Montres, instruments de musique, calculatrices, appareils photos numériques… C'est cette diversité de produits qui a permis à la marque nippone de sortir de nombreuses crises. En plus de 70 ans d'existence, Casio a su répondre aux besoins de chacun dans toutes les situations. C'est dans des ruines que tout a commencé ! En effet, après des années passées à développer du matériel pour l'aéronautique et l'aviation, Tadao Kashio (décédé en 1993) fonde en avril 1946 une entreprise de sous-traitance, la «Kashio Seisakujo» dans les ruines encore fumantes de Mitaka, près de Tokyo. L'entreprise produisait des composants pour microscopes et boîtes de vitesses. Aidé par son père Shigeru et son frère aîné Toshio (ancien technicien pour le ministère des Télécommunications), Tadao Kashio commercialise la «Pipe Yubiwa» : une bague porte-cigarette qui permet de fumer une cigarette jusqu'au filtre tout en laissant les mains libres. Ce succès commercial permet à la jeune entreprise de constituer une base financière pour ses futurs investissements. Très rapidement, il fut rejoint par ses trois frères. Issus d'une famille très pauvre contrainte de quitter sa campagne à la suite du grand tremblement de terre du Kanto en 1923, les quatre frères Kashio vont bâtir leur empire à partir de 1954, date à laquelle ils exposent le premier prototype d'un calculateur révolutionnaire. Des débuts difficiles Les débuts n'ont pourtant pas été de tout repos. A commencer par le lancement officiel, un jour de 1956. Après sept années de recherche, Tadao, Toshio, Kazuo et Yukio vont enfin lever le voile sur leur premier modèle, la «14-A». L'événement est organisé à Sapporo, dans le nord de l'Archipel. Quelques heures de vol tout au plus depuis Tokyo. Tout est en ordre pour embarquer la machine dans la soute, quand les agents du fret obligent les ingénieurs à démonter la calculatrice. L'histoire ne dit pas pourquoi. Excès de poids ? La «petite» avoue 140 kilogrammes sur la balance. Excès de taille ? Elle ressemble à un gros bureau dont le plateau est surmonté des touches et de l'écran d'affichage. Les quatre frères finissent par s'exécuter. Une fois arrivés à destination, ils ne parviendront jamais à la faire fonctionner de nouveau. Le lancement est raté, les inventeurs en sont réduits à présenter leur prouesse sur de simples planches techniques. Le retour vers la capitale n'aurait rien eu de glorieux si un représentant d'Uchida Yoko Co., une maison de commerce spécialisée dans les fournitures de bureau déjà cliente de Kashio Seisakujo et dont le grand patron était présent à Sapporo, n'était venu immédiatement tirer leur sonnette pour acheter l'exclusivité des droits de commercialisation. Le produit au point, l'entreprise Casio Computer peut alors être créée, en juin 1957. En avril 1960 Casio Computer implante des usines dans les quartiers Yamato- machi et Kitatamagun de Tokyo. On y trouve d'ailleurs aujourd'hui le siège actuel du contrôle des produits et de la centrale technique. L'entreprise Casio Computer se spécialise alors dans le développement et la production de machines à calculer commandées par relais. Grâce aux ventes florissantes des calculatrices, en particulier dans les grandes entreprises et les instituts de recherche, Casio enregistre une croissance continue. Pour répondre à la forte demande, Casio construit un autre site de production à Tokyo et développe de nouveaux produits. De nombreux nouveaux modèles sont lancés, comme le TUC Compuwriter (appareil se raccordant à une machine à écrire électrique) ou la calculatrice AL-1 (destinée à la recherche et aux milieux scientifiques). Casio confirme ainsi sa position de leader du marché. Si la calculatrice «14-A» fait un tabac, notamment au sein de l'administration japonaise, la technologie Casio va vite subir la concurrence de l'électronique : en 1963, Sharp lance un produit équipé cette fois de transistors. Vers l'internationalisation En 1965, le contrat d'exclusivité qui lie Casio Computer et Uchida Yoko prend fin. La compagnie se lance dans