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En marge des préparatifs de la COP22 au Maroc (2ème partie) : Enjeux de l'Accord de Paris : Mécanismes, instruments de tarification, prix du carbone & transparence
Les instruments économiques et financiers qui conduisent à donner un prix au carbone, explicitement ou implicitement, permettent d'émettre des signaux clairs sur les bénéfices à émettre moins de carbone ou, de façon symétrique, sur le coût que les émissions de GES font porter à la société. C'est en cela qu'ils concourent à accélérer la transition énergétique. Cette transition va s'effectuer dans un contexte budgétaire et financier très contraint. C'est sous cette contrainte qu'une lutte efficace contre le changement climatique passera par le développement de mécanismes et d'instruments financiers innovants et adaptés à chaque contexte en premier l'édification et la mise en œuvre d'une politique et un marché de tarification du carbone (prix du carbone & commerce) afin d'orienter les décisions d'investissement des entreprises, de démultiplier l'innovation et de diffuser le recours aux solutions bas carbone. Ce rendez-vous doit être intelligemment respecté ! Coalitions multilatérales, politique marocaine de tarification du carbone et marché d'échange avec les alliés stratégiques traditionnels paraissent les maîtres-mots pour anticiper l'accès aux financements de toute transition énergétique garantissant le maintien du rythme de progrès et de développement des pays moins émetteurs de gaz à effet de serre (GES). I- ARGUMENTAIRE POUR DONNER UN PRIX AU CARBONE Agir pour le climat procure de multiples bénéfices en plus d'éviter des dommages : une meilleure autonomie énergétique, la réduction des pollutions atmosphériques, néfastes pour la santé humaine, les retombées économiques des nouveaux secteurs d'activité de la croissance verte... Le prix du carbone représente le prix payé pour couvrir l'impact des émissions de gaz à effet de serre (GES) sur l'environnement. En effet, fixer un prix pour le carbone, c'est mettre en place un outil efficace pour encourager la transition vers une énergie plus écologique : la production d'énergie à base de sources fossiles, par ailleurs fortement émettrices de GES, devient ainsi plus chère et donc moins attrayante, ce qui libère des capitaux pour aider à promouvoir des solutions n'émettant pas de carbone. Outre les bénéfices environnementaux et climatiques d'une réduction des émissions de GES, les décideurs politiques prennent conscience que si les politiques de tarification du carbone sont bien alignées aux intérêts nationaux, elles peuvent offrir de nombreux autres co-bénéfices directs et indirects (Parry, 2014). Mettre un prix sur le carbone peut apporter différents co-bénéfices en renforçant la sécurité énergétique nationale, en favorisant le changement d'énergies fossiles, en soutenant le déploiement des énergies renouvelables, ou encore l'investissement dans des mesures d'efficacité énergétique. En outre, de nombreux co-bénéfices sociaux et sanitaires peuvent émerger. Par exemple, si le prix du carbone encourage les changements de comportement en termes de mobilité, les co-bénéfices pour la santé peuvent dériver d'une meilleure qualité de l'air résultant d'émissions automobiles réduites (Parry, 2015). Par ailleurs, les instruments de tarification du carbone peuvent générer de nouveaux revenus pour les gouvernements qui peuvent être investis dans la réduction des émissions dans les secteurs qui ne sont pas couverts par la politique et, ainsi, élargir la portée des avantages environnementaux. Ces revenus peuvent également être alloués à des projets visant à réaliser les objectifs de développement ou à réduire les effets de distorsions des taxes. Par exemple, le Québec et la Californie consacrent une grande partie des revenus issus de leurs systèmes de quotas de CO2 à la construction d'infrastructures de transport public. Les revenus peuvent également être utilisés pour soutenir les populations les plus vulnérables à la hausse des coûts de l'énergie, tels que certaines industries vulnérables ou les ménages à faible revenu. La Californie, par exemple, investit au moins 25 % des revenus dans des initiatives qui ciblent les communautés défavorisées (California Senate Bill 535, 2012). II- SYSTEMES D'ECHANGE D'EMISSION ET TARIFICATION CARBONE DANS LE MONDE En 2014, la banque mondiale a recensé 40 pays, couvrant 12 % des émissions mondiales, qui ont instauré une taxe carbone ou un mécanisme d'échange de quotas ou sont en phase de préparation dans cette perspective. Plusieurs instruments de tarification du carbone peuvent être utilisés