L'Algérie se présente comme un fervent défenseur de la cause palestinienne, affichant une opposition farouche à toute relation avec Israël. Effectivement, notre voisin de l'Est se revendique un rôle central dans la « diplomatie » en faveur de la Palestine, mettant en avant son implication dans l'intégration de cette question au sein des Nations unies. Sa politique étrangère repose sur un engagement affiché en faveur des peuples opprimés, au premier rang desquels la Palestine. Cependant, derrière cette posture de soutien absolu, une autre réalité émerge : celle de relations discrètes mais bien réelles avec l'État hébreu. Malgré son discours officiel hostile à Israël, des échanges commerciaux entre les deux pays ont bien eu lieu. D'après l'Observatoire de la Complexité Économique, spécialisé dans les statistiques du commerce international, l'Algérie a exporté plus de 30,5 millions de dollars d'hydrogène vers Israël. Ce rapport met également en évidence une hausse significative des exportations algériennes vers l'État hébreu, avec une augmentation de plus de 64 % entre 2008 et 2017. En 2008, ces échanges ne dépassaient pourtant pas 2,57 millions de dollars. Le site « Trading Economics« , en s'appuyant sur les données du commerce international des Nations Unies, avait déjà relevé que l'Algérie avait exporté des produits vers Israël pour une valeur de 4,41 millions de dollars en 2019. Par ailleurs, le magazine britannique The Cradle, citant également des chiffres des Nations Unies, indiquait qu'en 2022, les exportations algériennes à destination d'Israël avaient atteint 21 millions de dollars, incluant principalement des produits chimiques et des composés de métaux précieux. Ces liens ne datent pas d'hier. Dès les années 1990, l'Algérie entretenait des relations secrètes avec Israël, en dépit d'une hostilité affichée sur la scène publique. Un article du journal français « Le Monde », publié en 1999, rapportait ainsi les débuts de ces échanges dès 1994. Cette année-là, une délégation israélienne du ministère de la Santé s'était rendue à Alger pour négocier un contrat de fournitures médicales, alors que le pays était plongé dans une guerre civile. À l'époque, l'Algérie préférait traiter avec Israël, plutôt que de s'exposer aux critiques européennes sur sa répression des islamistes. Les accords d'Oslo signés en 1993 entre l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et Israël avaient facilité ces interactions, qui se sont diversifiées au fil des ans. Dans un premier temps, les transactions concernaient des tests de grossesse, soigneusement dissimulés pour masquer leur origine israélienne. Progressivement, les échanges se sont étendus à d'autres fournitures médicales, équipements d'urgence et formations aux techniques de secours. Au-delà des besoins matériels, ces contacts s'inscrivaient dans une dynamique stratégique plus large. Israël cherchait à étendre son influence dans le monde arabe, tandis que l'Algérie profitait de ces liens pour obtenir du matériel de pointe et nouer des relations discrètes au Moyen-Orient. Dès les années 1980, des rencontres secrètes entre responsables algériens et israéliens avaient eu lieu à Paris. À partir de 1996, ces relations se sont diversifiées avec l'implication d'acteurs de la société civile. Des journalistes algériens ont été conviés en Israël, tandis que des scientifiques et industriels du pays ont participé à des séminaires aux côtés d'experts israéliens. La coopération a également été envisagée dans des domaines tels que l'agriculture, la gestion de l'eau et les technologies avancées. Toutefois, l'Algérie a maintenu une rhétorique officielle hostile à Israël, afin de préserver son image de soutien indéfectible à la cause palestinienne, tout en poursuivant des relations pragmatiques avec l'État hébreu. Plus récemment, un magazine a révélé, le 19 septembre 2024, la signature par l'Algérie d'un contrat de lobbying avec une firme américaine dont les liens avec Israël ne laissent pas de surprendre, compte tenu des positions officielles d'Alger sur la question palestinienne. Cette contradiction entre discours et actions alimente les interrogations sur la nature réelle des relations entre l'Algérie et Israël, loin de l'image monolithique véhiculée par les autorités algériennes. Enfin, les déclarations du président Abdelmadjid Tebboune lors d'un entretien avec le journal français « L'Opinion » ajoutent un élément supplémentaire à cette équation complexe. Il y a laissé entendre que l'Algérie pourrait envisager une normalisation avec Israël, sous condition de la création d'un État palestinien avec l'ouverture d'un consulat israélien à la capitale Alger. Ces propos marquent une potentielle évolution de la position algérienne et pourraient augurer un changement progressif, éloigné du double discours qui semble caractériser les relations algéro-israéliennes depuis plusieurs décennies.