Sonasid : 12% de hausse des ventes sur les neuf premiers mois    Rabat : un agent de sécurité suspendu pour soupçons d'abus de fonction et de détournement de matériel    Polisario-aligned NGO warns French companies against investing in Sahara    Mohamed Khouyi sacré meilleur acteur au Festival du Caire pour Marja Zarqa    Mohamed Hajib et Ali Lmrabet faussent un jugement allemand «non définitif» pour tromper l'opinion publique    Le soutien du Royaume-Uni à la souveraineté du Maroc sur le Sahara, « un impératif stratégique »    Addis-Abeba: Latifa Jbabdi élue vice-présidente de la plateforme des femmes africaines pour la justice transitionnelle    Scientists announce the extinction of a bird last seen in Morocco in 1995    Météo Maroc : Temps chaud et vents violents avec chasse-poussières    Riaya 2024-2025 : Mobilisation de moyens dans la région Fès – Meknès    L'inexorable rejet international de l'inexistante «RASD»    Journée mondiale des transports durables : l'ONCF lance une promotion spéciale    Le Trésor place 3,5 MMDH d'excédents de trésorerie    Arrestation de Boualem Sansal : l'hallucinante rhétorique antisémite du régime algérien contre Emmanuel Macron et la France qui appuie sa folle dérive autoritaire    Victoire de Trump et échec des démocrates : quels enseignements pour les partis politiques au Maroc ? [Par Amine Karkach]    L'Uruguay retient son souffle avant le deuxième tour des présidentielles    LDC (F) Maroc 24: L'AS FAR très proche de sa 2e étoile !    Botola D1 J11. Acte II : IRT-MAT et RSB-HUSA au programme d'aujourd'hui    Monopole des courtiers sur les rendez-vous de visa : Nasser Bourita tape du poing sur la table    Les dimensions de la visite du président chinois au Maroc : des transformations stratégiques    Le Maroc lancera les premières adjudications relatives au gazoduc Afrique atlantique en 2025    Grèves des médecins du secteur public : Aux origines d'un malentendu onéreux [INTEGRAL]    Echange commercial Maroc-Royaume-Uni : Rabat affiche un excédent commercial de 1 milliard de livres sterling au deuxième trimestre-2024    Mpox: l'OMS maintient son plus haut niveau d'alerte    Alfa Romeo Junior : ce que vous devez savoir sur ce SUV urbain    Bensaid : Le théâtre, vecteur de la culture marocaine à l'international    Cinéma : Avec plus de 10 semaines en salles, Triple A" brille au BO    Speed-meetings : le sésame des artistes à Visa For Music    Les températures attendues ce samedi 23 novembre 2024    Le temps qu'il fera ce samedi 23 novembre 2024    Le Maroc, un modèle en matière d'égalité et de parité dans le monde arabe    Patrice Motsepe : la CAN féminine Maroc 2024 sera la "meilleure" et la "plus réussie"    La COP29 prolongée, en l'absence d'un compromis    Un souffle éthique au cœur de l'Istiqlal    L'Algérie libère deux groupes de 43 Marocains emprisonnés depuis des années    UNAF U17/ Cet après-midi, un intense Maroc-Algérie : Horaire? Chaînes ?    La COP29 prolongée, en l'absence d'un compromis    CAN Féminine Maroc 2024 : Le Maroc dans le groupe A avec la RDC, la Zambie et le Sénégal    Botola : Le Raja et le Wydad se neutralisent dans le derby de Casablanca    Sophie De Lannoy : "Chaque personnage est inspiré d'une personne réelle"    Ce que l'on sait d'Orechnik, le missile balistique russe qui a semé la panique [Vidéo]    Démantèlement d'une cellule terroriste affiliée à "Daech" dans le cadre des opérations sécuritaires conjointes entre le Maroc et l'Espagne (BCIJ)    Première édition de Darb Race, le 8 décembre prochain à Dar Bouazza    Des partis marocains appellent à l'application de la décision de la CPI contre Netanyahu et Gallant    Protection du patrimoine marocain : Mehdi Bensaïd affûte ses armes    Cinéma : "Gladiator II", le retour réussi de Ridley Scott    Visa For Music : À l'ExpoStand, les musiques du monde se rencontrent!    Démantèlement d'une cellule terroriste affiliée au groupe Etat islamique lors d'une opération hispano-marocaine    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Hommage à feu Abdallah Bayahya
Publié dans Albayane le 15 - 10 - 2017

Des sentiers de la création aux servitudes de la fondation
Le Festival International du Film de Femmes de Salé vient de rendre un hommage posthume, dans sa onzième édition, à l'homme de cinéma marocain Abdallah Bayahya qui vient de décéder le 12 août dernier.