la vente directe et crée une cinquantaine de points de vente, et met au point dans la foulée l'ordinateur électronique de bureau Casio 001, un modèle transistorisé. Comme l'entreprise continue de doubler son chiffre d'affaires chaque année, sa capacité de production se montre bientôt insuffisante. C'est pour- quoi elle fait appel au capital à la Bourse de Tokyo. Dès le premier jour d'introduction, le cours des actions Casio passe de 150 à 630 yens, pour un volume d'échange de 810.000 actions (en 1973, l'action Casio est introduite à la bourse d'Amsterdam et en 1979 à la Bourse de Francfort). Cependant, le marché des calculatrices professionnelles commence à se saturer avec plus de 50 fabricants. Les investissements de développement, de production et de commercialisation sont de plus en plus importants. Cette période est appelée ‘La guerre des calculatrices'. Pour faire face à la concurrence, l'entreprise se diversifie. Casio Computer change de niche et se lance en 1972 dans la production de la «Casio Mini» ; une calculatrice de poche destinée au grand public. Fixé à 100.000 unités par mois au lancement, le volume de production de la Casio Mini double en peu de temps. En dix mois seulement, la Casio Mini avait déjà été vendue à 1 million 'exemplaires et devient très vite un produit phare, vendu en 10 millions d'exemplaires. Grâce à ce succès, Casio revient sur le devant de la scène. Aujourd'hui, il ne reste que deux ‘14-A' visibles dans des musées. Son mode d'emploi a été perdu. Seul Yukio Kashio, le cadet de la fratrie, sait encore la faire fonctionner. Casio fait son entrée en horlogerie C'est le succès immédiat et fulgurant de la Casio Mini qui a décidé le management à entrer en horlogerie en 1974 avec le lancement de la montre électronique Casiotron. La particularité de cette montre est qu'elle indique automatiquement le nombre de jours du mois en cours. Elle indique également si l'année en cours est une année bissextile. On était alors en pleine révolution des montres quartz, qui techniquement ne sont en fait «rien d'autre» que des calculateurs comptant les pulsations d'un oscillateur à quartz. Entrer en horlogerie allait donc permettre à Casio de développer plus avant encore la technologie déjà mise au point pour ses calculatrices. Une voie d'accès toute naturelle en quelque sorte. Mais dans une industrie horlogère japonaise strictement verticalisée de la production jusqu'à la distribution, il était bien difficile de produire indépendamment et d'accéder aux marchés. Après deux ans d'efforts la sortie de la Casiotron digitale affichant ses chiffres en cristal liquide, dotée pour la toute première fois d'un calendrier perpétuel électronique, va pourtant lancer la saga horlogère des frères Kashio. Parallèlement, l'aventure continue chez Casio avec la première calculatrice au format de carte de crédit, la Casio Mini Card (LC- 78 d'une épaisseur de seulement 3,9mm) lancée en 1978, suivi de la calculatrice a énergie solaire, etc. A partir des années 80, l'entreprise se lance sur le marché des instruments de musique électroniques, avec le Casiotone 201, un clavier électronique qui reproduit la sonorité d'un piano, d'un orgue ou d'une guitare. La naissance de l'emblématique G–Shock Plus tard, Casio décide de relever un nouveau défi : créer une montre indestructible. Pour tester les prototypes, les ingénieurs les laissent tomber depuis la fenêtre de leurs bureaux situés en haut d'un building. Après environ 200 essais, ils réussissent à mettre au point un produit iconique : la G- Shock. Le succès est foudroyant : 70 millions de modèles vendus à travers le monde. En 1982, Casio lance les premières montres à affichage combiné analogique et numérique. Puis s'enchaînent les nombreuses innovations : des téléviseurs de poche LCD en noir et blanc, la montre extra plate qui mesure 3,9 mm d'épaisseur et qui pèse seulement 12g, vendue à plus d'un million d'exemplaires dans le monde ! En 1995, Casio révolutionne la photographie en présentant le premier appareil photo numérique. En