En affiche depuis mercredi dernier en France, «Hors la loi», le dernier né du réalisateur franco-algérien attise déjà une vive polémique et crée un tollé de réactions soutenues par certains courants de l'extrême droite l'accusant de dénaturer l'histoire. Faisant de l'histoire le fil conducteur de son cinéma, Bouchareb persiste et signe. Après son film «les Indigènes» qui n'est pas passé inaperçu et a permis de réhabiliter une partie d'une histoire longtemps passée sous silence, le cinéaste Bouchareb sort son «Hors la loi». Décrié, dénigré et renié, le film suscite, d'emblée, une violente controverse au sein de certains courants névralgiques opposés à toute réhabilitation de l'histoire coloniale qui préfère passer sous silence certaines questions en rapport avec la colonisation. Des dizaines de français se sont manifesté à Marseille à l'appel du Front national suite à la projection de l'avant-première du film. Une autre démonstration de colère a eu également lieu bien avant en mai lors du festival de Cannes. La raison de ce courroux ? Le long métrage est taxé de «propagande anti-française» et de «négatif et négationniste». Toutefois, cet argument n'est que l'arbre qui cache la forêt. Le motif réel pour lequel l'Extrême droite entretient la polémique, est l'exploitation politicienne de l'évènement, surtout que le Front national a perdu de son influence et de son aura dans la société française. Le film ne représente, de ce fait, qu'un prétexte idéal pour faire de la propagande et recruter parmi les âmes nostalgiques à la colonisation à des fins électoralistes. Pourtant, le film ne cherche en aucun cas à ouvrir une quelconque plaie. A l'inverse, «Hors-la-loi» peut aider à cicatriser les blessures de la guerre d'Algérie, affirme Roschdy Zem, l'un des acteurs principaux du film dans une déclaration sur France 24. N'est-ce pas qu'en se réconciliant avec sa propre mémoire qu'une nation peut avancer.? Dans une interview du réalisateur publiée sur les colonnes de l'Express, Rachid Bouchareb répond lui aussi à cette campagne : «Je n'ai pas réalisé un film documentaire. J'évoque les massacres de Sétif. Chacun peut s'exprimer sur le sujet, mais personne n'enlèvera les morts. Ce que j'aimerais, c'est que, de chaque côté de la Méditerranée, les historiens se rencontrent et se parlent. Il faut écrire l'histoire commune pour passer à autre chose. Pourquoi on n'avance pas ? Cela dit, je ne crois pas que la société française, aujourd'hui, ait peur d'aller voir un film sur son passé colonial. La jeune génération n'a aucun malaise avec ça. Croyez-vous que le public regardant Apocalypse Now se demande si le film est fidèle à la vérité historique ? Jamais. Le spectateur est toujours plus intelligent que certains ne veulent le faire croire». De quoi s'agit-il dans cet opus ? Cette fiction se place dans les années trente. Il s'articule autour des massacres de Sétif perpétrés sur les Algériens à cette époque. Une manifestation pacifique vire au génocide et à une répression qui ne dit pas son nom. Ces évènements sont abordés à partir de l'histoire de trois jeunes frères expulsés de leur terre. Messaoud part à l'Indochine. Abdelkader intègre le mouvement pour l'indépendance de l'Algérie et Saïd s'enrichit dans les clubs de boxe. Des années plus tard, ils se retrouvent et avec eux surgit tout un passé toujours douloureux. «Hors la loi» fait partie d'une trilogie qui a commencé par «les Indigènes» et qui va prendre fin avec un prochain film sur l'immigration d'un point de vue toujours historique. Néanmoins, l'essentiel dans toute cette affaire, c'est que le film a réussi à provoquer un débat non sans moins intérêt sur la corrélation entre le cinéma et la mémoire collective. Le réalisateur et écrivain français Chris Marker disait «Filmer, c'est faire de la mémoire».