Deux tueurs à gages garent un maxiscooter devant un café, y entrent sans ôter leur casque et défouraillent, ouvrent le feu en direction d'une table, assassinant froidement, d'une balle en pleine tête, son occupant, et blessant deux autres personnes. On dirait le début du pitch d'un long-métrage de Scorsese ou un passage de l'excellent «Gomorra», roman du journaliste italien Roberto Saviano, qui décrit en détail les ramifications et les modes opératoires de la Camorra, la tristement notoire mafia napolitaine. Malheureusement, ces faits macabres ont eu lieu à Marrakech, plus précisément dans un café huppé du non moins huppé quartier Hivernage, le café La Crème, en l'occurrence, jeudi dernier vers 19h45. Très vite, parce que l'actualité, tant internationale que nationale, est jalonnée d'attentats terroristes, c'est cette piste qui a été privilégiée au niveau des réseaux sociaux et sur certains sites d'infos électroniques, ceux qui font feu de tout bois, qui prennent part à la course à l'info sans se soucier de la recouper. Mais un communiqué de la Direction générale de la sûreté nationale(DGSN) a rapidement mis les choses au clair, sans toutefois parvenir à tordre le cou aux conjectures, aux «fake news». Sur le Web, même plusieurs heures après les faits, on pouvait trouver tout et son contraire : les «victimes collatérales» auraient succombé à leurs blessures, à en croire ce webzine, seraient dans un état stable selon tel autre... D'ailleurs, même le chef du gouvernement, Saâd-Eddine El Othmani, s'est laissé prendre à ce petit jeu, qui a annoncé sur ses comptes Facebook et Twitter l'arrestation des deux «motards» avant de se rétracter quelques instants plus tard en publiant ce message : «En contact direct avec les responsables, il apparaît que la recherche des auteurs de l'attaque est toujours en cours et ceux qui ont été interpellés auparavant n'ont rien à voir avec cette affaire. Que Dieu préserve la sûreté de notre pays». Finalement, c'est un nouveau communiqué de la DGSN, relayé vendredi matin par la MAP, qui a annoncé l'arrestation, par le service préfectoral de la police judiciaire de Marrakech, de «six personnes à Casablanca pour leur implication présumée» dans cette triste affaire. Ce coup de filet n'aurait pas permis de mettre la main sur les deux tueurs à gages, cependant. Dans ce document, on apprend aussi que l'opération de ratissage «a permis de retrouver le motocycle, l'arme à feu et des balles utilisés dans l'exécution du crime», mais aussi que «les auteurs présumés ont mis le feu et abandonné dans un terrain vague» les indices susmentionnés, «qui font actuellement l'objet d'examens techniques et balistiques». La DGSN précise enfin que l'enquête a permis «d'identifier l'identité du principal suspect qui a commandité ces actes criminels». Il s'agit d'une personne recherchée dans des affaires de «blanchiment d'argent, de trafic international de drogue et d'extorsion». Plus tard dans la matinée du vendredi, nouveau rebondissement : citant des sources proches de l'enquête, le portail 2M.ma révélait que parmi les 6 personnes alpaguées figure le propriétaire du café, «qui aurait été la vraie cible des tueurs». Ce dernier, qui aurait reçu, par le passé, des menaces émanant du commanditaire présumé de l'assassinat, aurait été attablé au même endroit que la victime quelques instants avant que ne déboulent dans son café les tueurs et il aurait pris, sitôt ceux-là partis, la poudre d'escampette en compagnie de son frère. Il semblerait que cette affaire est loin d'avoir livré tous ses secrets...