«La corruption, c'est le manque de dignité, c'est l'absence de scrupule». Ces mots, tirés des «Amours sorcières» de Tahar Benjelloun (2003), résument tristement ce que beaucoup de Marocains considèrent comme le plus grand mal qui ronge leur pays: la corruption. Le mot seul jette un froid aussitôt qu'il est dit. Le Maroc, qui célèbre samedi la Journée nationale de lutte contre la corruption, a fait de cette cause une condition sine qua non de son développement. Aussi, les gouvernements qui se sont succédé ces vingt dernières années n'ont eu d'autre choix que de reconnaître la gravité de ce fléau qui ralentit l'émergence économique du Royaume et ternit son image à l'international. C'est ainsi que la lutte contre la corruption s'est hissée au rang de priorité absolue de la société marocaine dans son ensemble, alors que les avancées réalisées dans ce domaine sont déterminantes dans l'évaluation, aux yeux des électeurs, du succès ou de l'échec des mandats gouvernementaux et administratifs. Ces orientations politiques ont été traduites par l'élaboration de programmes nationaux de lutte contre la corruption en 2005 et 2010, par la ratification de la Convention des Nations-Unies contre la corruption en 2007 et par un certain nombre de réformes juridiques et institutionnelles, outre le lancement de la Stratégie nationale de lutte contre la corruption en 2016. Cette Stratégie, qui s'étale sur dix ans en trois étapes (2016-2017), (2017-2020) et (2020-2025), est la première du genre au Maroc. Elle vise, à l'horizon 2025, à inverser la tendance de manière visible et irréversible, renforcer la confiance des citoyens et améliorer l'intégrité des affaires et le positionnement du Royaume à l'international. La mise en œuvre de cette Stratégie s'inscrit également dans la lignée des exigences de la Constitution de 2011, particulièrement de son Titre XII qui porte sur le renforcement du principe de la bonne gouvernance et l'obligation d'aligner les services publics sur les normes de transparence et de reddition des comptes et de responsabilité. Par ailleurs, l'année 2017 a été marquée par la publication au Bulletin officiel, en novembre dernier, du décret relatif à la création de la Commission nationale de lutte contre la corruption et ce, conformément aux dispositions de la Constitution, notamment les chapitres 90 et 92. Cette Commission est ainsi chargée de la mise en œuvre de la Stratégie nationale de lutte contre la corruption à travers la présentation de propositions et de programmes susceptibles de renforcer la transparence et de diffuser les valeurs de moralisation et de probité au sein des services publics. Elle est composée des représentants des autorités gouvernementales, d'instances de gouvernance et d'institutions concernées, ainsi que d'ONG. Ces mesures significatives viennent s'ajouter à la création de l'Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC), qui résulte directement de la ratification par le Maroc en 2007 de la Convention des Nations Unies contre la corruption. En effet, l'article 6 de ladite Convention met à la charge des Etats Parties l'obligation de mettre en place un ou plusieurs organes chargés de prévenir la corruption. C'est en application des dispositions de cet article que fut créée l'Instance Centrale de Prévention de la Corruption par le décret n° 2-05-1228 (13 mars 2007). L'Instance compte parmi ses missions de proposer au gouvernement les grandes orientations d'une politique de prévention de la corruption, notamment en matière de coopération entre le secteur public et le secteur privé pour lutter contre la corruption, donner aux autorités administratives des avis sur les mesures susceptibles d'être prises pour prévenir des faits de corruption et collecter toute information en relation avec le phénomène de la corruption et gérer la base de données y afférentes. Outres ces mesures, les autorités ont mis en place d'autres mécanismes pratiques en vue de lutter contre la corruption, notamment le renvoi devant la justice des dossiers de corruption inclus dans les rapports de la Cour des comptes et de l'Inspection générale des finances et la facilitation des procédures administratives, notamment celles relatives à l'investissement et aux entreprises comme les impôts, la création des entreprises, le transfert de la propriété, le raccordement aux réseaux d'assainissement et d'électricité, la construction et le foncier. Il y a lieu de citer également l'ouverture des concours de la fonction publique aux citoyens, en vue de mettre en œuvre le principe de la transparence, d'égalité des chances et de méritocratie, en vue d'empêcher toute tentative de corruption dans ce domaine. Si l'éradication de ce fléau est encore loin d'être acquise, l'implication des acteurs politiques et civils est indéniable, car force est de constater qu'une mobilisation à tous les niveaux est indispensable pour venir à bout d'un phénomène qui coûte aux Etats des préjudices estimés entre 1.500 et 2.000 milliards de dollars annuellement, selon un rapport du Fonds monétaire international (FMI) réalisé en mai 2016.