'inscris en faux par rapport à la tendance générale. Je suis pour le caractère latin. Je pense que la langue amazighe ne peut finalement connaitre son plein essor avec le tifinaghe malgré la charge symbolique qu'elle incarne et que je comprends. A mon humble avis, nous sommes confrontés des fois à des choix douloureux et difficiles… Entre l'identitaire et l'universel, je crois qu'il faut privilégier l'universel à l'identitaire», déclarait-il à l'occasion. Le débat sur la question amazighe est épineux. « Le problème est là, la politique linguistique de l'Etat reste ambigüe et vague. Les décideurs ne veulent pas trancher. Ils préfèrent continuer de jouer sur les contradictions et les paradoxes au lieu d'avoir une politique claire et nette. C'est pourquoi, nous sommes devant la situation suivante : ce que l'Etat a l'intention de faire, il ne le déclare pas. Par contre, ce qu'il ne veut plus faire, il continue à en faire des slogans dans ses références », nous répondait Ahmed Assid. Beaucoup de zones d'ombre continuent à planer sur la question de l'amazighe au Maroc, jusqu'à l'heure actuelle.