Le Maroc est-il suffisamment préparé pour réussir son passage au régime de change dit flottant ? La réponse à cette question mérite un vrai débat et nécessite une large concertation. La fragilité de l'économie nationale et la tendance spéculative qui peut être exercée par certains opérateurs peut fausser le jeu. Abdelwahed Souhail, économiste et membre du BP du PPS, ne cache pas ses inquiétudes par rapport à cette nouvelle cotation de la monnaie nationale. Pour lui, le jeu sur la valeur de la monnaie peut doper la valeur des exportations, d'où l'ampleur du risque encouru sur ce secteur. Souhail ne partage pas l'optimisme exprimé par ceux qui avancent que le passage au régime de change flexible offre une chance pour le Maroc. Il appelle en revanche à plus de prudence. Il regrette surtout de ne pas voir ce sujet faire l'objet d'un débat national associant opinion publique, gouvernement et Parlement et craint sérieusement le retour de l'inflation. Le passage à un système de change flexible est un système qui va être régi par la loi de l'offre et de la demande, souligne Souhail. Il explique que ce passage va faire de la monnaie une marchandise qui sera non seulement liée à la balance des échanges extérieurs, mais qui sera également soumise à une éventuelle spéculation. «Le danger vient de là», regrette-t-il. En effet, la monnaie devient une valeur en soi qui n'est plus liée à un niveau de production, d'exportation ou d'importation, ajoute t'il. «Quand on connait les fragilités de l'économie marocaine et la tendance spéculative que peuvent pratiquer certains opérateurs, notamment les banques, le risquedevient plusimportant», affirme-t-il. Cette décision risque de fragiliser l'économie nationale, estime Souhail qui partage à ce niveau l'idéesoutenuepar de nombreux observateurs qui souhaiteraientla mise en place d'une série de garde-fous éviter toutes dérives. D'ailleurs, c'est dans ce sens que vont les déclarations du Wali de Bank Al Maghrib, Abdellatif Jouahri qui a reproché aux banques d'avoir incité, à coup de rumeurs, à une forte demande et à la réservation de monnaies étrangères. Ce vent de panique a engendré une pénurie tout à fait artificielle car, quelque part, les gens ont cruqu'un système de change flexible équivaudrait à une dévaluation. Certes, le système de change flexible sera établi sur une fourchette, relativement réduite, de 2,5% dans les deux sens, ce qui la ramène à 5%. Un taux qui peut faire gagner beaucoup d'argent aux uns et en faire perdre énormément aux autres. Souhail rappelle que les pays qui ont eu recours à ce système de change flexible disposaient d'une économie solide avec une maitrise des échanges extérieurs et de l'inflation que le Maroc n'a pas. Pour lui, le jeu sur la valeur de la monnaie est un élément qui peut doper la valeur des exportations. Or, l'offre d'exportation du Maroc est extrêmement faible. «Qu'est ce que nous offrons», s'interroge-t-il ? Les défenseurs de la flexibilité du taux de change avance le secteur de l'automobile, mais dans ce dernier, on trouve beaucoup de coûts induits payés en devises étrangères. Si demain le dirham se déprécie le risque de voir les constructeurs se retourner vers l'importation des intrants est réel. Souhail ne partage pas l'optimisme de certains analystes qui avancent que ce serait une chance pour le Maroc. «Je sais que cela devrait nous inciter à plus de prudence alors que le système que nous avions n'était pas nécessairement fixe», précise-t-il. Celui-ci était lié à deux monnaies qui, elles -mêmes, fluctuaient. Apparemment, le Maroc n'est pas maitre de sa décision. Ce sont des injonctions du Fonds monétaire international qui a proposé ce système à beaucoup de pays. Ces derniers ont eu par la suite pas mal de problèmes, notamment l'argentine et l'Egypte... «J'aurais aimé que ce sujet fasse l'objet d'un débat national», réplique l'économiste qui notequ'à la date d'aujourd'hui, il n'ya pas eu de débat sur la question. Le Conseil de gouvernement s'est réuni mercredi pour l'annoncer et le Wali de Bank Al Maghrib devrait fixer une date de son lancement. C'est une tâche noire dans la gestion de l'économie nationale dans la mesure où l'opinion publique, le gouvernement et le Parlement n'ont pas été associés sérieusement au débat sur cette question, conclut Souhail. Celui-ci ne cache pas sa crainte d'unretour de l'inflation que le Maroc apu dépasser depuis au moins une décennie.