par les gouvernements pour réduire leurs émissions de GES. Ces instruments incluent : a) les taxe-carbone, b) les mécanismes de crédits carbones, c) les systèmes d'échange de quotas d'émissions de CO2 qui fixent directement le prix des émissions de carbone (tarification explicite du carbone), ainsi que les normes d'émission et les taxes sur l'énergie qui fixent indirectement la tarification du carbone (tarification implicite du carbone). Une tarification du carbone, qu'elle soit explicite ou implicite, peut également être mise en place volontairement par les entreprises et les organisations (tarification du carbone interne). Il existe aujourd'hui une mosaïque d'instruments qui donnent explicitement ou implicitement des prix du carbone à l'échelle d'un pays, d'une région, d'un secteur. Aucun de ces instruments ne s'applique à l'échelle mondiale, les taxes carbone étant d'abord des mesures nationales voire infranationales. Le marché de quotas de l'Union européenne est le premier marché régional du carbone. Des marchés pilotes infranationaux ont été créés en Chine. La mise en relation des marchés californiens et québécois est le premier exemple d'un rapprochement réussi entre marchés infranationaux. L'éventail des prix du carbone observés de par le monde va de quelques euros au Mexique à plus de 100 euros en Suède. Comme l'illustre la carte mondiale du prix du Carbone ci-dessus, les prix du carbone explicites dans le monde varient selon les juridictions. En 2015, les prix explicites du carbone variaient entre 1,8 € et 123 €/tCO2e. III- COALITIONS MULTILATERALES DE TARIFICATION DU CARBONE Pour soutenir l'adoption croissante de politiques domestiques de tarification du carbone, plusieurs initiatives multilatérales ont émergé dans le but de créer des opportunités pour les acteurs publics et privés et d'approfondir la discussion sur la tarification du carbone. Ces initiatives visent à fédérer le soutien des gouvernements pour les politiques de tarification du carbone, à partager les connaissances et les expériences et à fournir une aide technique, pour faciliter la mise en œuvre de politiques de tarification du carbone efficaces dans le monde. La Banque mondiale a mis au point le « Partnership for Market Readiness (PMR) », qui est programme d'assistance financière et technique pour la mise en œuvre d'une tarification du carbone. Il est destiné à aider les pays en développement et émergents à se préparer à la mise en œuvre d'une tarification nationale du carbone. Dans le même sens, le G7 a créé, en 2015, la « Carbon Market Plateform » qui vise à faire progresser le développement et la liaison des systèmes d'échange de quotas d'émissions établit par des pays du G7 et à explorer de nouvelles voies de coopération récemment étendues aux pays non membres du G7. Sur la plate-forme du G7, plusieurs problématiques ont été identifiées telles que : ---- la conception de règles ou de lignes directrices communes de comptabilisation, ----l'utilisation de mécanismes de marché, ----les possibilités de coordination internationale. Toujours dans ce même objectif, des plates-formes telles que le Partenariat international d'action sur le carbone (ICAP) et la « Carbon Pricing Leadership Coalition » (CPLC), soutenues par la Banque mondiale, rassemblent des entités du secteur public et privé pour partager les expériences de tarification du carbone et examiner les bonnes pratiques. Ces discussions multilatérales et internationales de haut niveau ont joué un rôle essentiel dans l'envoi de signaux forts aux entreprises et aux autres acteurs non étatiques sur l'expansion probable de politiques qui mettent un prix sur le carbone. Outre les initiatives gouvernementales, l'introduction de prix du carbone interne aux entreprises est également devenue une stratégie de plus en plus acceptée pour les entreprises qui souhaitent se préparer aux futures réglementations limitant les émissions de GES et adapter progressivement leurs portefeuilles d'activités et d'investissements vers des options bas-carbone. Coalition pour le prix du carbone (Carbon Pricing Leadership Coalition- CPLC) La Coalition pour la tarification du carbone (Carbon Pricing Leadership Coalition) est une initiative mondiale de haut niveau rassemblant le secteur public et privé, qui vise à soutenir et à encourager la mise en œuvre de la tarification du carbone dans le monde entier. L'idée de cette coalition a été présentée par la Banque mondiale lors du Sommet sur le climat des Nations Unies à New York en 2014, mais l'initiative a été officiellement lancée durant la COP21 le 30 novembre 2015 à Paris. La CPLC réunit 74 pays et acteurs locaux et plus de 