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Adaptation aux changements climatiques
Publié dans Albayane le 09 - 10 - 2017


Définir des métriques pour plus de financement
Il ne fait plus aucun doute aujourd'hui que «l'adaptation» constitue au côté de «l'atténuation» la voie royale pour contrer les effets néfastes des changements climatiques. Si «l'atténuation» des émissions de CO2 pour atteindre la barre des 1,5°C implique majoritairement les pays développés, principaux responsables des bouleversements du climat à l'échelle planétaire, «l'adaptation» mobilise quant à elle les pays en voie de développement. Ceux-ci, en tant que victimes des actions du Nord contre le climat, sont contraints de trouver des stratégies et mesures pour réduire leur vulnérabilité contre les effets des changements climatiques. Toutefois, à l'heure actuelle, l'adaptation ne draine que 20% des financements. En cause, la réticence des institutions financières internationales à mobiliser des fonds pour de tels projets, étant donné l'inexistence de métriques et indicateurs spécifiques pour mesurer de manière quantifiable leur impact, les bénéfices, la rentabilité.Du 6 au 7 octobre, des chercheurs, acteurs financiers, experts en changements climatiques et ONG se sont réunis à Benguerir en vue de définir les instruments de mesure permettant d'accroitre le financement de tels projets, notamment dans les domaines de l'eau et de l'agriculture.
Critiquées de ne pas financer assez les projets d'adaptation des pays du Sud, notamment africains, les institutions financières internationales se sont finalement résolues à l'issue de la COP 22 à accroitre le financement de ces projets entre 25% et 30%, sachant qu'à l'heure actuelle, elle se situe sous la barre des 20%. Mais avec une exigence :la définition d'instruments et métriques standardisés pour mesurer l'impact concret de ces projets, à l'instar des outils de mesure de réduction des gaz à effet de serre dans le cadre de l'atténuation. Chose qui n'est pas évidente, puisque l'impact de l'adaptation n'est pas facilement quantifiable sur le court terme, ne permettant pas ainsi de disposer de chiffres. Pour le président de la COP22, qui intervenait dans le cadre de la 2e conférence internationale sur l'adaptation aux changements climatiques, si l'adaptation n'est pas facilement mesurable, elle est toutefois nécessaire. « Nous sommes actuellement dans des schémas financiers de rentabilité, de retour sur investissement. Quand il s'agit des questions d'adaptation, il faut aller au-delà pour venir en aide aux pays les plus vulnérables. Aujourd'hui, les financiers de même que les acteurs sur le terrain sont demandeurs de métriques sur l'adaptation», a-t-il déclaré. Toutefois, a-t-il fait remarquer, l'adaptation ne souffre pas que de la réticence des institutions financières internationales. Aujourd'hui, au Maroc, elle ne s'arroge que 6 à 7% des fonds gouvernementaux publics destinés aux changements climatiques, a-t-il déclaré.
Adaptation : vers une méthodologie standardisée
Considérée au départ juste comme une question locale et non globale par les pays développés, l'adaptation a finalement été reconnue avec l'Accord de Paris comme une question vitale et globale. « Une victoire pour les négociateurs du sud», selon Mohammed Benyahia, secrétaire général du développement durable, membre du comité de pilotage de la COP 22. En effet, à l'origine, « c'est surtout l'atténuation qui retenait l'attention des négociateurs, puisqu'on était dans une logique de réduction des émissions», a-t-il déclaré. L'adaptation ayant été finalement reconnue comme une solution pour assurer la résilience des populations face aux changements climatiques, « il appartient désormais aux techniciens et aux scientifiques d'avoir une deuxième victoire sur le plan technique », a-t-il déclaré. «Il faudrait aujourd'hui, à l'instar de ce qui a été fait pour l'atténuation, avoir une méthodologie standardisée et approuvée par l'ensemble de la communauté internationale», a-t-il poursuivi.
En effet, la complexité de l'adaptation est de trouver la part due aux changements climatiques et le surcoût que doivent prendre en charge les Etats. En outre, certains aspects sont difficiles à discerner, entre autres : les impacts des changements climatiques sur la santé, l'impact sur la biodiversité, puisque ces phénomènes sont à évolution lente... Toutefois, pour Benyahia, cette complexité ne devrait pas justifier l'inaction, puisque la métrique de l'adaptation devrait permettre aux pays du Sud d'accéder non seulement au financement, mais également au renforcement des capacités, au transfert des technologies.Pour Abdalah Mokssit, secrétaire du Groupement d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), définir les métriques de l'adaptation reviendrait à dégager des objectifs et à spécifier en outre les métriques de la mal adaptation. Il serait avantageux, selon lui, non pas de compartimenter atténuation et adaptation, mais de trouver des moyens pour lier leurs différentes métriques.
Des exemples ayant fonctionné
Dans le cadre de cette 2e conférence sur l'adaptation, après celle tenue en 2016 à Skhirat, plusieurs organisations et experts ont présenté des modèles de métriques ayant prouvé leur efficacité. L'objectif étant de les exploiter pour définir des métriques standardisées pouvant servir à mesurer et évaluer les projets liés à l'adaptation au niveau mondial. A titre d'exemple, la Higher Ground Foundation qui encourage l'investissement dans les projets d'adaptation. L'organisation a créé le « Crédit de réduction de vulnérabilité » (VRC), un outil de mesure économique des effets des projets d'adaptation dans la réduction de la vulnérabilité. Il s'agit d'un certificat qui permet d'attester de manière quantifiable qu'un projet a atteint ses objectifs d'adaptation aux effets du changement climatique.De même, «Perspectives Climate Change», une organisation allemande, a élaboré la méthode «Savedwealth, Savedhealth» pour quantifier les bénéfices des projets d'adaptation, en termes de richesses et de santé. L'approche, qui a été appliquée avec succès à 5 projets d'adaptation dans différents pays, a toutefois prouvé ses limites à cause de l'incertitude des projections sur le changement climatique, le défi de la collecte des données à l'échelle locale...
En matière d'eau et d'agriculture, le Maroc a enregistré une expérience en termes d'innovation et d'initiatives, a noté Mohammed Benyahia, secrétaire général du développement durable. A titre d'exemple, la politique des barrages entamée depuis les années 60, la réutilisation des eaux usées, le développement de l'aridoculture... Le Royaume prépare actuellement son Plan d'adaptation qui sera décliné au niveau des territoires, des régions.

