Le secteur informel a plusieurs appellations et revêt plusieurs définitions. On parle également d'économie non structurée, de secteur clandestin, d'économie parallèle ou d'économie souterraine et que sais-je encore! Toutes ces notions renvoient à une réalité difficile à cerner de par même la nature de l'activité. Pour des raisons de commodité, utilisons la première notion qui est communément admise dans la littérature économique et les rapports du Bureau International du Travail faisant autorité en la matière. Ainsi, fait partie du secteur informel toute activité de production marchande (de biens et services) effectuée en dehors des normes juridiques et organisationnelles en vigueur. Au Maroc, grâce aux enquêtes effectuées par le HCP, on commence à mieux connaitre le secteur, sa logique de fonctionnement et son rôle dans la reproduction sociale. Ainsi, trois enquêtes ont été successivement réalisées en 1999-2000, 2006-2007 et 2013-2014. Il ressort de cette dernière enquête que le nombre d'unités de production informelle (UPI) s'élève à 1,68 million, réalisant un chiffre d'affaires de 410 MM DH dont la part de lion porte sur les activités commerciales. En outre, le secteur réalise une production annuelle de 185 MMDH, soit 12,2% de la production nationale. Ses domaines de prédilection sont le commerce où il représente plus de la moitié de la valeur ajoutée, le bâtiment avec 27%, l'industrie avec une contribution de 10% et les services (8%). Pour ce qui est de l'emploi, l'informel concerne 2,4 millions de personnes, soit 36,3% de l'emploi non agricole à l'échelle nationale. De par ses implications, ce secteur représente un enjeu particulier à la fois pour l'Etat (manque à gagner fiscal), pour la société (amortisseur social), pour l'entreprise formelle (concurrence déloyale) et le consommateur (disposer de produits à bas prix avec le risque encouru en matière de sécurité et de santé). C'est pour mieux clarifier ces problématiques que la CGEM, qui a fait de la lutte contre l'informel son cheval de bataille, vient de réaliser une étude portant sur «l'économie informelle : impacts sur la compétitivité des entreprises et propositions de mesures d'intégration». Passons sur les données chiffrées de l'étude qui restent, en tout état de cause, approximatives eu égard, comme précisé précédemment, à la complexité de cerner le secteur et intéressons-nous aux propositions/recommandations de l'organisation patronale faites sur la base de données nationales et d'un benchmark international. Elles sont regroupées autour de six axes : –Renforcement de l'attractivité du formel à travers une meilleure compétitivité des entreprises; –Accompagnement dans l'intégration des UPI à l'économie formelle; –Lutte contre les leviers de l'économie souterraine; –Assèchement de la contrebande; –Education et formation en sensibilisant, notamment les consommateurs aux méfaits de l'économie informelle; –Lutte contre la corruption. Ces mesures ont certainement leur importance. Elles se veulent un plan d'action pour une reconversion réussie de l'informel vers le formel, opération dans laquelle tout le monde serait gagnant. Mais elles ont aussi leurs limites. Ainsi, le secteur informel, contrairement aux idées reçues, est bien «intégré» dans le système. Il joue parfaitement le rôle que lui assigne le «capitalisme périphérique» dominant au Maroc qui est incapable d'assurer un emploi décent à tous les Marocains. De même, tout plan d'action doit établir des priorités et hiérarchiser les mesures à prendre d'autant plus que le secteur informel est loin d'être homogène : sa composante essentielle est une «activité de survie» où les gens y recourent par nécessité. Il suffit que le secteur moderne et formel assure un emploi décent à cette population pour voir cet informel disparaitre ! Enfin, la lutte contre l'informel, et plus précisément «le formel qui se nourrit de l'informel» renvoie directement au modèle de développement à l'œuvre. Par conséquent, c'est en adoptant un nouveau modèle de développement axé sur l'égalité sociale et territoriale et l'approfondissement de l'Etat de droit, y compris dans les affaires, qu'on pourra mieux traiter la problématique de l'informel. En somme, la meilleure voie de combattre l'informel est d'assurer un développement inclusif et harmonieux de notre pays.