1 000 entreprises. Elle a tenu sa première assemblée de haut niveau à Washington, en marge des Réunions de printemps de la Banque mondiale et du FMI. La France, l'Allemagne, le Mexique, le Canada, le Chili ou encore l'Éthiopie font partie de cette coalition. L'ambition de cette coalition est d'alimenter un dialogue fructueux entre décideurs publics et privés sur les opportunités d'étendre les politiques de tarification du carbone. IV- CONTRAINTE DE LA TARIFICATION POUR LES INDUSTRIELS ET AUTRES En examinant les prix nationaux, il est important de noter que l'efficacité d'un prix du carbone ne peut pas seulement être déterminée par sa valeur, mais plutôt par la capacité de ce signal économique à encourager efficacement une décarbonation. En raison des obstacles économiques et politiques, la tarification du carbone au niveau national rencontre opposition et résistance des parties prenantes (Grantham Institute & CCEPP, 2016) en raison d'inquiétudes telles que les problèmes de compétitivité pour les secteurs industriels. Bien que ces préoccupations soient légitimes, plusieurs dispositions réglementaires sont disponibles pour réduire les impacts négatifs de la tarification du carbone, telles que : * l'allocation de quotas gratuits aux secteurs industriels les plus exposés à la concurrence internationale, ou ; * des mécanismes d'ajustement carbone aux frontières. Ces dispositions peuvent, au final, encourager un soutien politique à l'égard de la mise en œuvre des politiques de tarification du carbone par la réduction des inquiétudes issues des parties prenantes industrielles ou autres. L'Union européenne pourrait émettre 2 milliards de tonnes de CO2 de plus Le marché européen (EU ETS, pour European trading scheme) est en panne et les cours plafonnent sous la barre des 5€ la tonne de CO2. Or, de l'avis général, un minimum de 30€/t serait nécessaire pour rentabiliser les investissements que certains secteurs industriels doivent consentir pour que l'Europe respecte ses engagements climatiques (-40% d'émissions de CO2 en 2030 par rapport à 1990). Les implications de l'accord de Paris mentionnent une limite idéale de la hausse des températures à 1,5°C. Pour la respecter, l'Europe devrait réduire ses émissions de 90 à 95 % d'ici 2050 par rapport à 1990. Ce qui ne pourrait se faire qu'en rehaussant suffisamment le prix de la tonne de carbone, donc en abaissant la quantité de quotas disponibles sur le marché européen du carbone, plus tôt et plus rapidement que ce qui est actuellement prévu, à compter de 2019 et au rythme annuel de 2,2%. Ce que ne manqueront pas de contester les Etats membres les plus dépendants au charbon (Pologne en tête). En attendant, d'après une note dont le quotidien britannique The Guardian a eu connaissance, l'Union européenne pourrait émettre 2 milliards de tonnes de CO2 de plus que ce à quoi elle s'est engagée en décembre 2015 à Paris, précisément en raison d'un prix du carbone trop bas pour inciter les industriels à réduire leurs émissions. V- LE SECTEUR FINANCIER NE REAGIT PAS AU SEUL SIGNAL PRIX CARBONE La théorie économique suggère que l'action contre la pollution doit être menée jusqu'au point où les coûts de réduction des émissions deviennent plus élevés que l'avantage retiré de la réduction des dommages. Toutefois, pour le changement climatique, cette analyse coût-avantage se heurte à la difficulté, voire à l'impossibilité, de l'évaluation monétaire des impacts (Patrick Criqui, directeur de recherche au CNRS, laboratoire GAEL axe Économie du développement durable et de l'énergie (EDDEN), Université de Grenoble Alpes, 2016). Le prix du CO2 ne suffit pas, il faut actionner d'autres leviers. C'est pourquoi il est nécessaire d'actionner d'autres leviers que celui du prix du CO2 ; parmi lesquels l'encouragement de la complémentarité entre les investissements publics et privés. Il ne faut donc pas se leurrer sur la rationalité du secteur de la finance qui ne réagit pas au seul signal-prix. Pour mobiliser les investissements privés, il faut jouer sur les 3 types de motivations qui guident l'investissement responsable : la première est économique et repose sur les risques climatiques réels de long termes qui pèsent sur certains actifs ; la deuxième est financière et se rapporte à la rentabilité des investissements, compte-tenu des signaux-prix sur le carbone; la troisième motivation est morale et oblige à faire sortir les financiers de la neutralité dans laquelle ils se sont installés, en les impliquant directement dans la lutte contre le réchauffement climatique. En France, le « Rapport Quinet » a permis en 2008 de définir une valeur tutélaire du carbone dont