cette année, la photo argentique est à son apogée. Le nom même de photo numérique n'évoque pour ainsi dire rien. Les photographes de l'agence Magnum utilisent encore le Leica M6, ignorant que ce boîtier est l'un des derniers « M » à films de la marque allemande. Nikon s'apprête à sortir son F5, sans penser non plus qu'il soit l'avant-dernier de la série «F», caractéristique de la marque jaune et noir depuis les années 1960. C'est au beau milieu de cette torpeur argentique que Casio lâche sa bombe. Elle a la forme d'un bien étrange objet, loin de ressembler à un appareil photo : dépourvu d'objectif, il est habillé d'une coque bi-corps en plastique de forme rectangulaire. Comble de l'étrange, un petit écran à cristaux liquides occupe la partie arrière de l'appareil. Le QV-10, premier appareil numérique, va pourtant déclencher une révolution, comme rarement l'industrie en a connu. Il est capable de stocker 96 clichés dans sa mémoire intégrée de 2 mégaoctets, et de les transférer ensuite vers un ordinateur. L'innovation technologique lui fait pardonner beaucoup de ses défauts de jeunesse. Capricieux avec sa mémoire, l'appareil offre, avec 250.000 pixels, une qualité d'image assez médiocre. Qu'importe, finalement les consommateurs saluent l'exploit, et achètent la première année 200.000 exemplaires du petit appareil, qui sera décliné ensuite en plusieurs versions améliorées. S'il peut se vanter d'avoir fortement bousculé un univers dominé par des majors, Casio n'a pas réellement capitalisé sur son innovation, ni pu résister aux coups de boutoir de concurrents comme Canon ou Nikon, rejoints plus tard par Sony et Panasonic (Lumix). A présent, le fabricant japonais revendique 15 % du marché domestique et une part de 5 % au niveau mondial. Il a opté pour une approche différente de celle des autres marques. Alors que la course aux pixels fait rage au début des années 2000, Casio fait le pari de la compacité en sortant, en 2002, un appareil de la taille d'une carte de crédit. L'ambition analogique Lancée en 2000, la marque Edifice démontre la nouvelle ambition de Casio dans le domaine de la montre analogique. Avec Edifice, Casio entend conquérir de nouvelles parts de marché dans un secteur qui représente, faut-il le rappeler, la part la plus importante du marché horloger mais dans lequel elle ne jouait jusqu'à présent qu'un rôle marginal. Pour y parvenir, Casio n'entend pas entrer en compétition frontale avec les horlogers suisses, mais bel et bien capitaliser sur ses propres atouts spécifiques et sa maîtrise des technologies et des fonctions liées à l'électronique. S'adressant à un public jeune, actif, urbain, Edifice cherche à donner un nouveau visage analogique aux avancées technologiques réalisées par la marque. Composée uniquement de montres acier au design épuré et très contemporain, au rapport qualité/prix imbattable, la ligne Edifice va bientôt proposer trois gammes de montres spécifiques : la gamme d'origine «Active Racing Line», inspirée des sports automobiles, la gamme «Solid Ur- ban Line», la plus épurée stylistiquement, et la gamme «Advanced Marine Line», étanche à 200 mètres et inspirée comme son nom l'indique, des sports nautiques. En 2001 Casio introduit la première montre radio pilotée à énergie solaire. Elle ne s'arrête jamais et n'a pas besoin d'être remise à l'heure. Cette montre Casio se distingue aussi par sa faible consommation d'énergie, ainsi que par son niveau élevé de miniaturisation. En 2006, le Groupe a franchi le cap du milliard de calculatrices vendues dans le monde. Enfin, la montre reste le principal produit vendu par Casio, outre les appareils photos, dictionnaires électroniques, calculatrices, instruments de musique, sans oublier les outils professionnels. Le Groupe a réalisé 2,29 milliards d'euros de vente sur son exercice 2012, en recul par rapport aux 2,59 milliards réalisés en 2011, l'année où Casio a lancé la Fx-CG20, le premier graphique avec écran LCD couleur. Le Groupe ne sortira de nouveau la tête de l'eau qu'à partir de 2015.