La culture marocaine vient de perdre deux grands hommes. Il s'agit de l'écrivain et chercheur Mohamed El Manouar et du maestro d'Ahwach, Ihya Bouqdir. Pour célébrer le parcours des deux défunts, l'Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM) a mis à l'honneur leur mémoire à travers deux cérémonies. Un premier hommage a été rendu la semaine dernière dans les locaux de l'IRCAM au poète et artiste Ihya Bouqdir. Cet événement a été marqué par la présence des chercheurs et passionnés de la culture. Cette initiative placée sous le thème « Yahya Boukdir, le poète, l'artiste et l'homme » a été organisée par le Centre des études artistiques, des expressions littéraires et de la production audiovisuelle relevant de l'institut. Ce geste se veut un moment de forte portée symbolique visant à braquer les lumières sur l'apport important de l'artiste dans l'enrichissement de la musique et de la culture marocaines. Décédé le 1er août à l'âge de 70 ans, Ihya Bouqdir est considéré comme l'une des figures emblématiques de la poésie et de la musique amazighes. «Rays Ihya Bouqdir est le poète de l'improvisation des joutes oratoires en Ahwach», nous a confié le poète Ahmed Assid dans une déclaration à Al Bayane. Bouqdir pratiquait la maestria de plusieurs danses à la fois. Il mélangeait à la perfection et avec un talent exceptionnel les danses d'«Ahnaqar», de «drast», d'«imi ntanout», d'«awlouz» alors que les autres maestros ne maîtrisent que la danse de leurs petits patelins. Pour Ahmed Boukous, recteur de l'IRCAM, Bouqdir, était l'un des piliers de la culture marocaine et avait collaboré dans nombre d'évènements avec l'Institut, ce qui lui a valu une bonne réputation parmi les professeurs. Un autre hommage est prévu le 12 octobre à l'IRCAM pour célébrer la pensée et le parcours de Mohamed El Manouar. Ce dernier a rendu l'âme lundi 2 août à l'hôpital Cheikh Zaïd de Rabat après une longue lutte contre la maladie. Né dans le Sud-est marocain dans le village Igherm n Amednagh dans la commune rurale de Sidi Bou Yahia, Souk Lakhmis, province de Tinghir, l'écrivain, poète, historien et membre du conseil d'administration de l'IRCAM pendant des années, a obtenu le Grand Prix National de la culture Amazighe en 2013. «C'est un grand homme sur le plan humain, intellectuel et militant. Il est originaire d'Aït Atta à Kelaâ M'Gouna. Il a été un cadre important du Ministère de tourisme. Mohamed El Manouar a reçu une formation académique supérieure, ce qui l'a beaucoup aidé dans sa carrière professionnelle et au niveau du Conseil d'administration de l'IRCAM. C'était un membre influent, important, sérieux et engagé au sein de cette institution. Il avait une force de travail importante», nous a expliqué Ahmed Boukous. Il a toujours été en mesure d'apprécier de manière clairvoyante et sereine les différents enjeux auxquels est confronté l'amazigh et l'Institut Royal de la Culture Amazighe, a-t-il déclaré «Je l'ai toujours consulté sur des questions délicates et j'ai toujours apprécié son aide et les réponses qu'il fournissat à mes questionnements. Il a beaucoup aidé l'IRCAM dans la maîtrise de son fonctionnement, notamment budgétaire, ainsi que les ressources humaines grâce à sa formation académique et son capital humain. Sur le plan académique, Mohamed El Manouar a brillé dans le domaine de la création littéraire en langue amazighe. Il a également fait des recherches sur la tradition orale amazighe», affirme-t-il. Le défunt a enrichi la bibliothèque amazighe par de nombreuses publications sur les questions touchant l'amazighe dont «Tamazight : la constitutionnalisation ou la mort», «Le Sud-est Marocain : réflexion sur l'occupation et l'organisation des espaces sociaux et politique… le cas de Dadès…», «Tahmidoucht: Un regard qui traverse le temps», «Parcours : la passion d'un destin…», «l'Amazighité en devenir : legs de l'un de ses vétérans… Feu Dr Ousadden». Pour Abdelmalek Hamzaoui, président de l'Alliance marocaine du livre amazigh, Mohamed El Manouar est un grand homme et son départ est une grande perte pour la cause amazighe et le Maroc. «El Manouar était un grand chercheur…Il militait en silence et a souffert aussi en silence. C'était un homme au service de sa patrie. Le défunt compte à son actif 14 publications. Deux de ses livres paraîtront à titre posthume dont un recueil de poésie et un autre livre. Il a consacré beaucoup d'articles à la cause amazighe», a-t-il souligné.