Après une série de représentations, dans la périphérie de la capitale du Souss, la troupe de théâtre OUNAMIR d'Agadir, s'est rencontrée, avant-hier samedi, à la salle de la municipalité, avec le public d'Agadir. Le nouveau spectacle n'est autre que “Sayad N'aâm”, oeuvre Abdelkrim Berrerchid, dramaturgie, scénographie Abelkader Ababou, interprétation Abdenbi El Hiri, Aziz Al Idrissi, Kenza Lahkim et Saloua Ababou. La pièce, tant attendue par l'assistance, a brillé, une fois n'est pas coutume, par la pertinence du traitement messager, le raffinement de tout le dispositif artistique et la finesse du jeu. Tout d'abord, la rencontre de deux écoles théoriques différentes, longtemps mises à contribution, à savoir le théâtre cérémonial (Al Masrah Al Ihtifali), conduit par Abdelkrim Berrechid et le troisième théâtre (Al Masrah At Talit), dont l'un des artisans est justement Abdelakader Ababou, a été curieusement suivie dans une œuvre où l'empreinte de ce dernier était visiblement mise en évidence. Toujours fidèle à sa touche singulière, inspirée du Théâtre dialectique (Al Jadali), dont il est l'instigateur à souhait, il imprima à sa nouvelle création, un habillage scénique aussi bien fonctionnel, interpellant qu'esthétique. Sans jamais tomber dans l'inertie ni la redondance, l'arrière scène, suscitant à merveille la convive des récepteurs, demeure, tout au long du spectacle, le piédestal interactif de toutes les séquences admirablement mises en avant, d'une manière fluide et ascendante, à l'image de la reconversion de la splendide toile plastique en ambiance hilare et libératoire, après avoir été maussade et ostentatoire. En harmonie avec cette ambiance scénique imposante, les costumes et les accessoires, imprégnés dans un souci manifeste de cohérence et de synchronisme, ont été savamment présentés, au grand bonheur des sens. Rien n'est laissé au hasard, pas même le moindre objet qu'on peut jugé anodin et fortuit, pour rassembler une entité habilement proportionnée et dextrement dimensionnée. Les couleurs et les volumes sont alors somptueusement disposés conformément aux atmosphères incarnées, sans pour autant verser dans la cacophonie ni le superficiel. Perfectionniste qu'il a toujours été, Abdelkader Ababou veille au détail près et s'en va puiser ses trouvailles dans les sinuosités et les turpitudes du quotidien, au point d'impliquer l'audience dans l'univers où s'affrontent les forces du Bien et du Mal. Mahjouba, fil conducteur de cette dualité, intervient en tant que telle dans nombre d'affronts de la vie, pour finir dans une réelle noce jubilatoire, baignée doucereusement dans les rythmes féeriques d'Ahidous. Sous les carcans de la tyrannie virile et les étaux du travail domestique dérisoire, Mahjouba s'insurgit en public pour circonscrire son statut servile. Merveilleusement interprétée par la talentueuse Saloua Ababou, Mahjouba, toute fière et déterminée de sa rébellion, bourrée de valeurs et de vertus, cloua au pilori les souillures dont on veut l'éclabousser, quoiqu'on ait tenté l'engouffrer dans les méandres de l'obscurantisme aliénant et les balivernes de la chasse éhontée, remuée par les délires sages du saoulard, admirablement joué par la polyvalente artiste jaillissante Kenza Lahkim. Avec cette nouvelle pièce, Abdelkader Ababou a donc conquis et séduit le public par ces intarissables innovations puisées dans l'art au sens le plus large du terme dont le chant, la danse, le plastique, les expressions populaires, la chorégraphies…s'entrelacent et combinent parfaitement. C'est ce qu'on appelle tout simplement du Génie. Sacré Ababou!