Cet hommage, quoi que lacunaire, est venu réparer un oubli subi par l'une des personnes qui ont été les plus engagées dans la cause du cinéma au Maroc. Abdallah Bayahya n'était pas ce qu'on peut appeler un «soldat de l'ombre», car les actions qu'il a menées ont été trop importantes, quelques unes décisives, mais le grand public est peu au fait de ses grandes réalisations. Ce natif de Salé, en 1943, a été parmi les premiers jeunes marocains partis se former aux métiers du cinéma après l'indépendance. Il passe par L'IDHEC, section prise de vue de 1963 à 1965 puis effectue des stages au Centre Audiovisuel de Saint-Cloud et à l'Office de Radiodiffusion et Télévision Française (ORTF) où il a obtenu un diplôme de réalisation. A son retour au Maroc en 1966 il intègre le CCM, où il sera l'un des piliers de l'administration à laquelle il restera fidèle jusqu'à son départ. Il occupera très tôt des postes administratifs de responsabilité, grâce à sa grande capacité de travail, ses dons de gestionnaire et un sérieux que d'aucuns, agacés, qualifieront de pointilliste, d'abord comme chef du service des Actualités, puis du service de la production, ensuite en tant que chef de la division du fonds de soutien et enfin assistant du Directeur Général du CCM.
Au four et au moulin
«Le virus du cinéma», il l'avait attrapé très jeune en fréquentant les salles de cinéma de Salé, et avant d'intégrer le CCM, il s'était déjà fait la main pendant sa formation et avait à son actif trois courts métrages en 16 mm (Les Imprévus en 1964 adaptation et réalisation, Drame d'un soir, Image et collaboration, Premiers pas, Image et réalisation en 1965) et un moyen métrage La trompette (scénario et réalisation, également en 1965 et en 16 mm).
Les charges administratives n'ont jamais réussi à l'éloigner du terrain. Il mettra régulièrement « la main à la pâte » dans les Actualités qui alimentaient les salles en réalisant des séries de magazines, jusqu'en 1970. Il réalisera des reportages (Le voyage du grand sud, Le raid Liège Dakar 69) et participera à une vingtaine de courts métrages documentaires dans différents postes, comme c'était courant à l'époque, (dont Noir et blanc en 67, Galops au soleil en 1970, Ih ya zamane, en 1972, Pages d'histoire du Sahara marocain en 76, Khouribga, en 1992) et à quelques productions étrangères (Les espions en 67, Le pistonné en 69). Il participera à l'éclosion du jeune cinéma marocain en travaillant, toujours à l'image, sur les premiers longs métrages, «Vaincre pour vivre, 1968, Soleil de printemps, 1969, Chergui, 1975, Le mirage 1979).
