Maï-Do Hamisultane, Romancière et psychiatre L'écriture comme seconde nature, la littérature pour seconde peau, Maï-Do Hamisultane fait du bien à l'esprit en le guérissant, étant psychiatre de formation. Mais elle a, surtout, de l'esprit. Issue d'une famille d'écrivains, elle est rattrapée par son destin et suit sa voie. Une sage décision qui lui vaut le prix Découverte Sofitel Tour blanche 2016 pour son roman Santo Sospir. Portrait d'une plume qui mérite une grande attention. Elle a décidé de guérir les maux en devenant médecin et en étudiant la psychiatrie, mais n'a jamais oublié les mots pour autant. Un chemin presque tracé par la famille, qui a toujours été étroitement liée à la littérature. Pourquoi ne pas combiner les deux? Tel est le fabuleux destin de Maï-Do Hamisultane, née au cœur d'un foyer d'écrivains. «Quand j'étais toute petite, ma grand-mère m'emmenait dans les lieux où se passaient les histoires de ses récits aux titres variés, de L'Etendard écarlate des rois de l'Alhambra au Sceau de Grenade en passant par Moi, Juba II, roi de Maurétanie. À l'instar de ces voyages qui n'avaient d'autre raison d'exister que l'écriture, ma vie a été jalonnée par la littérature», confie l'écrivaine, qui fait ses hypokhâgne et khâgne BL au lycée Janson-de-Sailly à Paris, avant d'entreprendre des études de médecine et de se spécialiser en psychiatrie. «Sans trop savoir pourquoi, je me suis retrouvée comme tous les hommes de ma famille en médecine. Je n'aurais pas pu faire une autre spécialité que psychiatrie. Je n'ai alors pas eu à jongler entre la littérature et la médecine car en psychiatrie, que se passe-t-il d'autre que la vie? Quant à la littérature, à quoi s'intéresse-t-elle d'autre qu'à la vie? La frontière entre les disciplines est perméable». Elle le prouve en écrivant Mira Ventos et Santo Sospir et en proposant au monde une plume singulière pleine de sensibilité, entre réel et l'imaginaire, imaginaire qu'elle puise dans enfance dorée entachée par un drame. L'assassinat dans la maison familiale signe la fin d'une époque où régnait l'insouciance. Née à la Rochelle et ayant passé sa jeunesse entre Casablanca et Nice, la romancière ne se voit pas biculturelle: elle se dit habitée par une histoire. «Celle de ma famille au Maroc, celle d'une famille fassie qui vivait en vase clos, contrainte à l'exil par l'assassinat de mon grand-père. Ce n'est pas tant le Maroc que je décris dans mes livres mais son fantasme, né du manque de tout ce qui avait fait ce que j'étais, jusqu'à cette lumière si chère aux peintres et qu'on ne retrouve nulle part ailleurs. Barbarin Cassin écrit dans La Nostalgie «Tout le monde sait que sa mère est mortelle. Mais personne ne sait que sa maison est mortelle». Je n'ai plus de maison depuis ce drame, mais la littérature me permet encore de l'habiter. Son pouvoir de résurrection est immense !». Et ce pouvoir, on le retrouve dans son premier roman «Mira Ventos», en lice pour le Prix Mamounia où la romancière expie son histoire personnelle, son passé, l'histoire de cette noire «nuit blanche». Elle propose ensuite Santo Sospir, un roman sur l'attente, celui d'une femme qui attend, comme les femmes de marins, son amant qui, de Kiev à Tamanrasset en passant par Samarcande, ne lui donne des nouvelles que par intermittence. Une forme originale qui amène le sujet de façon poétique et qui rappelle Mira Ventos dans les thèmes, non dans le traitement. «Je tiens à ce qu'il y ait toujours des résonances entre mes livres, jusque dans les prénoms des personnages. Si on regarde l'histoire de la littérature, on s'aperçoit que même dans les thèmes qui semblent de prime abord les plus éloignés d'un auteur, il n'écrit en fait jamais que sur lui-même», continue Maï-Do Hamisultane, initiée à l'amour du verbe à tout juste 9 ans par le poète et romancier français Jean-Pierre Koffel, qui venait la garder des journées entières et lui donnait des sujets d'écriture, le tout sous le regard bienveillant de l'historienne et écrivaine Josianne Lahlou, qui n'est autre que sa grand-mère. Celle qui construit le roman dans sa tête avant de tout changer au moment de l'écriture, et qui avoue parfois écrire entre deux patients, sortira un troisième roman à la rentrée littéraire de septembre intitulé «Lettres à Abel». «On dit souvent que ce n'est pas l'auteur qui choisit son sujet mais l'inverse. Pour mon roman qui sort en septembre, c'est une photographie ancienne de la famille du Shah d'Iran qui m'a inspire. Je l'avais découpée il y a des années dans un magazine car elle m'avait émue. Je l'ai retrouvée il y a 2 ans. Je me suis dit que c'était un signe».