l'application générale permettrait de respecter les engagements internationaux de la France, le «facteur 4» notamment - soit la division par 4 des émissions en 2050. Confirmées en 2013, ces évaluations - dont le point focal est la valeur de 100 €/tCO2 en 2030, au moins deux fois plus que le Social Cost of Carbon américain - ont été incorporées dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte (TECV) de 2015. La valeur tutélaire du carbone devait à l'origine permettre de prendre seulement en compte un prix du carbone dans les choix d'investissements publics, et devrait constituer la base de la fiscalité carbone imposée aux énergies d'origine fossile ; et pouvoir assurer la passerelle d'un prix du carbone indicatif pour le secteur public à une véritable taxe carbone guidant les acteurs économiques. Dans un tel contexte, la non-compétitivité des industries africaines peut entraver l'acceptation politique de mise en place de mécanismes de tarification du carbone. Sachant que l'Accord de Paris n'établit pas en soi un marché du carbone ou un prix du carbone international, les dispositions de l'Accord de Paris et notamment son article 6 pourraient-ils, à l'avenir, faciliter l'émergence d'approches transnationales qui mettraient directement ou indirectement un prix sur le carbone ? VI- TARIFICATION & PRIX DU CARBONE DANS L'ACCORD DE PARIS Selon plusieurs experts, la diversité des prix et des instruments utilisés de par le monde fausse la concurrence et ne permet pas d'atteindre les objectifs recherchés à moindre coût. En effet, un prix unique du carbone serait injuste car il n'aurait pas le même impact sur les pays pauvres et les pays riches. Par exemple, un prix du CO2 de $ 50 peut être considéré comme inacceptable en Inde en doublant le coût du ciment dans un pays en pleine urbanisation, tandis que l'impact social d'un même prix serait beaucoup plus faible en France. 6.1 Progrès par rapport au protocole de Kyoto Le Protocole de Kyoto a été la première tentative internationale de définition d'objectifs de réduction des émissions contraignants pour les pays industrialisés, fondés sur un partage de l'effort entre les Parties. La deuxième période d'engagement du Protocole de Kyoto arrivera à échéance en 2020 et sera remplacée par l'Accord de Paris négocié à la COP 21. Le nouvel Accord de Paris établi en décembre 2015 entend être le premier accord multilatéral sur le changement climatique pour étendre la responsabilité à la fois aux pays développés mais aussi en développement. L'Accord de Paris adopte une approche hybride pour définir des engagements climatiques internationaux, en fonction des circonstances nationales et du principe de «responsabilités communes mais différenciées ». Cette approche invite toutes les Parties à déterminer leurs contributions nationales volontaires (iNDCs) au cours d'un processus CCNUCC transparent, détaillant les plans climatiques à entreprendre pour la période post-2020 (Accord de Paris, 2015 ; Article 3). Toutefois, le niveau actuel d'ambition des iNDCs n'est pas suffisant pour limiter le réchauffement planétaire à 2°C, avec un écart d'émissions de CO2 estimé à environ 12 à 16 GtCO2e d'ici 2030 (PNUE, 2015). Pour combler cet écart, il est nécessaire d'internaliser les coûts environnementaux et sociaux du changement climatique (CCNUCC, 2015). Ainsi, mettre un prix sur le carbone peut être un moyen efficace pour refléter ces coûts tout en envoyant des signaux économiques et politiques clairs encourageant une décarbonatation rentable. Ainsi, sur l'ensemble des contributions nationales volontaires soumises, plus de la moitié ont mentionné la mise en place d'un prix carbone par l'utilisation potentielle de mécanismes de marché. Plusieurs ont exprimé un intérêt pour l'utilisation de mécanismes de marché bilatéraux et multilatéraux afin d'atteindre leurs objectifs de réduction des émissions. 6.2 Dispositions de l'Accord pour les politiques de tarification du carbone Contrairement au Protocole de Kyoto, l'Accord de Paris (COP21) a adopté une approche hybride, invitant toutes les Parties à déterminer leurs propres contributions pour atténuer les changements climatiques, offrant ainsi une certaine flexibilité aux pays dans le choix des outils politiques. Ce nouveau mode d'action attribue la responsabilité aux Parties et aux gouvernements infranationaux de mettre en œuvre des politiques de tarification nationale du carbone, sans recommander un outil spécifique. L'accord de Paris et les décisions qui l'accompagnent reconnaissent la valeur sociale, économique et environnementale de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (§108) et les vertus incitatives des instruments de tarification du carbone (§136). 