Sentiers perdus, une forte et belle œuvre oubliée
Cependant, c'est dans deux expériences que Bayahya a donné la pleine mesure de ses talents. D'abord, en 1971, en tant que scénariste et réalisateur de Sentiers perdus, court-métrage de fiction, genre rare à l'époque. Ce court métrage, par ses qualités techniques et esthétiques rappelle ceux faits par des cinéastes talentueux et courageux comme Bouanani, Afifi ou Rechiche qui ont réussi, malgré les contraintes et les obstacles, à réaliser des œuvres personnelles et originales. Mais il détonne dans l'ensemble par l'alliance d'un réalisme poussé à l'extrême et, paradoxalement, une forte charge poétique. Cette histoire d'un jeune campagnard dont la scolarité est contrariée, voire bloquée par la pauvreté et l'éloignement, est poignante. Bayahya donne une âme et une parole à la bicyclette brinquebalante, cause des retards, qui s'obstine à clamer son innocence et décrit, de même, la vie difficile d'une classe sociale à travers un itinéraire individuel. Il a démontré qu'il aurait pu se faire une place parmi les réalisateurs qui ont compté, s'il n'avait été happé par le sacerdoce de la gestion du cinéma et le service des autres. L'œuvre, riche et toujours actuelle, a été souvent exploitée à des fins didactiques. L'auteur de ses lignes l'a utilisée maintes fois dans des formations et des animations.
Ensuite, en 1979, comme responsable de l'image dans Le Mirage, de Ahmed Bouanani, une des premières œuvres maîtresses du cinéma marocain, dans laquelle il s'était investi, corps et âme, comme en témoignent ces extraits de l'oraison funèbre qu'il a dédiée à son ami :
«On m'a demandé de parler de toi. Pourquoi donc ? Pourquoi pas !
Parce qu'il y a amitié, complicité, convergence, désir de défaire les préjugés, de faire positif, de rêver. «Vous voulez toujours faire du cinéma ?», nous a-t-on dit quand nous préparions le tournage.
Te souviens- tu? «Assarabe» ? Nous avions ri pour faire bonne figure. Mais dans le fond... ! Nous l'avons fait, avec les «mardas», partout et ailleurs, les habs imperturbables et les Af imprévisibles, avec les uns et les autres, contre vents et marées. Joyeusement, rageusement. Avec des bouts de ficelles, des clous sans tête, des projos dépareillés des travs saccadés, des reflects rouillés, des câbles courts...
Te souviens-tu ?… Des soirées à décortiquer ce qui a été filmé ? Des plans à refaire ?des séquences à imaginer ?…A pleurer de joie, de Rage ? D'inquiétude ?».
C'est après cette expérience, aussi exaltante qu'éprouvante, mais pleine d'enseignements, que Bayahya s'est engagé totalement dans le projet qu'il considérait désormais comme le fondement nécessaire à tout décollage de la production cinématographique marocaine, le fonds de soutien.
L'homme-orchestre du Festival National du Film,
Dans le document de Abelilah Jawhary, projeté à l'occasion de l'hommage de Salé, Kouider Bennani, l'un des anciens directeurs du CCM, avec lequel Bayahya a travaillé pendant dix ans, a mis en exergue le rôle décisif joué par notre homme dans la mise sur pied du «fonds d'aide à la production et à l'exploitation cinématographique» lors de son institution en 1980 et dans sa mise en œuvre. Mais pour Bayahya, la véritable opérationnalisation de ce soutien ne pouvait se réaliser que par la concrétisation de l'un des objectifs essentiels de ce fonds et qui est, comme il est stipulé dans le texte officiel, la fondation d'«une manifestation à caractère artistique et culturel qui a pour objectif le développement de la production cinématographique nationale en permettant de dresser le bilan de notre expérience, de créer un cadre de rencontre, de dialogue et d'échange». L'organisation de ce premier festival, «le grand baptême» comme on l'avait qualifié, eut lieu à Rabat du 9 au 16 octobre 1982 dans des conditions difficiles, grâce à un travail de titan de l'équipe qui travaillait sous la houlette de Bayahya, Secrétaire général du festival, «Sincère, enthousiaste, généreux...». «Les moyens du festival étaient à l'image de la production », dira-t-il plus tard. La deuxième édition fut tenue à Casablanca, avec une légère amélioration, du 15 au 22 décembre 1984.
