Nous sommes à peine une dizaine de journalistes au bureau central de la rédaction à Casablanca. Notre quotidien est fait de plusieurs saisons :la grisaille du matin, l'euphorie de midi et le stress du bouclage. Une très petite famille, généralement soudée, qui ne cesse de se renouveler au fil des arrivées et des départs et reste unie par un seul et unique dessein : réussir. Le management est conscient des enjeux de la crise qui affecte le secteur de la presse papier et se bat au quotidien, avec plus ou moins beaucoup de succès, pour maintenir le cap et le moral des troupes avec. Après les salamalecs et quelques échanges un peu froids, les journalistes, les premiers arrivants, vaquent à leurs recherches et passent leurs premiers coups de téléphones à la recherche d'une petite information à traiter. Certains préfèrent par la suite, en attendant l'arrivée des retardataires, aller prendre un café ou chercher le petit-déjeuner. Les propositions de Mahtat avec quelques informations de première main tombent un peu avant 9 h et le chemin de fer prend petit à petit forme. Chacun des journalistes lance ses propositions et se met au travail et le calme perdure. Du côté de la Capitale administrative, la rédaction de Rabat est déjà à l'œuvre. Généralement plus matinaux que leurs collègues de Casablanca, ils sont les premiers les premiers à réagir. Les Articles, interviews ainsi que les illustrations sont envoyés généralement avant midi. A la rédaction centrale, entre 10h et 11h, l'équipe est au complet et le bourdonnement des claviers brise le calme matinal. Le brouhaha atteint son comble avec l'arrivée de Macao, le porte-fanion «Rouge» de la rédaction. Commencent les fameux commentaires des résultats des matchs de foot de la veille et les petites remarques assassines entre Wydad et Rajouis. Les échanges sont parfois vifs, mais ne débordent jamais. Même les questions politiques suscitent parfois des réactions virulentes, surtout quand le parti est concerné, mais cela reste dans l'ordre du débat ordinaire. Entre temps, les pages culture, Entreprise, Economie, Sport, Société sont déjà envoyées au montage. Le service commercial a déjà une idée sur les insertions et le nombre de pages services, le temps pour la rédaction de faire les arbitrages nécessaires, il faut sacrifier quelques textes, avant de passer aux choses sérieuses. Le montage Ce quotidien est également existe grâce à l'incontournable service montage. Des hommes et des femmes aiguisés à l'infographie ou qui l'ont appris sur le tas et sans qui obtenir un journal en bonne et due forme en fin d'après-midi, ne serait qu'un simple vœu pieux. Après l'arrivée des maquettistes vers 9h, la première entrée en matière est comme toujours la traditionnelle pagination et répartition des pages entre les différents monteurs. Débute ensuite vers 10H30, l'envoi des articles au montage et s'en suivent vers 11h30 les premières impressions de pages qui meubleront le temps jusqu'à l'envoi final du journal. Une tâche qui n'est pas toujours de tout repos, entre la pression du bouclage, la gestion de quelques rixes, les aller et retour des corrections, les arrivées de dernière minute de la publicité ou de la dernière info... Mais en fin de journée, c'est toujours avec un sourire, des accolades et des remerciements que l'on se sépare, mettant derrière les incongruités de la journée et se donnant rendez-vous pour le lendemain. Un quotidien ordinaire Un quotidien on ne peut plus ordinaire, d'une rédaction ordinaire, mais avec des ambitions illimitées. Des ambitions nourries d'une volonté commune de résister aux aléas de la profession et de continuer d'avancer. Cet anniversaire, le 45e dans la vie de cette institution historique, vient à point nommé. Il nous rappelle que les journalistes ne meurent pas riches, mais vivent pleinement leur vie, au quotidien, avec ses joies, ses folies, ses déboires, ses frustrations mais aussi ses rêves, ses espérances et ses illusions. Ceux qui ont choisi ce métier le savent et ceux qui ne le savaient pas de leur carrière, l'apprennent en cours de route. Le combat mené par Al Bayane, en tant que support de presse, était sans être utopique, depuis plus de quatre décennies, un combat pour le droit au bonheur d'une nation, d'un peuple et de toute l'humanité. Un combat quine se souciait guère des résultats purement comptables des bilans périodiques, mais se mesurait aux fruits des avancées de la société et des accomplissements d'un peuple. Al Bayane est une petite rédaction ordinaire, certes, qui se bat pour perpétuer un idéal progressiste, moderniste, démocratique et foncièrement humain, hérité d'une longue tradition de militantisme et d'engagement. Car même si les militants engagés ouvertement PPS au sein de la rédaction sont minoritaires, leurs valeurs, leurs convictions et leurs idéaux sont partagés par tous. Telle est notre vie au quotidien.