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Balgis Osman-Elasha, experte en changements climatiques à la BAD
«L'adaptation est un processus dont on ne peut mesurer l'impact sur le court terme»
Al Bayane: Quelles sont les métriques utilisées par la Banque Africaine de Développement pour financer les projets d'adaptation?
Balgis Osman-Elasha: La Banque Africaine de Développement (BAD) utilise un cadre de suivi et d'évaluation. Nous disposons d'indicateurs pour mesurer l'impact des projets, mais aussi d'indicateurs de résultats et de réalisations à différents niveaux. De manière générale, l'adaptation est un processus dont on ne peut mesurer l'impact sur le court terme. On peut toutefois mesurer les «outputs» et «outcomes» qui peuvent servir d'estimations de l'impact futur. Les projets d'adaptation sont ceux qui ciblent de manière spécifique le renforcement des capacités, l'intervention pour améliorer les capacités d'adaptation... Nous calculons également le montant supplémentaire qui est ajouté au projet pour améliorer sa résilience, comme dans le cadre des projets de regroupement climatiques... Nous utilisons en outre la méthodologie du «MDB tracking» pour faire le suivi financier des projets d'adaptation, d'atténuation. Notre cadre de suivi et d'évaluation est considéré comme un document en évolution qui peut être actualisé au fur et à mesure que nous disposons de plus d'informations.
Utilisez-vous les mêmes métriques pour tous les secteurs?
En effet, les indicateurs que nous utilisons varient en fonction des secteurs. Les indicateurs de l'eau ne sont pas ceux de l'agriculture ou encore de la santé. Dans chaque domaine, il y'a des indicateurs permettant de mesurer les progrès en termes d'adaptation.
Comment incorporer l'adaptation dans les projets locaux et les politiques publiques?
Pour incorporer l'adaptation dans n'importe quel projet, il faut s'y prendre dès le début du projet. Il faut voir dans quelle mesure les éléments de l'adaptation peuvent y être intégrés. Il faut également lier le projet à un impact spécifique du changement climatique, sinon ce ne sera qu'un projet de développement.Si vous avez un projet, il faut entreprendre une évaluation des risques pour déterminer dans quelle mesure ce projet est exposé aux risques climatiques. Si vous construisez une route et vous savez que vous le faites dans une région sensible aux inondations, vous devez prendre cette donnée en considération et élaborer le projet de telle sorte qu'il minimise l'impact du changement climatique. Il y'a un coût supplémentaire pour cela. Si vous ne le faites pas dès le début, ce coût supplémentaire sera plus élevé.
D'après vous, comment accroitre le financement des projets climatiques en Afrique?
Nous sommes en train de renforcer les compétences des pays membres de la BAD pour les aider à accéder à la finance climatique, pour être informés de l'existence des différents fonds et des moyens leur permettant d'y avoir accès.
En effet, la BAD a été accréditée pour le Fonds vert pour le climat, le Fonds pour l'environnement mondial, le Fonds d'adaptation, le Fonds d'investissement climatique. Elle est devenue l'entité multilatérale de mise en œuvre de ces différents fonds. A travers la BAD, les pays peuvent donc avoir accès aux différents fonds gérés par la banque.Par ailleurs, nous cherchons désormais à intégrer la composante climatique dans tous les projets d'investissement de la banque, en identifiant les risques et les mesures d'adaptation dans l'élaboration des projets.
Pensez-vous qu'on doit lier les métriques d'adaptation et d'atténuation?
Mesurer l'atténuation en termes de réduction d'émissions n'est pas vraiment pertinent en Afrique en ce moment. Réduire les émissions de gaz à effet de serre n'est pas la principale préoccupation de l'Afrique, puisque l'Afrique n'émet pas de gaz à effet de serre. L'ensemble des émissions en Afrique sont en deçà de 4%. Mesurer l'atténuation en Afrique n'a rien à voir avec la réduction des émissions en Afrique. Il est plutôt question d'une contribution à l'effort mondial (NDCs).
Dans le cadre de projets liés à l'énergie, si nous voulons réduire les émissions c'est principalement pour disposer d'énergie pour le développement, pour avoir une sécurité énergétique. La sécurité énergétique est aussi une métrique d'adaptation parce que grâce à l'énergie, les populations africaines peuvent s'adapter aux effets du changement climatique. L'objectif ultime de l'atténuation ou du développement à bas carbone est le même que celui de l'adaptation. Donc les deux peuvent être liés de manière spécifique en Afrique.


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