La troisième édition fut organisée à Meknès du 26 octobre au 3 novembre 1991. Bayahya fut nommé Délégué Général et géra de main de maître cette édition pendant laquelle le festival atteignit la vitesse de croisière qui sera désormais la sienne. Les conditions s'étaient nettement améliorées et les activités furent intenses et diversifiées. Pour la première fois, un colloque digne de ce nom fut organisé dans le cadre du festival sous le thème « Pour la promotion du cinéma national ». Il s'appuyait sur une enquête menée par l'équipe de Recherches Sociologiques de la Faculté des lettres des Sciences Humaines de Ben M'sik, de juillet à octobre 1991. Le rapport de synthèse de l'enquête intitulée « Le cinéma marocain et son public » était présenté dans un livret de 70 pages remis aux participants avec le catalogue et le programme. La programmation avait été enrichie par la projection d'une dizaine de films maghrébins qui permirent au public de connaître des cinémas presqu'inconnus alors, en dehors des ciné-clubs. Ces films avaient été apportés par des délégations de cinéastes et de responsables algériens, tunisiens, libyens et mauritaniens venus signer un protocole d'accord sur des projets intermaghrébins. Cette édition fut marquée aussi par l'entrée de la Chambre des producteurs, comme membre à part entière dans l'organisation du festival.
Le maître d'œuvre de la Cinémathèque Nationale
Les charges administratives et d'organisation n'ont jamais altéré l'intérêt de Bayahya pour la culture cinématographique. Aussi le chantier qui n'a cessé de le préoccuper et auquel il consacra dix ans de sa vie fut-il celui de la cinémathèque.
Il ne cessa de suivre le dossier et de harceler les différentes parties concernées par la réalisation du projet, sans relâche, à tous les échelons, à toutes les étapes, à tel point que l'on taxait son entêtement d'hantise obsessionnelle. « Tous ceux qui sont concernés, de près ou de loin par l'audiovisuel et le cinéma savent que la cinémathèque est une nécessité. L'existence des cinémathèques à travers le monde a prouvé ses aspects positifs aussi bien pour le rayonnement de la culture cinématographique que dans l'évolution du cinéma » disait-il. Tout au long de la lente concrétisation du projet, il ne cessait d'étudier avec minutie tous les détails, de l'architecture jusqu'à la forme et la couleur des sièges, en passant par le matériel, cherchant le meilleur et au prix le plus raisonnable. Lorsque la construction fut finie en 1995, il s'attela à faire vivre l'établissement en se procurant, par des moyens et des efforts qui seraient trop longs à évoquer, des films pour mettre sur pied une collection permettant l'établissement des programmes de projection. Ce qu'il fit en organisant, avec la collaboration d'Ahmed Araib, des événements diversifiés destinés aux cinéphiles dont les dizaines de dépliants témoignent encore. Un répertoire de plus de quatre cents cinquante films de tous les pays du monde était mis à leur service ainsi qu'une bibliothèque de quelques six cents ouvrages et revues. Un musée du cinéma faisait partie des curiosités que les lycéens du royaume venaient admirer dans des visites guidées, découvrant à l'occasion le matériel historique légué gracieusement par Mohamed Osfour, dont la cinémathèque a contribué au sauvetage des films
Les opérations menées par Bayahya dans ce cadre sont trop nombreuses pour être relatées ici. Toutefois, il y en a une qui a eu pour lui une grande importance, c'est l'organisation du 57ème Congrès de la Fédération Internationale des Archives du Film (FIAF) qui s'est tenu à Rabat en avril 2001 et qui a regroupé des représentants de plus d'une centaine de cinémathèques à travers le monde. Ce grand symposium international a pris plusieurs années de préparation et connu un énorme succès international comme le montre le numéro 64 qui lui été consacrés par la prestigieuse Revue de la Fédération Internationale des Archives du Film en 2002.
Après la retraite, affaibli par la maladie et oublié de ceux qui sollicitaient sa compagnie et surtout son aide, l'homme s'est replié sur lui-même et sur sa solitude. Toutefois, le nouveau directeur du CCM a accompli une action méritoire en l'invitant à assister au Festival National du Film à Tanger. La dernière fois où je l'y ai rencontré, en mars 2017, il m'avait fait part de son bonheur, à la manière d'un enfant. Et j'ai vu comment un geste de reconnaissance pouvait faire du bien et éclairer les derniers jours d'une vie.
Ahmed Fertat


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.