«Lettres à Abel» Maï-Do Hamisultane «Lettres à Abel», paru il y a quelques semaines chez les Editions La Cheminante est l'intitulé du nouveau-né de la jeune romancière Maï-Do Hamisultane. L'auteur nous présente, en effet, un roman épistolaire à la fois tendre, sensuel, déchirant. Les premières lettres démarrent avec une saison où la nature retourne à ses solitudes, à ses angoisses et ses à réflexions anthologiques infinies : l'automne. Cette saison où les feuilles reposaient en paix sur les quais et les boulevards. La première lettre donne le ton par une phrase sensuelle « mon petit, mon tout petit...» en dégageant cet amour inconditionnel de la maman, et surtout de l'auteur qui fait sommeiller ses émotions les plus profondes et ensommeillées dans son imaginaire, son utérus. C'est avec une économie du langage que l'auteur se livre. Elle y donne à la parole des ailes, une âme. En outre, c'est par le bais de la langue et du langage que l'écrivain extériorise ses déboires et ses hantises. Ainsi, les mots y meublent ses solitudes, pansent ses plaies. «Ton père a appris ce projet d'écriture. Non sans ironie, il m'a dit lors d'une passation de moi à lui que ça allait être mon meilleur livre, que j'allais enfin arrêter de raconter ma vie. J'ai eu envie de lui répondre : mais on n'écrit jamais que sur soi-même», écrit-elle dans la lettre 2, page 14. C'est dire en effet que toute une expérience humaine s'incarnait dans l'écriture, dans le roman bien entendu. Le roman est un souffle, un long fleuve jamais tranquille. On en s'enterait ses souffles dans les articulations des phrases courtes, des fois trop croutes reflétant l'état d'âme de l'auteur. «J'ai peur pour toi. Je suffoque. L'air libre», p 16. «Je suffoquais. Sans toi». (Page 17). Or, elle y trouve un refuge dans la littérature, dans les mots. Il y a un peu de tout dans le roman : l'amour maternel, l'errance, la quiétude, la douleur, la douceur, la blessure. En d'autres termes, l'attachement d'une mère à son enfant ! Malgré les tourbillons de la vie, le roman ne manque pas de scène poétique, y compris ce passage où elle contemplait la lune « là où elle se reflète dans la mer…». Après l'automne, l'hiver débarque. «Tout a toujours commencé en hiver. Commencer ou finir selon l'endroit où se place le curseur du temps» (P. 39) C'est tout un temps avec ses joies, ses malaises et souvenirs qui a passé sous les ponts de la vie et écrit dans le roman. Une poétique de l'espace, de déplacement aussi de cette femme entre deux univers, deux villes, deux espaces, deux mers. Bref, «une femme entre deux rives», (Page 40). Pour elle, Dieu est Amour. Cet amour qui sépare du vide et de la vacuité. Tanger est un amour aussi. C'est plus qu'une ville : c'est un cœur étoilé ! La ville du détroit fascine l'auteur. Elle y croise sa part manquante, ses souvenirs bien frais et ses baisers tièdes. Par ailleurs, la force du style de Maï-Do Hamisultane réside dans sa capacité de décrire des détails minutieux avec peu de mots, consentis, denses, sobres. «Ces mots qui résonnent plus fort depuis la solitude», dit-elle. Après la pluie, le beau temps? C'est le printemps. «Merci pour cette douceur», écrivait-elle. C'est avec ces mots que l'auteur avait commencé sa lettre en cette belle saison. Une fleur de platane suffisait alors pour apaiser ses craintes, ses errances hostiles, ses étouffements. Et voilà que l'été arrive avec son soleil et ses vagues ! Un été où la Méditerranée rejoint l'Atlantique. A Tanger toujours. La ville où elle rêvait d'avoir son enfant. L'auteur voulait juste se jeter dans la mer… emportée par les vents. Une simple envie : se libérer!