108. Reconnaît l'intérêt social, économique et environnemental des mesures d'atténuation volontaires et leurs retombées bénéfiques sur l'adaptation, la santé et le développement durable (IV. Action renforcée avant 2020); 136. Reconnaît aussi combien il importe de fournir des incitations aux activités de réduction des émissions, s'agissant notamment d'outils tels que les politiques nationales et la tarification du carbone (V. Entités non parties) ; « L'importance du rôle de fournir des incitations pour les activités de réduction des émissions, incluant des outils tels que les politiques nationales et la tarification du carbone » est reconnue par la Décision 137 (Accord de Paris, 2015. Projet de décision 137/CP.21. Section V : Entités non parties; applicable aux acteurs non-étatiques). L'Accord de Paris reconnaît que « certaines Parties peuvent décider d'agir volontairement en concertation » (Accord de Paris, 2015. Article 6.1) dans la mise en œuvre de leurs iNDCs pour accroître le niveau d'ambition climatique. 6.3 Approches coopératives volontaires de l'Article 6 de l'Accord de Paris Les « approches coopératives » sont définies dans l'Accord de Paris (article 6) par une conception large, et pourraient à l'avenir couvrir une vaste gamme d'initiatives de coopération. Celles-ci incluent des approches coopératives générales à définir par les Parties, des coopérations qui donnent lieu à des réductions d'émissions de CO2 qui peuvent être transférées au niveau international, le mécanisme pour le développement durable à définir dans les prochaines années ou encore via des coopérations fondées sur des approches non marchandes. L'article 6 décrit ces approches coopératives comme suit : 6.3.1 Transfert des résultats d'action d'atténuation au niveau international L'Accord propose une option volontaire d'utiliser les « résultats d'actions d'atténuation transférés au niveau international » qui pourrait permettre de transférer des réductions d'émissions de manière bilatérale et multilatérale pour le compte de certaines iNDCs (Accord de Paris, 2015. Article 6.2/3). En anglais, cela correspond à « Internationally Transferrable Mitigation Outcomes – ITMOs ». Cette disposition permet aux Parties d'atteindre conjointement leurs iNDCs via le transfert international de réductions des émissions de CO2 grâce à des approches coopératives. La Conférence des Parties, servant désormais de Réunion des Parties de l'Accord de Paris (CMA), adoptera des lignes directrices sur la transparence et un système de comptabilisation robuste pour éviter un double comptage et assurer l'intégrité environnementale des transferts (Accord de Paris, 2015. Article 6.2). 6.3.2 Mécanisme pour le Développement Durable L'Accord prévoit également un mécanisme, mis à la disposition de toutes les Parties, qui vise à «contribuer à l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre et à promouvoir le développement durable » (Accord de Paris, 2015. Article 6.4). En anglais, cela correspond à « Sustainable Development Mechanism SDM ». Ce mécanisme invite « des entités publiques et privées autorisées par une Partie » (Accord de Paris, 2015. Article 6.4.b) à « contribuer à l'atténuation des émissions de CO2 mondiales » (Accord de Paris, 2015. Article 6.4.d), et sera supervisé par la CCNUCC (Accord de Paris, 2015. Article 6.4). Cette disposition permettra aux Parties de bénéficier « de résultats d'atténuation donnant lieu à des réductions d'émissions qui peuvent aussi être utilisées par une autre Partie pour atteindre ses objectifs définis dans son iNDCs » (Accord de Paris, 2015. Article 6.4.c). Le CMA (Réunion des Parties de l'Accord de Paris) déterminera les règles, modalités et procédures applicables au mécanisme pour le développement durable sur la base des critères suivants : 1) la participation volontaire autorisée par chaque Partie concernée ; 2) les retombées bénéfiques à long terme réelles et mesurables liées à l'atténuation des changements climatiques ; 3) le périmètre des activités ; 4) l'additionnalité des réductions des émissions ; 5) la vérification et la certification des réductions des émissions résultant des activités d'atténuation des entités opérationnelles désignées ; 6) l'expérience et les enseignements retirés des mécanismes existants et des démarches adoptées au titre de la Convention (Accord de Paris, 2015. Proposition intermédiaire 38/CP21; Section III: Decisions to give effect to the Agreement). 6.3.3 Cadre pour les approches non marchandes Un cadre pour l'utilisation d'approches non marchandes visant à « promouvoir l'ambition en matière d'atténuation et d'adaptation » est présenté dans l'article 6.8. Il permet aux Parties de répondre à l'ambition de leurs iNDCs par la coordination des efforts en utilisant des approches non élaborées sur des instruments de marché ou de tarification telles que « le financement, le transfert de technologies et le renforcement des capacités appropriées » (Accord de Paris, 2015. Article 6. 8). Ce cadre permet par ailleurs une coopération entre les instruments et les accords institutionnels pertinents (Accord de Paris, 2015. Article 6.8.c). L'Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (SBSTA) élaborera un programme de travail dans le but de renforcer les liens et les synergies, et faciliter la mise en œuvre et la coordination des différentes approches non marchandes (Accord de Paris, 2015. Projet de décision 40/CP.21; Section III : Décisions pour donner effet à l'Accord). Exemple d'approche coopérative volontaire : Club carbone Des clubs de carbone peuvent se former lorsque de petits groupes ou des individus s'alignent afin de parvenir conjointement à réduire leurs émissions de carbone (Petksonk et al, 2015). L'exemple retenu est celui de l'approche coopérative développée la Western Climate Initiative en Amérique du Nord pour l'émergence de son Club carbone. La Western Climate Initiative (WCI), est un groupe de juridictions infranationales composé d'États et de provinces d'Amérique du Nord, grâce auquel les membres travaillent ensemble pour définir et évaluer les politiques d'échange d'émissions qui sont adaptées aux circonstances nationales et pourraient avoir un impact au niveau régional. Cette approche coopérative a permis d'améliorer l'adoption de politiques de tarification du carbone au niveau national et transnational en Amérique du Nord en créant des conditions adéquates pour le développement et la liaison d'instruments de tarification du carbone. En raison du cadre commun de systèmes d'échange de quotas d'émission élaboré ex-ante au sein des membres de la WCI, la Californie et le Québec ont été en mesure de lier leurs programmes avec plus de facilité. Le succès de la liaison a attiré d'autres membres de la WCI, l'Ontario et le Manitoba, à établir des systèmes d'échange de quotas d'émission et une connexion vers le marché californien-québécois. Cet exemple de la formation de club et de liaison entre marchés du carbone est le premier de ce genre, mais pourrait annoncer la réplique potentielle de cette stratégie par d'autres juridictions nationales et infranationales qui cherchent à adopter des approches coopératives pour la tarification du carbone. 6.4 Autres dispositions en faveur des politiques de tarification du carbone En laissant la responsabilité à toutes les Parties de mettre en œuvre leur propre politique de décarbonation, l'Accord peut aider à créer un terrain de jeu plus international avec un patchwork de prix du carbone qui pourrait aider à atténuer certaines inquiétudes sur la compétitivité des industries, qui entravent l'acceptation politique de la mise en œuvre de mécanismes de tarification du carbone. La disposition visant à revoir l'ambition des iNDCs tous les cinq ans pourrait également contribuer à faire avancer la tarification du carbone au niveau national et transnational en permettant aux Parties d'explorer et d'adopter différentes mesures, dont la tarification du carbone. Certaines provisions de l'Accord en faveur de la transparence (Accord de Paris, 2015 ; Article 13), tels que l'état des lieux mondial (Global Stocktake), les rapports des inventaires nationaux d'émissions de GES et d'autres dispositions inscrites dans l'article 13, pourraient permettre de suivre, d'enregistrer et de communiquer les progrès de mise en œuvre des iNDCs. Ces dispositions pourraient améliorer la transparence quant au choix des politiques de tarification du carbone dans les contributions des Parties. Ces dispositions pourraient également aider à fournir un panorama sur les trajectoires de décarbonation entreprises par chacune des Parties. Enfin, une communication et/ou des mises à jour régulières des iNDCs permettront d'estimer les besoins nationaux potentiels de transferts internationaux de réduction d'émissions de CO2 entre les Parties. C'est à partir de là qu'apparaissent clairement les nécessités prioritaires de consolidation de coalitions multilatérales pour notre pays avec nos alliés traditionnels parmi les pays du Golf et ceux du continent africain, et celle du développement d'une politique de tarification du carbone ; et souhaitable bien avant la COP24. Eclairage à suivre : ZONES D'OMBRE AU TRAITE DE L'ACCORD DE PARIS & DEFINITION DE L'ADAPTATION ET DE LA METRIQUE